Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique

Collectif

« Si nous parlons aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation », nous disent les évêques du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France.

Ils prennent la parole parce que les catholiques, citoyens à part entière au milieu de leurs contemporains, ne peuvent se désintéresser de ce qui touche à la vie en société, à la dignité et à l’avenir de l’homme. Ils s’adressent à tous les habitants de notre pays parce qu’il est fragilisé. Et que c’est ensemble que nous pourrons nous atteler à le refonder.

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Dimensions : 115x170
ISBN : 9782204117852
96 pages
Parution : 13 octobre 2016
Prix : 4,00€

« Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique »

Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France aux habitants de notre pays

Introduction

Si nous parlons aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous sommes préoccupés par sa situation. Il ne s’agit pas pour nous d’alimenter la morosité par de sombres constats ; mais, en regardant les choses en face, d’apporter résolument notre pierre, notre réflexion, au débat que notre pays se doit d’avoir.

Nous ne sommes pas des spécialistes de la politique, mais nous partageons la vie de nos concitoyens. Nous les écoutons et les voyons vivre. Et ce qui touche la vie de l’homme est au cœur de la vie de l’Eglise. Comme le dit le Concile Vatican II, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » [1].

Or, il faudrait être sourds ou aveugles pour ne pas nous rendre compte de la lassitude, des frustrations, parfois des peurs et même de la colère, intensifiés par les attentats et les agressions, qui habitent une part importante des habitants de notre pays, et qui expriment ainsi des attentes et de profonds désirs de changements. Il faudrait être indifférents et insensibles pour ne pas être touchés par les situations de précarité et d’exclusion que vivent beaucoup sur le territoire national.

Ces cinquante dernières années, notre pays a énormément changé : économiquement, culturellement, socialement, religieusement… Il a connu en un laps de temps très court une profonde mutation qui n’est pas encore terminée. Les évolutions et les transformations ont créé de l’incertitude dans la société. Les références et les modalités de la vie ensemble ont bougé. Ce qui semblait enraciné et stable est devenu relatif et mouvant. Plus largement, c’est le monde tout entier qui a connu de très grands changements, et notre pays, dans l’Europe, donne le sentiment d’avoir du mal à se retrouver sur une vision partagée de l’avenir et ainsi imaginer son futur. L’affirmation sans cesse répétée du déclin de la France finit par éroder les dynamismes personnels et collectifs et, loin de contribuer à une prise de conscience, risque surtout d’ajouter un peu plus à la morosité ambiante.

Pourquoi prendre la parole ?

Tout simplement, parce que les catholiques, citoyens à part entière, qui vivent eux aussi ces transformations au milieu de leurs contemporains, ne peuvent se désintéresser de ce qui touche à la vie en société, la dignité et l’avenir de l’homme. Si dans la tradition judéo-chrétienne, Dieu appelle tout homme par son nom, ce n’est jamais en tant qu’individu isolé, mais c’est toujours comme membre d’un peuple et pour l’ensemble de ce peuple auquel il est renvoyé. L’espérance chrétienne n’est donc pas seulement individuelle, elle est aussi collective.

Ce n’est pas la première fois que les évêques de France, d’une manière ou d’une autre, veulent contribuer à la réflexion citoyenne. Ce fut par exemple le cas dans les années 70 avec un document important intitulé : « Pour une pratique chrétienne de la politique » [2]. Près de vingt-ans ans plus tard, elle a de nouveau pris la parole dans un contexte différent. A ce moment-là, il ne s’agissait plus de préciser le cadre et les limites de l’action politique, mais au contraire de réagir déjà contre la désaffection envers la chose publique, le retrait dans la sphère privée, l’individualisme. Ce fut la déclaration : « Politique : l’affaire de tous » [3]. Apparaissait alors la formule qui sera reprise quelques années plus tard dans une autre déclaration : il faut « réhabiliter la politique » [4].

A côté de ces textes importants, les évêques de France ont également pris position à plusieurs reprises sur divers sujets concernant la vie en société et la recherche du bien commun : défense de la dignité et de la vie humaine du début à la fin, protection de l’étranger, souci des plus pauvres, solidarité, justice, paix, etc…

Aujourd’hui, la situation de notre pays nous conduit à parler de nouveau. Plus que jamais, nous sentons que le vivre ensemble est fragilisé, fracturé, attaqué. Ce qui fonde la vie en société est remis en cause. Les notions traditionnelles et fondamentales de Nation, Patrie, République sont bousculées et ne représentent plus la même chose pour tous. Alors même que l’aspiration au débat est forte, il semble devenu de plus en plus difficile de se parler, les sensibilités sont exacerbées, et la violence, sous une forme ou sous une autre, n’est jamais très loin.

Tout récemment, en juin dernier, dans la perspective de l’année électorale importante que notre pays s’apprête à vivre, nous avons voulu « appeler nos concitoyens à tenir compte de certains enjeux qui nous paraissent engager notre avenir de façon déterminante » [5]. Mais il nous faut aller encore plus loin. Au-delà des échéances politiques à venir où les débats de fond risquent toujours de devenir otages de calculs électoraux, c’est à une réflexion plus fondamentale sur le politique en lui-même qu’il nous semble urgent d’inviter. Pour un tel chantier, chacun doit s’interroger et prendre ses responsabilités. Nous ne pouvons pas laisser notre pays voir ce qui le fonde risquer de s’abimer gravement, avec toutes les conséquences qu’une société divisée peut connaître. C’est à un travail de refondation auquel il nous faut, ensemble, nous atteler. Mais rien ne pourra se faire sans un regard lucide sur la situation.

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[1Concile Vatican II, Constitution Pastorale Gaudium et Spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps, 1965, n°1.

[2Les Évêques de France, Pour une pratique chrétienne de la politique, Paris, Centurion, 1972.

[3Commission sociale de l’épiscopat, Politique : affaire de tous, La Documentation catholique, 1er décembre 1991.

[4Commission sociale de l’épiscopat, Réhabiliter la politique, Paris, Centurion, Cerf, Fleurus-Mame, 1999.