Croire en la Providence

Paris Notre-Dame du 3 septembre 2020

Il est le nouveau directeur des Affaires économiques de l’Association diocésaine de Paris. Succédant à Philippe de Cuverville, Jean Chausse a pris ses fonctions le 1er juillet dernier. Une mission que cet ancien directeur financier de grands groupes (banques et distribution) a accepté comme un appel à servir l’Église.

© Jack Tribeca

« Si on m’avait dit, il y a trente ans, au sortir de mon école de commerce, que je serais un jour économe diocésain, oui, j’aurais été surpris. Bénévole au service de l’Église, je l’ai été, mais travailler pour elle, non, je n’y pensais pas. » La réflexion, amusée, est une des premières d’un entretien qui prendra son temps. Jean Chausse est un homme occupé, mais il sait accorder toute son attention à son interlocuteur. Pour parler vrai, il y a cinq mois encore, il ne pensait pas mettre un jour ses compétences professionnelles au service du diocèse. À la sortie d’HEC, alors que la plupart de ses camarades de promotion choisissent les marchés financiers, lui préfère le terrain, convaincu que « si on ne va pas au contact du client, cette expérience manquera un jour ». Il débute donc dans la banque, mais en agence. Puis évolue vers des postes d’ingénierie financière, participe à des privatisations…Vue de l’extérieur, sa carrière s’envole. Mais intérieurement, une question revient, lancinante : en quoi ce que je fais change la vie des gens ? « Sans vraiment comprendre pourquoi, je me sentais en décalage. » Alors le jour où le directeur financier du Crédit mutuel de Bretagne lui propose de devenir son adjoint, il dit oui. Le poste est à Brest (Finistère). Quand il annonce sa démission à son supérieur hiérarchique, celui-ci s’étonne, tente de le retenir. Puis lui fait comprendre qu’il est en train d’enterrer sa carrière. Mais lui est sûr de son choix. « Je voulais un poste plus opérationnel.

Travailler dans la finance oui, mais au service de projets particuliers. » Il passera treize ans à Brest, des années « très heureuses », durant lesquelles sa famille s’agrandit avec l’arrivée d’un cinquième enfant et un engagement en paroisse, en couple, d’abord comme responsables de l’aumônerie des 3e du lycée public de la ville, puis du catéchuménat. Une mission « extraordinaire » pour ce croyant, qui a fait de sa foi sa colonne vertébrale. Et puis, encore une fois, sa vie bifurque. Nous sommes en 2008. Comme d’autres, il subit la crise des subprimes de plein fouet. Même si les pertes sont limitées, l’arrivée d’un nouveau président à la tête du groupe et sa volonté de changer d’équipe signent la fin de l’aventure. « On m’a fait comprendre qu’il fallait que je parte. » Ce sera de son aveu même, « un déchirement ». À 43 ans, il quitte Brest pour Lille (Nord) avec femme et enfants, pour travailler dans le groupe Auchan. La greffe prend bien. Au bout de huit ans, il est nommé directeur financier. Puis arrive un nouveau président. « Je savais que j’allais devoir bouger ». On lui propose la Chine, Shanghai, et le poste de directeur financier de SunArt, numéro un de la distribution alimentaire dans le pays, dans lequel la famille Mulliez, actionnaire d’Auchan, possède 36% des parts. Il dit oui. Part avec son épouse, sans enfant, avec pour mission de gérer le changement d’actionnaire et de faire le ménage dans un groupe miné par la corruption. Mission difficile, années denses, « rudes » même. Obligé de batailler pour défendre un pacte d’actionnaires sans cesse bafoué, il sent qu’il « est en train de perdre son âme. Je me suis souvenu de ce verset de saint Matthieu : “Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ?” ». En mai 2019, il annonce donc à sa direction qu’il arrête tout et quelques mois plus tard, revient à Paris. Nous sommes en janvier 2020. Arrive le confinement, qui « l’oblige à s’arrêter et à s’asseoir ». Quand arrive la proposition du diocèse, « je me suis dit que si on croyait à la Providence et à la force de l’Esprit Saint, c’était peut-être un appel ». Lui qui n’a manqué que six messes dans sa vie, car « rater la messe, c’est comme rater un rendez-vous amoureux », enfile donc les habits d’économe diocésain. Avec la conviction profonde d’être ici en accord avec lui-même.

Priscilia de Selve @Sarran39

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