Au bout du pinceau, le mystère de Dieu

Paris Notre-Dame du 28 novembre 2019

Pousser la porte du cours de peinture d’icônes de Marie-Cécile Froment, c’est un peu comme écarter un pan du rideau du temple. Celui qui s’attend à une leçon d’arts plastiques ressort, s’il en a la disposition intérieure, en ayant pris la mesure du long chemin qui mène le peintre et fidèle au mystère divin.

L’icône de sainte Geneviève sera exposée à la galerie du Vert-Galant, du 18 décembre au 4 janvier.
© Mathilde Morandi

Revêtue d’une longue blouse ancienne de métier, entourée de livres et de bocaux de pigments multicolores, Marie-Cécile Froment accueille ses dix élèves dans un atelier de l’association C3B à Beaugrenelle (15e). Sur tout un côté de la salle, une grande baie vitrée sépare l’atelier de la rue, derrière laquelle, comme sur une estrade, défilent des silhouettes qui marchent. « La plupart des gens sont stupéfaits que l’enseignement de l’icône existe encore, ici et maintenant. Ils ne mesurent pas la portée intérieure de l’image », constate l’iconographe, en jetant un œil sur les passants. Fille d’une vieille famille chrétienne du Centre de la France, c’est après avoir obtenu son doctorat en Esthétique à la Sorbonne dans les années 1970 que sa route croise conjointement celle de la médiéviste Régine Pernoud et de la diaspora russe de Paris qui l’initient à l’icône. Élève depuis 1980 du père théologien et iconographe orthodoxe Georges Drobot puis de son fils, elle n’a jamais renié sa culture chrétienne enracinée. « J’ai accentué en les creusant mes racines latines, dans lesquelles je me suis replongée pour écrire l’icône. » Et d’ajouter : « “C’est votre fil d’argent Marie-Cécile”, me disait Georges Drobot fils, qui tient cette fidélité culturelle en estime. »

Penchés sur leur ouvrage pendant six heures d’affilée, les élèves, qui pour certains ont 20 ans d’atelier, et pour d’autres deux séances de présence, matérialisent tous dans leur progression une étape singulière de l’icône. Du dessin initial, de l’épure, à la peinture, qui se fait sans mélange, par couches successives en allant vers la lumière, à la dorure. Du bout de ses doigts fins munis d’un pinceau, Sonia Chiapuso, qui enseigne l’enluminure, pose avec virtuosité les feuilles d’or successives qui marquent une étape délicate de l’écriture de l’icône. « L’or est le symbole de la lumière divine », commente Marie-Cécile, qui salue la dextérité de son élève.
Sur la table de Cristina, originaire de Buenos Aires (Argentine), il y a une icône de la Vierge à l’Enfant fraîchement recouverte de vernis à l’huile (olifa) et le calque d’un dessin préparatoire pour une autre vierge. « Pour moi, c’est un sujet inépuisable. Sur des milliers d’icônes il n’y en a pas deux pareilles. Ce que je cherche c’est la présence tangible de Marie, de Dieu. C’est ce temple intérieur », explique-t-elle. « Une femme m’a dit un jour : “Faire des icônes, c’est triste”. Mais ce n’est pas triste, non ! », s’insurge-t-elle. « Ce n’est pas triste. C’est grave, hiératique et solennel », note avec sérieux son professeur, qui conclut la conversation d’un beau rire clair.

Par Mathilde Morandi

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