Accompagner la maladie d’Alzheimer

Paris Notre-Dame du 12 avril 2012

P. N.-D. - Comment se caractérise la maladie d’Alzheimer ?

Béatrix Paillot, laïque consacrée dans la communauté de l’Emmanuel, médecin gériatre, animatrice du cycle sur la maladie d’Alzheimer au Collège des Bernardins.
Photo D. R.

Béatrix Paillot – Cette maladie arrive de façon insidieuse. Liée à une cause encore mal identifiée, elle détruit progressivement certains neurones. Au début, il n’y a pas de symptôme clinique visible. Puis, des troubles de mémoire apparaissent et deviennent de plus en plus importants. La maladie s’installe sur des années. Les pertes de mémoire s’accompagnent d’abord de difficultés à s’orienter dans le temps, puis dans l’espace. La personne peut également avoir du mal à trouver ses mots. Des troubles de la gestuelle apparaissent plus tard. Enfin, la partie antérieure du cerveau à l’origine des capacités d’organisation et de contrôle de soi, peut être atteinte : cela entraîne une certaine passivité. Des troubles du comportement plus ou moins marqués peuvent s’associer, et une dépendance s’installe.

P. N.-D. - Que faut-il faire lorsqu’on pense être atteint de cette maladie ?

B. P. – La première chose à faire lorsque l’on s’inquiète de ses capacités cérébrales est de consulter un médecin. Les examens permettent de mieux comprendre ce qui se passe et s’il y a réellement une atteinte cérébrale. Si c’est le cas, il est possible de se faire soigner avec des médicaments qui, s’ils ne guérissent pas, améliorent la qualité de vie, en évitant que les neurones restant s’abîment trop vite : pour cela, on renforce les capacités d’attention. En outre, des ateliers mémoire et des séances d’orthophonie contribuent à mieux tirer partie de ses potentialités dans la vie quotidienne.

P. N.-D. - Quelles questions pose cette maladie ?

B. P. – D’abord et avant tout des questions anthropologiques, surtout à une époque où l’on a tendance à définir l’homme par ses capacités intellectuelles et son autonomie. L’entourage a du mal à voir son proche perdre ses capacités. C’est de fait une grande souffrance. Le risque est de voir ce que la personne n’est plus. Cependant, nous ne pourrons réellement l’accompagner que si nous savons reconnaître en elle ce qui reste digne de respect et d’estime. C’est la différence entre la pitié un peu négative et la vraie compassion. Ces malades ont une grande soif d’être reconnus comme des êtres humains à part entière. Un simple sourire peut leur faire du bien et les rejoindre au fond de leur âme. Et, bien souvent, ce sont eux qui, de manière inattendue, auront un mouvement du cœur qui nous touchera au plus haut point.

P. N.-D. - Cet accompagnement nécessite- t-il un apprentissage ?

B. P. – L’accompagnement d’une personne malade nécessite un « savoir-être » qui s’acquiert avec le temps. C’est une école de gratuité et d’amour. On y apprend le langage du cœur. La personne malade est dépouillée, sans masque. Si on sait rentrer dans une relation d’amour authentique avec elle, telle qu’elle est, on se mettra à cheminer avec elle et un nouveau sens à la vie pourra émerger. Certains, avec le temps, reconnaissent dans cette personne qui n’a plus figure humaine, le serviteur souffrant. C’est tout cela que nous approfondissons dans le cycle que j’anime au Collège des Bernardins. • Propos recueillis par Ariane Rollier

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