Cardinal André Vingt-Trois : Appelés à nous mêler des affaires du monde

Paris Notre-Dame – jeudi 28 février 2008

Paris Notre-Dame du 28 février 2008

Cardinal André Vingt-Trois
© D. R.

Nous vivons en démocratie ; cela veut dire que chacune et chacun est en situation de se faire entendre ou, du moins, de participer à l’expression de tous. A l’échelle de l’histoire et du monde, c’est une chance formidable. Les chrétiens doivent y prendre leur part, et c’est tout particulièrement le rôle des laïcs. Il ne s’agit pas d’essayer d’imposer des idées chrétiennes et moins encore des mœurs chrétiennes à ceux qui ne le sont pas mais de faire profiter nos concitoyens du regard que la foi nous permet sur l’homme, sa liberté, sa possibilité de se saisir de ce monde.

La démocratie, ce n’est pas seulement une fois tous les cinq ans, c’est tous les jours. Je crains que des situations que beaucoup de nos concitoyens déplorent aujourd’hui ne soient le fruit de leur absentéisme, du vide dans lequel ils ont laissé les lieux où se cuisinent la stratégie et la tactique, où s’imposent les décisions. Y-ont-ils jamais porté la contestation ?
Mais la contestation n’est pas seulement le cri du ras-le-bol individuel ; c’est aussi l’organisation, la capacité de faire vivre des « corps intermédiaires » : associations, réseaux, communautés.... C’est une responsabilité pour nous tous. Nous y sommes aidés par l’enseignement social de l’Église.

Être chrétiens dans ce monde n’est pas simplement nous mettre en prière à heures fixes ; c’est vraiment nous mêler des affaires de ce monde, parce que les affaires de ce monde transforment la vie des hommes, les rendent plus heureux ou plus malheureux, font grandir leur liberté ou leur capacité de vivre ou au contraire les restreignent, leur permettent d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés ou posent des barrages sur leur chemin Dans une démocratie, cela se discute, cela se transforme.

Voilà ce qui fait la laïcité selon le sens positif que l’Église donne à ce mot. La foi au Christ n’est pas la coupure d’avec le monde ; la foi au Christ, c’est l’offrande de soi-même, pour que le monde vive. C’est la capacité de risquer ce que nous avons reçu pour que cela porte du fruit. C’est la capacité d’ouvrir le trésor dont nous disposons pour le partager avec nos frères. Le principal risque que nous courons est qu’étant partagé, ce trésor se développe. Nous risquons, en l’ouvrant aux autres, qu’il pénètre davantage notre propre vie. Nous risquons, à mesure que nous l’offrons, de découvrir qu’il nous est précieux et que les richesses reçues deviennent force et vigueur dans notre existence.

+André Cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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