Pascal Blavot, une présence gratuite auprès des plus pauvres

Directeur de projet dans les infrastructures de télécommunications, marié, père de quatre enfants et quatre fois grand père, Pascal Blavot témoigne d’une longue expérience au sein d’« Aux captifs la libération ». Cette association parisienne catholique vient en aide aux personnes de la rue et à celles qui vivent de la prostitution. Il a vécu pendant trois ans dans un centre d’hébergement où se côtoient anciens sans abri et bénévoles.

Interview parue dans la revue Diaconat aujourd’hui n° 164 de juin - août 2013.

Comment s’est déroulé votre appel au diaconat ?

J’ai grandi dans une famille catholique pratiquante et pour moi croire a toujours été aussi naturel que respirer. J’ai eu un parcours de foi assez classique. Pendant plusieurs années, le curé de ma paroisse parisienne a insisté pour que je réfléchisse à la question du diaconat. A ce moment-là, je ne savais pas bien ce que c’était et, pour être franc, ça ne m’intéressait pas tellement. Ce curé, qui était un ami, s’est fait de plus en plus pressant jusqu’à ce que j’en parle à mon épouse qui m’a dit « Pourquoi pas ? ». Je me suis lancé dans le discernement sans a priori, en me réservant jusqu’au bout le droit de dire « non ». J’ai vraiment eu besoin des trois premières années pour répondre positivement à cet appel de l’Eglise.

Comment en êtes-vous venu à vous engager à « Aux captifs la libération » ?

Après notre mariage, mon épouse et moi nous sommes engagés dans un grand nombre d’activités dans l’Église : l’aumônerie, les Scouts, l’Action catholique des milieux indépendants, la participation au conseil pastoral… Puis, il y a eu la préparation au diaconat – nous avons nous-mêmes été accompagnateurs par la suite… Après mon ordination en 2001, le vicaire général m’a demandé de m’intéresser à ce qui se passait dans le doyenné dans le domaine de la charité. Au bout d’un an, j’ai entendu un jeune couple de la paroisse parler de l’association, créée en 1981 par le P. Patrick Giros, où ils étaient eux-mêmes engagés. Il m’est apparu nécessaire et cohérent avec ma vocation diaconale de m’y impliquer à mon tour.

En quoi a consisté cet engagement ?

Pendant plusieurs années, j’ai participé comme bénévole à des « tournées rue ». Chaque semaine, nous allions, à pied, à la rencontre de personnes prostituées au cours de Vincennes, quasiment au pied de mon immeuble, puis au bois. Ces « tournées rue » commencent toujours de la même façon : on se dit bonjour, on se présente, on échange des banalités sur le temps qu’il fait… Au fil des semaines, des mois, parfois des années, on parvient à nouer une vraie relation avec certaines personnes. Nous cherchons surtout à ce qu’elles se considèrent à nouveau comme des personnes à part entière, qu’elles retrouvent la dignité qu’elles ont souvent perdue à leurs propres yeux. Il y a aussi des tournées en camion où les bénévoles proposent du café et distribuent des préservatifs. Tant mieux si certaines personnes sortent de la rue ou de la prostitution mais l’objectif premier reste d’abord d’entrer en relation et de les aider à se relever, à retrouver confiance en elles. A l’association, nous aimons dire que nous arrivons « les mains nues ». Nous tentons de les rejoindre là où elles sont géographiquement, physiquement, moralement, spirituellement, pour leur témoigner gratuitement de notre amitié. Tout cela ne peut se vivre que dans la fidélité, dans la régularité, ce qui demande un effort car les fruits de notre action sont rarement spectaculaires.

Avec votre épouse, vous avez vécu pendant trois ans dans le CHS Valgiros. De quoi s’agit-il ?

C’est un centre d’hébergement de stabilisation qu’a ouvert l’association il y a trois ans dans le XVe arrondissement de Paris. Son originalité réside dans la cohabitation entre des personnes venant de la rue ou en situation de grande précarité d’une part et des bénévoles d’autre part. Il compte trois appartements et trois studios où vivent en tout vingt-et-une personnes venant de la rue et onze bénévoles dont nous-mêmes. Au rez-de-chaussée se trouve un « deux pièces » où nous nous sommes dit qu’un couple d’hôtes pouvait s’installer pour mettre du liant entre les résidents des appartements et des studios. Avec mon épouse, nous nous sommes portés volontaires pour assurer cette mission, qui comprend le soutien des bénévoles vivant ici ainsi que la responsabilité de la structure dans la mesure où son directeur n’est bien sûr pas présent ni le soir ni le week-end. Les personnes qui viennent ici peuvent faire le point sur leur vie, apprendre à vivre dans un habitat collectif, réapprendre l’hygiène personnelle, se remettre à faire les courses, à cuisiner, à partager un repas avec d’autres. Ils retrouvent ainsi la confiance en eux et l’usage des codes élémentaires de la vie en commun [1].

Que vous a appris votre engagement au sein de l’association ?

J’ai surtout été marqué par les blessures très vives de ces personnes. Les personnes prostituées, comme les sans abri, portent en elles de terribles souffrances psychiques, physiques, affectives, relationnelles. Au début, on est tenté de vouloir les aider à trouver un travail, un appartement… Mais le plus important est qu’elles parviennent à se réconcilier avec leur propre histoire, à renouer des liens avec les autres. J’ai été témoin de quelques miracles. Je pense à un homme sans abri, alcoolique, défiguré et repoussant que nous avons accompagné pendant plusieurs années et dont on croyait qu’il n’avait plus beaucoup de temps à vivre. Aujourd’hui, il a un travail, il ne boit plus que du lait et il a un logement ! On ne sait pas trop comment il s’en est sorti, c’est assez mystérieux. En tout cas, il s’est relevé et est aujourd’hui autonome. C’est ce genre d’expérience qui donne envie de croire que c’est possible. Nous n’avons aucun pouvoir pour aider les personnes à se libérer de leurs chaînes. Ils n’arrivent pas à s’en défaire seuls. Je crois vraiment qu’il n’y a que le Christ qui peut les y aider.

En quoi la démarche des « captifs » est-elle prophétique ?

L’attitude qui consiste à aller à la rencontre des personnes là où elles sont, sans attendre qu’elles viennent vers nous est un chemin proposé à toute l’Église. Cela rejoint l’appel pressant lancé par le pape François à nous tourner vers les « périphéries ». Si nous restons à l’accueil, à attendre que les personnes frappent à la porte de nos paroisses, on risque d’attendre longtemps à l’accueil… La plupart de nos concitoyens ne savent même plus que, au lieu d’aller raconter leurs problèmes sur des plateaux de télévision ou dans des émissions de téléréalité, ils pourraient aller discuter avec un prêtre ou un chrétien prêt à les aider et à les accompagner. Allons donc à leur rencontre !

Propos recueillis par Romain Mazenod

[1L’engagement de Pascal et Chantal Blavot vient de prendre fin et l’association recherche un couple d’hôtes pour leur succéder. Avis aux bonnes volontés !

www.captifs.fr
Tél. : 01 49 23 89 90

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