« Nous traversons une crise d’excès de désirs »

Paris Notre-Dame du 6 juin 2013

Jean-Baptiste de Foucauld, président de « Démocratie et spiritualité » et fondateur de « Solidarités nouvelles, face au chômage ».
Photo : Laurence Faure

P. N.-D. – Le pape a récemment appelé à retrouver, dans nos systèmes économiques, une « centralité de l’homme ». Comment l’interprétez-vous ?

Jean-Baptiste de Foucauld – Aujourd’hui, notre système de valeurs est désaxé. Notre centralité s’est insidieusement déplacée vers ce postulat que la personne se définit non par elle-même, sa consistance propre, unique et irréductible, mais par ses droits. De ce fait, nos droits sont devenus plus importants que nos devoirs ou nos responsabilités face à la société. Se réaliser soi-même, aller le plus loin possible dans le sens de son intérêt avec le maximum d’avantages : voilà ce qu’est devenu la norme économique et sociale de l’individu. Une vision finalement assez matérielle et assez autonome des droits de l’homme… Cet état d’esprit a pénétré la société tant du côté du libéralisme que d’un certain socialisme utilitariste. La crise financière avec laquelle nous nous débattons encore n’est pas seulement une crise de produits toxiques fabriqués par des systèmes financiers peu scrupuleux. C’est une crise de l’excès de désirs et d’individualisme au détriment des règles collectives de base. Le pape me paraît appeler à revenir à la centralité de l’homme comme être total : « matériel », relationnel et spirituel. Afin que l’homme ne soit pas seulement un moyen de profit pour nos systèmes économiques mais (re)devienne bien une fin.

P. N.-D.–Par où commencer pour retrouver cette centralité humaine ?

J.-B. de F. – Beaucoup de gens souffrent : du chômage, de vies de famille instables et difficiles... Par ailleurs, la notion même de travail est souvent réduite au gain : on essaie de maximiser le désir de gain dans une société où la productivité augmente peu, où les gains sont limités. Mais tout le monde en veut. Conclusion : les plus forts s’en sortent et les plus faibles sont éjectés ou appauvris par le système. C’est l’idée même de la vie en communauté qui est en jeu ici. Je pense que le chrétien a avant tout à mettre en place, là où il se trouve, des mécanismes de résistance face aux phénomènes d’indifférence, d’exclusion et d’individualisme auto centré. Cela commence par le dialogue, notamment dans son lieu de travail.

P.N.-D. – Quels seraient justement les leviers à saisir pour un chrétien, dans le monde du travail ?

J.-B. de F. –On constate dans les entreprises une propension à l’inhumain : stratégies de carrière, soucis de rentabilité, exclusion interne (« placard »)… L’affaire des suicides dans différentes entreprises françaises ces dernières années est révélatrice de ces malaises, accentués par le chômage. Il y a en France une peur panique du chômage qui empêche de regarder en face le problème : c’est un mot qui brûle la bouche. Nous devons réagir à tous ces malaises en libérant la parole, en ouvrant la voie au dialogue et en nous appuyant sur notre entourage, professionnel entre autres (seul, on ne peut rien faire). De là peuvent naître des initiatives structurantes. Nous avons fait l’expérience, avec « Solidarités nouvelles face au chômage », de l’efficacité de méthodes robustes d’accompagnement bénévole à deux, régulé par un groupe qui se réunit tous les mois, finançant des emplois grâce aux dons reçus. • Propos recueillis par Laurence Faure

Solidarités nouvelles face au chômage : www.snc.asso.fr ; www.democratiespiritualite.org

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