Comment les catholiques propagent l’appel de Dieu

Paris Notre-Dame du 16 janvier 2014

Chaque chrétien est invité à démultiplier l’appel autour de lui. Paris Notre-Dame a repéré cinq points clés pour entrer dans cette démarche : témoigner, partager la Parole, vivre une vie fraternelle, repérer les talents et faire confiance. Enquête.

© Yannick Boschat

Lorsque Dieu appelle les hommes, il intervient rarement seul. « Dieu passe souvent par des intermédiaires, explique Benoît Mangenot, diacre permanent à St-André de l’Europe (8e). Chaque homme peut aider d’autres à entendre leur appel, à comprendre que la vocation humaine est de se mettre au service de ses frères et non de se cantonner à une attitude de “consommation” ». D’où l’importance que chaque chrétien participe à cette dynamique de l’appel, y compris les laïcs. « Appeler une personne à une mission, c’est l’inviter à vivre une communion humaine et divine. C’est le sens même de l’Église », précise le P. Arnaud Gautier, vicaire épiscopal chargé de l’enfance et de l’adolescence. Alors, comment les catholiques essaient-ils de démultiplier l’appel ? Ils s’appuient d’abord sur la relation avec Dieu dans la prière, puisque c’est lui qui appelle.

Témoigner

Durant l’hiver, la paroisse St-Jean- Baptiste de La Salle (15e) offre un lit et un repas pour des personnes sans-abri dans le cadre de l’opération Hiver solidaire. Cette action nécessite la présence de plusieurs bénévoles tous les soirs pendant deux mois. Où les trouver ? Pour François Barbet, responsable de cette action sur la paroisse, le plus efficace est de recourir à son réseau de connaissances : « La majorité de nos volontaires sont venus proposer leur aide parce qu’un de leurs proches est déjà investi dans Hiver solidaire. Ils ont été interpellés par leur témoignage sur les liens profonds qui se tissent entre les personnes. Pour mobiliser des bénévoles, il ne faut pas seulement leur parler de l’urgence du besoin caritatif mais aussi de l’expérience humaine et spirituelle forte à vivre. » Ainsi, la joie profonde de s’investir dans sa mission donne à François Barbet l’audace d’appeler et donne en vie aux autres de le rejoindre. Même constat dans le scoutisme, comme le ra - conte Jacob Marquay, responsable d’un groupe de Scouts d’Europe lié à la paroisse Ste- Hélène (18e) : « Lorsque les chefs scouts proposent à d’autres scouts de prendre leur relève, ils témoignent combien leur mission est satisfaisante parce qu’elle permet de faire progresser des enfants dans l’apprentissage de la vie, d’enseigner ce qu’ils ont eux-mêmes appris dans le scoutisme et de nouer des liens d’amitié. »

Partager la Parole

Lorsque le P. Arnaud Gautier est devenu responsable du Pôle adolescence du diocèse, il a choisi de débuter chacune des réunions avec ses adjoints par un partage de la Parole. Les textes bibliques donnent un appui pour échanger sur la mission. Une démarche loin d’être nouvelle et qui porte toujours autant ses fruits. « La scrutation des Écritures nous révèle concrètement ce qu’est la charité, qui procède de Dieu. Elle nous aide à vivre entre nous la communion de l’amour à laquelle Dieu nous appelle. Elle est le moteur, elle nous donne de discerner ce qu’on a à faire et nous donne l’envie de le faire. » Cette expérience favorise la démultiplication de l’appel, com me en témoigne le P. Arnaud Gautier : « Je constate que beaucoup de laïcs du Pôle adolescence osent appeler parce qu’ils ont envie de partager l’expérience de communion qu’ils vivent à partir de l’échange sur la Parole. Leur appel est d’autant plus fort que leur motivation ne repose pas sur une obéissance au devoir de chrétien d’être missionnaire mais qu’elle vient du cœur. » À Ste- Marie des Batignolles (17e), le P. Olivier Teilhard de Chardin cherche aussi à ce que ses paroissiens partagent la Parole, à tous les âges. « La Bible nourrit notre dynamisme intérieur, notre vie spirituelle et notre amour des autres. Lorsqu’on appelle, on s’appuie sur la Parole et en même temps on l’annonce à l’autre. Beaucoup de paroissiens disent ne pas avoir les mots pour exprimer leur foi. D’où les catéchèses d’adultes : le travail des Écritures leur donne les mots de Dieu, la Parole de Dieu éclaire ce qu’ils vivent dans leur être profond. L’échange de la Parole entre frères chrétiens entraîne à s’approprier la Parole de Dieu, à former et forger une parole personnelle dans la foi de l’Église. Oui, il est capital d’apprendre à parler, à nous confirmer dans l’amour de l’Évangile entre frères chrétiens afin d’en rendre témoignage auprès de ceux qui ne le connaissent pas. »

Vivre une vie fraternelle

La vie fraternelle permet aux chrétiens de mieux se connaître. De quoi faciliter l’appel entre eux. Comme dans le groupe des Scouts d’Europe de Ste-Hélène : « C’est devenu un vrai réseau d’amis. Lorsqu’on noue des liens d’amitié avec une personne, qu’on voit ce qu’elle est capable de faire, il est plus facile ensuite de lui proposer des responsabilités », témoigne Jacob Marquay. La vie fraternelle permet aussi de soutenir la vie spirituelle, un pilier indispensable pour appeler.
C’est le cas pour Hélène Cornetto, 24 ans, membre de la Conférence Saint-Vincent de Paul « Jeunes » liée à la paroisse du St-Esprit (12e). Elle participe à des maraudes auprès de personnes sans-abri. Toutes les semaines, avant de partir dans la rue, elle partage avec les autres bénévoles un temps de prière et de chants. Une fois par mois, tous les membres de la Conférence de la paroisse, soit environ une vingtaine de personnes, se retrouvent aussi pour un dîner. Après avoir échangé sur ce qu’ils ont vécu dans les semaines précédentes, ils écoutent l’enseignement d’un prêtre. « Nous sommes portés les uns les autres par la prière. Se retrouver avec d’autres jeunes chrétiens et servir le Christ avec eux renforce ma foi. Je suis impressionnée par le dynamisme de certains jeunes, leur exemple m’encourage. » De quoi lui donner la force d’inviter un ami non baptisé à s’investir avec elle dans les maraudes. « Il est touché par nos temps de prière, il se rend compte que quelque chose de spécial se vit entre nous », confie-t-elle.
La paroisse St-André de l’Europe (8e) met aussi en avant la vie communautaire à travers ses propositions pour approfondir l’Année de l’appel. Par exemple, ses fidèles sont invités à se réunir par groupes de six personnes, autour d’un livret de l’appel, rédigé par le curé avec l’aide de paroissiens. « Le livret aide les membres d’un groupe à s’appeler entre eux car il suscite une réflexion commune, il incite à l’interpellation mutuelle », avance Benoît Mangenot. Sa paroisse organise aussi trois temps forts sur le thème de l’appel, où sont conviés tous les paroissiens, à la manière des assemblées paroissiales appelées de ses vœux par le cardinal André Vingt-Trois. Au programme : enseignements, témoignages et échanges. « Si nous voulons que l’appel soit entendu et porté par les paroissiens, il faut multiplier les occasions d’en parler », insiste Benoît Mangenot.

Repérer les talents

« Il faut veiller à diriger les personnes vers des missions qui les attirent, au risque sinon de les dé goûter du service de l’Église en général, conseille Hélène Cornetto. À la Conférence Saint-Vincent de Paul, il y en a pour tous les goûts. Je me rends compte à quel point ses membres se complètent. Chacun a des qualités différentes. J’aime cette diversité. » Savoir repérer les talents de chacun mais aussi être conscient de leurs contraintes personnelles, voilà ce qui aide à constituer une bonne équipe.
Au sein de l’association Hiver solidaire, François Barbet fait justement en sorte que chaque bénévole se sente à la bonne place. Les personnes chargées de la cuisine ont par exemple été appelées parce qu’elles savent concocter de bons petits plats et parce qu’elles sont disponibles en journée. François Barbet s’adapte aussi à la tendance de notre société actuelle où l’engagement fait peur. Il n’impose pas une fréquence régulière aux bénévoles et un document en ligne permet de s’inscrire au fur et à mesure. Un système qui rend l’organisation du projet plus compliquée mais qui facilite le recrutement : « La flexibilité des horaires nous permet de mobiliser plus de personnes, surtout pour la tranche d’âge des jeunes professionnels qui ont un emploi du temps chargé et du mal à s’engager le même jour chaque semaine. »
S’adapter aux personnes passe aussi par la formation. Le Vicariat pour la solidarité organise, avec l’association Aux captifs la libération, des séances pour apprendre à accompagner les personnes sans-abri : « Elles expliquent leur quotidien et donnent des conseils sur la manière de se comporter avec elles. Ce n’est pas évident au début d’approcher ce public, une formation rassure et permet de mieux appréhender la relation avec les personnes accueillies », explique François Barbet.

Faire confiance

Après trois ans de service, Laurence de Corn a arrêté sa mission de coordinatrice de catéchèse et l’a transmise en toute confiance à son successeur. Dans sa paroisse, à St- Ferdinand des Ternes (17e), c’est la règle : la coordinatrice de catéchèse ne doit pas rester plus de trois ans. Une démarche salutaire pour Laurence de Corn : « Si on assure trop longtemps une mission, on risque de se l’approprier, de moins collaborer avec les autres et de prendre trop confiance en soi. Limiter à trois ans la mission aide à éviter ces dérives. J’ai fait l’expérience que c’est l’Esprit Saint qui rend capable. » Pour trouver sa remplaçante, elle s’est appuyée sur la prière, l’aide du curé et sa connaissance des catéchistes de sa paroisse. Un nom lui est rapidement venu en tête, comme une évidence. Mais la personne concernée a hésité, avant de ré pondre positivement. Cela n’a pas découragé Laurence de Corn : « Il est important de ne pas mettre la pression lorsqu’on appelle. D’un autre côté, il faut savoir réitérer la proposition pour que la personne prenne conscience qu’elle vient peut-être de Dieu. Il est normal d’hésiter face à une mission, c’est souvent le signe qu’on prend cet engagement au sérieux. Si on appelle une personne, c’est qu’on la sait capable. Moi-même, au début, j’avais peur, mais la personne qui m’a appelée m’a donné confiance en moi. » Faire confiance à une personne, c’est aussi respecter ses différences. « On appelle quelqu’un avant d’appeler à quelque chose, souligne Laurence de Corn. Il ne s’agit pas avant tout de combler un besoin mais d’inviter à servir le Christ. » Dans le quartier de la chapelle Ste-Rita (9e), des jeunes se mobilisent pour évangéliser dans la rue chaque mercredi soir et tous les premiers samedis du mois. Ils s’appellent entre eux pour cette mission : « Ils ont tous peur de se lancer la première fois mais ils osent franchir le pas parce qu’ils voient la joie de ceux qui ont déjà tenté l’expérience », constate le P. Pierre-Olivier Picard, chapelain. Ce dernier leur rappelle aussi de faire confiance à l’Esprit Saint : « C’est lui qui va nous permettre d’écouter une personne et de sentir ce dont elle a besoin. » • Céline Marcon

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