Conférence du cardinal André Vingt-Trois “L’Évangélisation de la ville de Paris”

Revue Théologique des Bernardins – 3 octobre 2011

Cet article est la transcription écrite de la conférence de clôture de la session intersemestrielle de la Faculté Notre-Dame : « Paris en grand, Paris vivant » le vendredi 11 février 2011.

L’aventure humaine inclut une tradition urbanistique. La ville n’est pas un phénomène nouveau. Mais à chaque époque, elle a pris une figure culturelle différente en fonction des conditions dans lesquelles elle se développe, de l’environnement où elle s’implante et des contraintes qui marquent ses habitants. Ce qui est relativement neuf, c’est la prise de conscience qu’il existe aujourd’hui de très grandes villes, des mégapoles. Les villes qui semblaient gigantesques aux auteurs bibliques nous le paraîtraient beaucoup moins aujourd’hui. La Rome de l’Empire romain était certainement bien modeste par rapport à ce qu’est Paris en 2011.

Certes, la réalité urbaine a des caractéristiques constantes : la concentration d’un certain nombre de gens dans un espace relativement réduit et assez bien délimité ; la présence de fonctions qui se développent dans cet espace et pour ces personnes. Mais, en disant cela, ma culture urbanistique ne s’arrête-t-elle pas au XIXe siècle ? La ville d’Haussmann dont nous connaissons tous les grands axes n’a plus grand-chose à voir avec celle du XXIe siècle. La ville d’aujourd’hui, qui est déjà un peu celle de demain, est souvent appelée une « ville-monde ». C’est une manière de signifier combien sa réalisation et ses contours la constituent d’une manière nouvelle par rapport à l’expérience des siècles passés.

Je voudrais relever quelques aspects de cette « ville-monde » qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce qui s’y vit et à mieux percevoir quelle pourrait être notre mission à son égard.

1. L’une des caractéristiques principales de la « ville-monde » est de posséder des pôles multiples unis entre eux par des réseaux.

Notre imaginaire (nostalgique ?) et notre culture sont ceux d’une ville centrée. La mention « centre-ville » sur les panneaux indicateurs nous laisse supposer que la ville a un centre. Mais nous construisons aussi, aujourd’hui, des villes qui ont plusieurs centres ou pas de centre du tout. Ces pôles nombreux sont définis par des champs d’activités particuliers, qui rappellent les spécialisations par quartier : le quartier de la Défense est un pôle économique certain, différent du pôle artistique du Louvre, pour prendre des contrastes évidents et peut-être grossiers.

Une telle réalité est traversée par des réseaux. En premier, nous pensons évidemment au réseau de transport. Mais celui-ci n’est pas simplement un ensemble de voies de communication plus ou moins articulées les unes avec les autres. Il est le support d’un flux de déplacements des personnes. Les habitants de l’agglomération parisienne sont très nombreux à passer une partie importante de leur temps dans les transports, publics ou privés. L’homme de la « ville-monde » est « l’homme qui bouge », « l’homme qui se déplace ». Après la deuxième guerre mondiale, dans beaucoup de quartiers de Paris, l’activité économique et le lieu d’habitation étaient encore rassemblés dans un espace relativement restreint. Les gens qui habitaient le Marais y travaillaient et y vivaient. Faire de longs trajets pour aller travailler était assez exceptionnel. Tout cela s’est rapidement modifié et le développement d’entreprises de plus grande importance, demandant des espaces plus larges, a évacué les pôles d’activités vers l’extérieur et conduit les gens à des déplacements.

Les flux de déplacements et les réseaux de transport sont liés principalement à trois formes d’activités humaines : le travail, la consommation et le loisir. Une part importante de l’activité économique de nos agglomérations consiste précisément à vendre des produits de consommation et des loisirs. Le ressort principal de l’activité économique est de favoriser la consommation, qui en elle-même permet de faire travailler beaucoup de gens. Ce réseau d’activités multiples est très diversifié. Il constitue aussi un maillage différent du réseau des transports, avec un autre type de flux, des pôles de concentration, et avec des espaces de rencontre où l’on est tour à tour marchand ou consommateur.

Un troisième type de réseau, qui doit être pris en compte de façon plus attentive, est ce que j’appellerais le réseau virtuel. La « vi1lemonde » est traversée et agitée de manière invisible par le réseau virtuel. Par certains moments, nous voyons comment grâce au téléphone portable, aux blogs ou aux réseaux sociaux, des personnes peuvent se concentrer à un endroit, faire circuler des mots de passe, des messages ou des slogans et générer des activités communes, sans avoir d’autres rapports que ce lien virtuel. Elles voient ou entendent, et elles viennent. Il ne faut pas sousestimer la capacité de mobilisation de ces liens virtuels. Certes, il y a besoin d’un fondement de réalité pour accrocher quelque chose. Mais à partir de là, ces réseaux ont leur propre puissance. Par eux, un jeu de forces traverse cette « ville-monde ». Les gouvernants et responsables politiques mesurent de jour en jour qu’ils n’ont aucune maîtrise sur eux. On peut toujours bloquer un canal, mais on ne peut pas empêcher ce monde virtuel de fonctionner, ni les messages de circuler, les idées de se répandre et les mobilisations de se produire, ou de ne pas se produire.

Devant cet ensemble un peu diffus et éclaté, il y a la tentation de se replier sur son jardin. Si la vie dans la cité est le lieu de tant de circulations immaîtrisables, si personne n’en est maître (même ceux qui croient pouvoir les maîtriser), n’est-il pas plus prudent de se tenir à l’écart de ce jeu de forces et donc de renforcer son « pôle » d’individualité ? Nous voyons des gens, complètement engagés dans le flux de ces réseaux (de transport, de travail, de consommation, et ces réseaux virtuels), qui cherchent à préserver jalousement un lieu d’identité qui sera leur « home sweet home ». On verra conjointement se développer ce tissu urbain multiforme, étendu, diversifié et traversé de toutes sortes de courants et, en même temps, de petits îlots, des zones pavillonnaires ou des tours bien protégées et bien gardées, où les gens vivent presque complètement isolés. C’est une tentation nuisible dès lors que cette tendance à se replier sur son quant-à-soi aboutit à un appauvrissement de l’implication et de la participation à la vie de la cité.

2. Cet univers multipolaire est balisé par des symboles monumentaux qui matérialisent des zones d’activités spécifiques. Je vous en propose quatre types, inégalement représentés.

a. Paris est marqué par ces symboles physiques datant du XIXe siècle que sont les gares. Les gares parisiennes constituent un espace monumental très significatif et symbolique, d’abord parce que c’est de là que part le voyage, mais également parce que les gares structurent la géographie de la ville de Paris, comme par exemple l’axe du boulevard de Strasbourg aboutissant à la gare de l’Est.

b. Des symboles physiques caractérisent la vie culturelle, comme par exemple le musée du Louvre ou le Centre Pompidou. Cela ne veut pas dire que tous les gens qui y passent vont entrer dans une démarche esthétique, mais cela veut dire que cette réalité de l’art est matérialisée par une architecture qui tranche sur le reste du tissu urbain.

c. Les hôpitaux tiennent une place très importante dans la ville de Paris. Ce sont des bâtiments particulièrement importants dans le tissu urbain, qu’ils soient anciens, comme la Pitié-Salpêtrière ou l’hôpital Saint-Louis, ou de construction récente comme Georges Pompidou ou Robert Debré. Ils désignent un pôle d’activités spécifique : le soin des malades.

d. Enfin il y a les prisons. Depuis six ans que je suis à Paris, je me rends chaque année à la prison de la Santé. À chaque fois, on m’explique que l’année suivante la prison sera fermée. Mais dans la discussion avec les responsables surgit toujours la question de savoir où il faut mettre la prison. Doit-elle être visible dans le tissu urbain, comme un symbole, ou bien faut-il qu’elle s’en situe loin ? La même question se pose pour les universités.

Parmi les symboles physiques des pôles d’activités, je note l’usure ou la disparition des commerces. Les monuments dédiés aux commerces dépérissent, paradoxalement, dans une société qui repose sur la consommation. La Samaritaine est fermée, et tout autour d’elle d’autres grands magasins, comme La Belle Jardinière . Une construction de grands commerces anciens est en train de s’effacer au profit de centres commerciaux à la périphérie de Paris.

Quelle est donc la place des églises dans le tissu urbain ? Chrétiens, que faisons-nous au milieu de ces symboles physiques ? Nous apportons un registre symbolique particulier qui est celui de nos églises. Comment cherchons-nous à ce que les communautés chrétiennes vivantes aient une représentation physique symbolique à travers la monumentalité et la visibilité des églises ? En effet, une église peut être simplement considérée du point de vue fonctionnel : un certain nombre de mètres carrés commodes d’accès et esthétiques, mais sans emprise extérieure sur l’espace urbain, complètement noyés dans le tissu des immeubles, comme l’église du Bon Pasteur dans le XIe arrondissement. Elle est fonctionnelle, mais située au fond d’une cour. Celui qui passe dans la rue ne sait pas qu’il ya une église. C’est un peu la même chose pour l’église Saint Albert-le-Grand, dans le XIIIe arrondissement, qui a été construite en rez-de-chaussée d’un immeuble.

Travaillons-nous à avoir une expression symbolique physique de l’existence chrétienne dans le tissu urbain, ou bien se dit-on au contraire que le plus important est que la communauté chrétienne vive, qu’on la voie ou qu’on ne la voie pas ?
Mais dans le fonctionnement de la ville, les symboles physiques d’activités ont une certaine importance. On ne peut pas dire simplement qu’il suffit que les trains roulent, même si on ne voit pas où est la gare ! Ou qu’il suffit que les médecins soignent, et peu importe si on ne sait pas où est l’hôpital ! Il est très important de savoir qu’il y a un hôpital ou une gare quelque part dans la ville. D’une manière comparable, il est précieux qu’il y ait une représentation physique de l’existence de l’Église dans le tissu urbain. Ceci explique les recherches et les tentatives des décennies écoulées, non seulement pour garder les emprises urbaines des églises, mais aussi pour essayer, si possible, d’y faire à nouveau quelque chose de monumental, non par satisfaction esthétique, mais parce qu’un bâtiment est un langage symbolique à l’égard de la ville qui l’entoure.

3. Le troisième aspect est celui de la communication à l’intérieur des réseaux humains qui traversent la ville. Comment communiquent-ils (ou ne communiquent-ils pas) ensemble ? La manière de communiquer que nous avons héritée de l’expérience paroissiale des villages français était celle d’une communication locale et contrôlée. Le lieu où l’eucharistie était célébrée était aussi celui de la communication et de l’information. Ce système continue pour une part de fonctionner, même s’il évolue lentement. Mais l’extension des moyens de communication écrits, oraux et visuels a transformé cette communication, géographiquement contrôlée, en une communication qui non seulement n’est plus géographique, mais n’est plus contrôlée : n’importe qui peut dire n’importe quoi sur n’importe quel sujet sans que cette communication puisse être toujours rattrapée !

Ce nouveau système d’interférence entre les réseaux est mis en œuvre par les médias, en particulier par internet. La question à laquelle nous sommes confrontés n’est pas d’y être présent ou de ne pas y être. Il vaut mieux y être que de ne pas y être (même si parfois il vaut mieux effectivement ne pas y être). La question est plus exactement de savoir ce que nous avons à dire là-dedans ? Qu’est-ce que le fonctionnement en réseau peut susciter comme mode de communication utile pour l’évangélisation ? Que la confession par iPhone mobilise plus, le temps d’une journée, que les révolutions en Afrique du nord est une chose mystérieuse qui échappe à nos critères ordinaires. La manière dont l’information est hiérarchisée suscite des réflexions sans fin. Mais, que souhaitons-nous faire dans ces modes de communication ? Allons-nous transformer la réalité de la vie chrétienne en un jeu virtuel ? Faut-il imaginer un Facebook de la foi, avec des « amis » nombreux, et rien au bout du compte quand on ferme la session Facebook ? Devons-nous nous lancer dans ce genre de démarchage affectivo-narcissique (je suis l’ami des amis de mes amis) ? Ou bien notre implication dans ce système de réseaux s’appuie-t-elle sur cet événement fondateur et ces événements médiateurs que sont la vie de Jésus-Christ et celle de l’Église ? Comment les manifeste-t-elle ?

Nous pouvons donc nous demander comment produire ou mettre en mouvement des événements « médiatisables » qui puissent être des objets aptes à circuler dans le réseau. Si l’on n’arrivait pas à trouver la manière de les médiatiser, on n’existerait pas dans ce tissu. La question n’est pas de savoir ou de pouvoir faire des choses dans ces réseaux mais de savoir si nous avons quelque chose à montrer ou à donner qui peut entrer dans ces modes de communication. Ce n’est pas si simple, d’autant que les générations sont inégalement habiles ou engagées dans cette culture. Par exemple, il peut exister dans les communautés chrétiennes le principe que moins on parle de ce qui est vécu, mieux cela vaut. C’est une ligne de communication assez paradoxale à mettre en œuvre ! Je trouve que, trop souvent, il faut arracher aux forceps des informations dans les communautés chrétiennes pour savoir ce qui s’y passe. Ils n’ont rien d’horrible à cacher mais pensent que cela n’intéresse personne et que ce n’est pas objet de communication. Or, précisément, la communication c’est ce que la communauté chrétienne vit. Elle fait des choses, plus ou moins réussies, mais elle vit et a quelque chose à offrir. Cette implication dans le dévoilement de ce que nous vivons est très importante.

Dans cette agglomération multipolaire avec ses réseaux, tout bouge et tout le monde semble faire quelque chose ou savoir ce qu’il faut faire. Mais où suis-je, moi ? Quel est le lieu personnel où je suis vraiment moi ? Où puis-je m’identifier comme moi-même ? Suis-je essentiellement un voyageur ou un automobiliste, un employé de banque, un consommateur ? Au fond, est-il possible d’identifier le lieu où mon identité personnelle peut se manifester ou s’exprimer ? Car pour un chrétien, le chemin de la conversion est essentiellement personnel. Il ne se vit pas par pôles ou par réseaux, mais à travers un engagement de la liberté personnelle vis-à-vis du Christ. Il faut donc un lieu et certaines formes de relations dans lesquels cette liberté personnelle puisse se mettre en mouvement. Ici, nous ne sommes plus dans le registre de l’expression publique, tel que je l’ai évoqué à propos de la communication par réseau. Nous ne sommes pas non plus dans l’ordre de l’expression architecturale d’une réalité à travers des monuments symboliques. L’investissement personnel et la décision de la liberté ne se réduisent ni à un lieu symbolique, ni à un réseau particulier. Ils sont le cœur de la vie de la personne et de sa relation avec le Christ.

Si ce lieu personnel ne se rejoignait que par la communication médiatique, l’évangélisation pourrait se faire avec un ordinateur qui envoie des messages jour et nuit, avec bien sûr une prime à l’ésotérique et à la religion étrange (et la religion est vite étrange pour des gens qui ne la connaissent pas). Mais l’évangélisation ne consiste pas à accrocher ou à faire du porte-à-porte par internet. La propension à répandre des messages dans toutes les directions n’aboutit pas à une confrontation de liberté. Les libertés se croisent et s’expriment mais ne se rencontrent pas. Il suffit que j’efface un message et que je passe à autre chose. Je ne suis pas obligé de rencontrer quelqu’un.

L’engagement de la liberté suppose une confrontation ou une rencontre personnelle qui ne peut se vivre dans un échange virtuel. Et l’évangélisation ne peut donc pas se réduire à la diffusion de messages, même pieux. Il faut autre chose : la rencontre de quelqu’un, non pas nécessairement en un lieu particulier mais surtout à un moment où la liberté est disponible, ce qui ne peut pas se produire sur commande. L’exemple de la préparation au mariage peut nous aider à le comprendre. Réunir les gens qui veulent se marier, les faire réfléchir, échanger, partager, se confronter à l’Écriture et prier peut changer quelque chose pour eux si cela se produit au moment où leur liberté est accessible. Si ce n’est pas le cas, cela ne changera rien du tout. Ce n’est pas le lieu en lui-même qui est déterminant, mais la capacité d’entrer en relation avec la liberté. Cette disponibilité peut surgir dans un programme de préparation au mariage, mais aussi de manière tout à fait accidentelle lors d’un voyage, en vacances... Pour que notre témoignage sur le Christ suscite une réponse libre, pour que la promesse du Christ soit mise à disponibilité de la liberté d’autrui, nous devons d’abord nous faire nous-mêmes proches. Vous connaissez la réponse de Jésus à celui qui demande qui est son prochain (cf. Lc 10,29-37).

Il y a donc comme un contraste entre la présentation des symboles de la foi à travers des actes et des discours publics, des monuments construits ou des interventions médiatiques (tout ce qui fait le jeu de la communication en réseau) et la proposition de la foi dans la proximité personnelle avec quelqu’un. Mais on ne peut faire l’économie d’aucun de ces deux pôles. Si plus rien n’évoque la réalité de l’Église dans l’univers culturel de la ville, aussi proche que vous puissiez être des gens, il n’y aura que votre proximité personnelle. Et si on se contente de montrer, à grand renfort de médiatisation, les productions de l’Église sans avoir de proximité personnelle, cela ne servira à rien. Il n’y aura pas de moment de décision, ni de lieu de confrontation de la liberté. Nous sommes donc pris dans une double exigence : faire vivre visiblement la communauté chrétienne dans le tissu urbain et être, humblement et modestement, présents à nos contemporains à travers les relations ordinaires de la vie et tous nos efforts pour mettre l’Évangile en pratique dans notre manière de vivre.

De là vient l’interaction nécessaire entre « les grands événements » et la présence quotidienne. La messe dominicale est un grand événement, même si elle ne rassemble pas autant de personnes qu’on le souhaiterait. Elle manifeste que notre expérience du Christ ne se limite pas à une expérience particulière mais s’inscrit dans une expérience du corps ecclésial. Ainsi le rassemblement eucharistique donne à l’immersion des chrétiens dans le tissu urbain un support communautaire qui fait apparaître le visage invisible de la vie urbaine et lui donne un sens. Cependant, nous savons que cette dimension de la vie chrétienne est indissociable de notre propre implication dans une relation personnelle de proximité. C’est à travers cette relation personnelle proche que nous pouvons rejoindre la liberté des personnes, le lieu où elles sont confrontées à la Parole de Dieu et où elles vont pouvoir répondre à cette Parole, le lieu de leur conversion.

Pour conclure, je voudrais essayer d’appliquer ce que je viens de vous dire à l’action que nous menons dans le diocèse de Paris à travers le programme de « Paroisses en mission ». Il s’agit précisément d’une tentative pour articuler la participation personnelle et le dynamisme communautaire du corps ecclésial. Nous savons que nous pouvons trouver dix pour cent de chrétiens disponibles pour faire quelque chose. La question est de savoir si l’ensemble du corps ecclésial peut être mobilisé. Peut-on progresser d’une sorte de troupe relativement indistincte à un corps structuré et agissant ? Si c’est impossible, cela signifie que le symbolisme monumental ou architectural de nos communautés chrétiennes ne renvoie à rien du tout, si ce n’est au bureau d’accueil ! Mais on n’a pas construit les églises pour faire des bureaux d’accueil ! C’est la vitalité de la communauté qui donne le sens et l’âme du signe symbolique architectural ou médiatique. Et cette vitalité se développe si l’on provoque les paroissiens à bouger un petit peu plus à chaque fois. Si nous n’affrontons pas cette question, nous passons à côté de l’évangélisation.

Il y a un peu plus de deux millions d’habitants dans Paris, et environ cent cinquante mille personnes qui vont à la messe le dimanche. Ces cent cinquante mille personnes, où les voit-on et que font-elles ? Si nous sommes une « armée » pareille et que rien ne bouge, c’est que quelque chose ne marche pas bien. Comment mettre les cent cinquante mille personnes en mouvement, non pas pour qu’elles entreprennent des actions extraordinaires, mais pour qu’elles deviennent vraiment des prochains ? Puisse la réalité de la grande ville nous aider à sortir de cet enfermement et nous ouvrir à une véritable communication de proximité avec nos contemporains en même temps que nous construisons des événements qui symbolisent la réalité présente de la vie ecclésiale.

Cardinal André VINGT-TROIS

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