Bioéthique : « Pour un vrai progrès humain »

Paris Notre-Dame du 24 septembre 2020

Après avoir été voté en seconde lecture par l’Assemblée nationale au milieu de l’été, le projet de révision de la loi de bioéthique doit revenir devant le Sénat. Référent du groupe bioéthique de la Conférence des évêques de France et archevêque de Rennes (Ille-et- Vilaine), Mgr Pierre d’Ornellas appelle au discernement et à un « vrai progrès humain ».

Mgr Pierre d’Ornellas est référent du groupe bioéthique à la Conférence des évêques de France et archevêque de Rennes (Ille-et- Vilaine).
© Editions Balland

Paris Notre-Dame – « La bioéthique a besoin d’une salutaire prise de conscience », alertiez-vous cet été. Avez-vous le sentiment d’avoir été entendu ?

Mgr Pierre d’Ornellas – Certains entendent, d’autres ne peuvent pas ou refusent. Il me semble constater une myopie chez certains qui ont une courte perception de l’être humain. Une réflexion renouvelée sur la personne dans toutes ses dimensions est urgente afin de mieux discerner le bon usage des techniques. Je pense à la belle intervention d’Émilie Bonnivard, députée de Savoie, devant l’Assemblée nationale, à propos de la conservation d’ovocytes. Elle a averti sur l’illusion de bonheur procuré aux femmes seules par cette technique, et sur la parole de vérité dont celles-ci ont besoin. C’est précisément l’alerte de l’Église : gare à cette illusion offerte par une technique déconnectée des besoins réels de l’être humain, de sa manière d’advenir au monde et de la construction de son psychisme. L’humain est caractérisé par la gratuité. Est-elle compatible avec la maîtrise de tout par la technique ?

P. N.-D. – Quels sont les points du projet de loi, adopté cet été, sur lesquels vous alertez ?

P. O. – La mesure phare de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes est portée par un changement idéologique : la suppression de la distinction entre quelqu’un qui souhaite palier à une pathologie (stérilité) et quelqu’un qui n’en présente pas. Vers quel changement du rôle de la médecine allons-nous ? Les désirs individuels relèvent-ils d’une demande médicale ? Le projet de loi distingue mieux le régime de recherches sur les cellules souches embryonnaires de celui relatif à la recherche sur les embryons humains. Mais pourquoi maintenir cette dernière ? Hélas, ce projet refuse de considérer l’embryon humain avec le respect dû à l’être humain. Ce refus est lié chez certains à la volonté de banaliser l’IVG qui « ne doit plus être assimilée à un acte médical à part », comme le dit un récent rapport parlementaire. Tout scientifique devrait réfléchir au fait qu’il a été respecté avant de naître. Au titre de la fraternité, ce respect devrait être le même au sein de son laboratoire.

P. N.-D. – L’Église est parfois considérée comme s’opposant au progrès : quelle est sa mission ? Comme se saisir, au niveau du terrain, de ces sujets complexes ?

P. O. – L’Église a une mission « prophétique ». Elle tente de discerner les chemins du vrai progrès humain. Or, il y a progrès quand la fraternité grandit grâce au développement de tout l’être humain et de tous les êtres humains. Le progrès ne se mesure pas à la simple utilisation d’une nouvelle technique, même en vérifiant qu’elle ne crée pas de nuisances. Quand la dignité humaine est blessée, il n’y a pas progrès mais régression. Interdire à des enfants d’avoir un père, par l’extension de la PMA, qui peut dire que c’est un progrès ? L’Église est prophétique quand, au sein de violences, quelles qu’elles soient, elle consolide la fraternité par son inlassable attention concrète à l’autre, au plus fragile. Des chrétiens, sans juger, accompagnent et écoutent des personnes de tous horizons en souffrance en respectant leur dignité, ce qui invite à ne pas les laisser dans l’illusion. Merci à eux !

Propos recueillis par Laurence Faure @ LauFaur

Écologie et bioéthique, un nouveau chemin par Mgr Pierre d’Ornellas, éd. Balland, octobre 2019.

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