Redécouvrir la force du recueillement à l’adolescence

Paris Notre-Dame du 17 février 2011

Généralement apprise dans le cocon familial,
la prière est souvent délaissée par les adolescents,
du moins dans ses modalités enfantines. Mais cette
évolution ne témoigne pas nécessairement d’un
dédain ou d’une complète désaffection ; elle peut
même constituer un passage vers sa redécouverte.

Comme annoncé en marge de notre récent
dossier consacré à la prière en famille (Paris
Notre-Dame du 13 janvier
), nous revenons
cette semaine sur deux sujets inscrits dans
le prolongement de cette enquête : le changement
de regard des enfants sur la prière au moment de l’adolescence
et la question de la pratique de la foi dans des familles dont
l’un des parents n’est pas croyant. Des situations courantes qui nous
montrent que la foi suit des chemins très divers mais peut se vivre à
tous les âges et dans toutes les situations familiales.

© Lisa F. Young / Fotolia

« Il peut nous arriver, mon
mari et moi, de prier encore
avec notre plus jeune
fils, âgé de 10 ans, mais à
présent, même sa soeur,
qui en a deux de plus, tout
comme les trois aînés, ne souhaite
plus se joindre à nous. » Sylvie,
paroissienne de St-François-Xavier
(7e), constate l’évolution du
rapport à la prière de ses enfants
depuis qu’ils sont adolescents.
« On ne peut pas dire que nous
priions souvent en famille lorsqu’ils
étaient tous enfants, mais
cela arrivait, notamment pendant
le carême ou l’Avent, se souvient-elle.
C’était un beau moment
passé ensemble. Mais depuis
quelques années, les choses ont
changé. Par exemple, nous avons
installé une belle crèche chez
nous cette année, mais n’avons
pas prié en famille devant. Il y a
comme une pudeur qui s’est
installée, c’est devenu pour eux
une démarche encore plus personnelle
qu’avant. »

A l’exemple de Sylvie, beaucoup
de parents constatent un changement
du regard que leurs enfants portent
sur la prière à l’adolescence.
Le recueillement enfantin,
enseigné en famille ou au catéchisme, se perd souvent sur
le chemin de traverse qu’est cet
âge de transition. « Je ne prie plus
comme avant, raconte Marie,
une élève de troisième. C’est devenu
plus rare et plus intime.
Franchement, je ne me vois pas
le faire avec
ma famille aujourd’hui. »

Choisir son chemin

A l’évolution voire la crise
spirituelle des
adolescents,
groupes et
mouvements
de jeunesse
répondent par
des modes
d’accompagnement
très divers. Tous visent à proposer à
chaque personnalité un cadre
adapté pour avancer sur son propre
chemin de foi. « Cet âge est marqué
par un grand bouleversement :
l’équilibre de l’enfance est mis à mal
par tous les changements que vivent
les adolescents, souligne le
P. Arnaud Gautier, responsable du
pôle Adolescence du diocèse. Dans ce cadre, le rapport à la foi évolue
aussi très souvent : la personne et
Dieu sont toujours les mêmes, mais
c’est la médiation dans leur relation
qui change.

La difficulté est dès
lors de donner à l’adolescent l’occasion
de rencontrer Dieu pour
qu’il bâtisse son propre chemin
vers Lui. Il y a des lieux extraordinaires
pour les accompagner dans
cette démarche : Taizé, par exemple,
mais aussi les mouvements, les
camps ou encore les groupes paroissiaux.
Les pôles Jeunes que
nous mettons en place peuvent
notamment être un bon cadre. »
Et sur ce chemin, les familles ont
un vrai rôle à jouer. « Si des adolescents
s’écartent de la prière ou
ne veulent plus la pratiquer avec
leurs proches, il ne s’agit pas de les
y obliger, reprend le P. Gautier.
Cependant, les laisser libres ne
signifie pas ne rien leur proposer.

Au contraire, c’est le moment de
leur montrer plusieurs bons chemins
sur lesquels ils pourront
s’épanouir. Ils pourront ainsi
réapprendre à prier à leur façon,
dans le cadre qu’ils auront choisi.
Car la prière est une vraie ressource
pour les aider à se construire et
trouver leur équilibre. »
• Pierre-Louis Lensel

La vie de foi en famille quand l’un des parents n’est pas croyant

Au sein d’une famille,
la foi est rarement
vécue de la même
manière par ses
membres. Lorsque l’un
des parents n’est pas
croyant, le chemin
spirituel est d’autant
plus personnel.
Pourtant, les expériences
marquantes
de l’un,dans la prière
ou dans le cadre
d’une activité paroissiale,
peuvent porter
des fruits chez les
autres. Témoignages.

Jacqueline, 67 ans
« Je me suis mariée à l’église et, à la
naissance de notre fils, qui a aujourd’hui
45 ans, mon mari et moi l’avons fait
baptiser. Pourtant, cela ne fait que quelques
années que je pratique régulièrement.
Sans m’accompagner, mon mari me
soutient discrètement. Par exemple, l’an
dernier, j’avais des difficultés à marcher. Il
m’a emmenée en voiture, mois après
mois, tous les mardis et mercredis pour
que j’assure des sessions de catéchisme à
la paroisse, et tous les dimanches pour
que je puisse aller à la messe.Nous
n’avons jamais prié en famille chez nous,
mais récemment, j’ai demandé au curé
d’organiser une messe pour mes beaux parents,
à laquelle mon mari et mon fils
ont participé. Loin de trouver cela sinistre,
ils ont été touchés par la cérémonie. C’est
une expérience que je compte renouveler.
Le reste relève de la grâce de Dieu... »

Marie-Noëlle, 50 ans
« Mon mari est athée, mais a toujours été d’accord pour
élever nos enfants dans la foi catholique, qui est un
fondement de ma vie. Quand nos enfants étaient jeunes – ils
ont entre 13 et 24 ans aujourd’hui –, une image ou un crucifix
était accroché dans leur chambre. Au moment de les
coucher, je leur lisais une histoire avec un message religieux,
avant de prier avec eux. Nos quatre enfants ont fréquenté
des écoles catholiques et sont allés au catéchisme.
Ils sont toujours venus à la messe dominicale avec moi.
C’est un moment fort entre nous, que nous partageons
aussi avec mon mari dans la mesure où le déjeuner qui suit
est souvent ponctué de conversations autour de l’homélie.
Dès leur jeune âge, les enfants ont demandé pourquoi leur
père ne nous accompagnait pas ; nous avons toujours répondu
franchement sur les croyances de chacun. Lors de
discussions autour de la religion, nous leur avons appris à
accueillir la vision de l’autre sans jugement. Ce n’est pas
toujours facile à assumer toute seule, mais après vingt-cinq
ans de mariage, je suis heureuse de ce que j’ai pu
transmettre et les plus jeunes apprécient toujours de venir
à la messe avec moi. »

Aude, 15 ans
« J’ai commencé à aller au catéchisme
pour être avec mes
amies, quand j’avais sept ans. Mes
parents ont reçu une éducation
chrétienne mais aucun ne pratiquait
à ce moment-là. Ce n’est que petit à
petit que les choses ont changé dans
la famille. Quand j’ai demandé à recevoir
le baptême, à neuf ans, ma
mère a commencé à m’accompagner
à la messe, puis mon petit frère
s’est joint à nous. Boris et moi avons
été baptisés ensemble. Au sein du
Moulin de St-Ferdinand (17e), j’ai
préparé ma confirmation. Mon frère,
voyant que je m’épanouissais dans
ce lieu, s’est aussi inscrit. Même si
mon père ne croit pas en Dieu, il me
laisse la liberté de participer aux
activités de la paroisse. L’ouverture
de mes parents me donne vraiment
l’impression de ne pas être seule sur
mon chemin de foi. L’an dernier,
nous avons tous été à Rome, avec la
paroisse. Pour mon père, c’était surtout
l’occasion de connaître l’histoire
de cette ville sous l’angle de la chrétienté.
C’était un moment fort
puisque ma mère a reçu la première
communion à cette occasion. Si chaque membre
de la famille est à une
étape différente, je sens que nous
vivons l’aventure ensemble. »
• Propos recueillis par S.L.

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