Aymard, un autre regard sur le temps

Paris Notre-Dame du 14 novembre 2013

Et si penser à la vie éternelle incitait à revoir son rapport au temps ? À travers sa vie familiale et professionnelle, Aymard nous livre son regard sur l’éternité. Un regard qui parle de gratuité, de dépossession et de vie après la mort.

Aymard
© Agnès de Gélis

« Je crois à la vie éternelle. »

C’est un jeune parisien du 17e, paroissien de St-Joseph des Épinettes. Il a 28 ans, une épouse, deux filles et des yeux bleus un peu rêveurs. Mais sous ses cheveux ébouriffés et sa barbe de quelques jours se cache un entrepreneur. Après un passage dans un cabinet de conseil, Aymard a décidé de créer, il y a cinq ans,une entreprise de marketing avec un ami. « Un métier qui va à l’encontre de la notion d’éternité !, lance Aymard en riant. La vie éternelle, ça me faisait peur quand j’étais petit : je ne voulais pas vivre éternellement. » Et de souligner le paradoxe : « J’avais très peur de mourir. » Le jour de la naissance de sa première fille, ce jeune papa a pourtant goûté quelque chose de l’éternité. « C’était tellement fort que je n’ai rien avalé de la journée, reprend-il. J’étais pris dans quelque chose qui me dépassait totalement, je me sentais hors du temps. »Mais c’est surtout dans les moments qu’il passe avec Dieu que le temps s’arrête. « Il n’est pas possible de croire à la vie éternelle si l’on ne donne pas du temps à Dieu de manière quotidienne, explique cet habitué de la messe matinale en semaine. La vie éternelle, pour moi, c’est d’être en permanence avec Dieu,dans sa plénitude. » Ce moment de la journée, loin des sollicitations professionnelles et de la vie humaine, permet aussi à Aymard de se recentrer sur l’essentiel : « Cela m’aide à essayer de ne pas mettre mon salut dans les choses matérielles, l’argent ou le travail. » Soucieux de mettre cette idée en pratique, l’entrepreneur s’efforce de garder du temps pour sa famille. Une réalité qui l’incite à ne pas rentrer trop tard le soir, à mettre de côté la pratique du rugby le samedi matin ou à ne pas courir partout le wee-kend.« Je réalise que le temps ne m’appartient pas, poursuit-il.C’est une dépossession très difficile, mais qui me fait prendre conscience qu’on ne maîtrise pas sa propre vie, qui est un don, et que nous sommes faits pour l’éternité. »

Un besoin d’éternité

Si parler de la vie éternelle n’est pas chose aisée, le jeune homme discerne dans son métier un contraste enrichissant qui alimente sa réflexion sur le sujet. Alors que le monde du marketing le ramène sans cesse à l’instant présent, éphémère, il a remarqué chez les créatifs qui travaillent avec lui une vision du temps à laquelle il n’est pas insensible. « Ils vivent avec intensité le moment présent », explique-t-il. Parfois non croyants, ceux qui imaginent une campagne publicitaire ont une capacité de contemplation qui touche le jeune homme. Comme si ces artistes avaient déjà un pied dans l’au-delà. Cette perception de l’éternité est sans doute encore plus présente dans l’esprit d’Aymard depuis qu’il a perdu sa mère, il y a un an. Cette fois-ci, le contraste avec les gens qu’il côtoie au travail se ressent davantage. Contrairement au jeune homme, ils parlent très peu de la mort, ou rejette même l’idée d’en parler. « J’ai pourtant besoin de parler de ma mère, ma relation avec elle me porte encore », avoue Aymard. Dans cette vulnérabilité, il se rend compte qu’il est davantage capable d’accueillir Dieu. Et plus l’on accueille Dieu, plus la vie éternelle commence sur la terre. • Agnès de Gélis

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