Découvrir saint Luc

Paris Notre-Dame du 22 novembre 2018

Médecin grec, adorateur des idoles, converti au judaïsme puis au christianisme, saint Luc est souvent décrit comme le chantre de l’amour incarné. Alors que l’année liturgique qui s’ouvre est consacrée à son évangile, le P. Henry de Villefranche, professeur au Collège des Bernardins, lui consacre un livre. [1]

Paris Notre-Dame – Sait-on avec précision qui était saint Luc ?

Le P. Henry de Villefranche est professeur au Collège des Bernardins (5e).
© Priscilia de Selve

P. Henry de Villefranche – Saint Luc était sans doute un païen de la région d’Antioche, capitale de la Syrie, qui serait devenu juif ou craignant Dieu. C’est via ce monde juif qu’il aurait rencontré Paul ou Barnabé, qui prêchaient l’Évangile. C’est un homme cultivé, qui s’exprime bien, un médecin ou plutôt un psychologue.
La particularité de saint Luc par rapport aux autres évangélistes est d’avoir traversé les mentalités du paganisme et du judaïsme, pour arriver enfin au christianisme.
Il réalise cette articulation entre la culture grecque et la culture juive, qui permet d’entrer dans le plan de Dieu, plan de réconciliation de ce qui est séparé. Ce faisant, Luc fait avancer la réflexion chrétienne en se servant de ceux qui l’ont devancé, Matthieu et Marc notamment. Il fait autrement et va plus loin. Jean, à son tour, se servira des progrès de Luc comme d’un tremplin pour approfondir sa pensée.

P. N.-D. – Saint Luc n’est pas un contemporain du Christ ?

H. V. – Luc fait partie de la deuxième génération de disciples. Il a suivi saint Paul mais il rencontre également d’autres témoins qui ont connu le Christ dans son humanité fragile et mortelle. Il explique d’ailleurs dans son prologue – son évangile est le seul à en comporter un – sa méthode de travail. Il dit comment il fait et fait selon ce qu’il dit. Luc explique ainsi qu’il a mené une enquête très précise sur les événements liés à Jésus ; mais le témoin oculaire doit devenir serviteur de la Parole. Par ce travail de confrontation et son engagement personnel, Luc donne accès à une synthèse que l’on trouve rarement.

P. N.-D. – Dante disait de saint Luc qu’il était le « scribe de la miséricorde du Christ ». Et il est vrai que dans son évangile, la miséricorde de Jésus est particulièrement mise en lumière.

H. V. –
Non seulement il la met en lumière, mais il donne des moyens de la recevoir. Habituellement, on oppose la miséricorde à la justice. Et comme dit le pape François, se faisant, on la vide de son sens. Luc, lui, affronte le paradoxe de la miséricorde. Prenez l’exemple du dernier chapitre de l’évangile de l’année saint Luc, celui du « bon larron ». En réalité, il introduit un bandit au paradis (Luc 23, 43), ce qui est un choc qu’il faut mesurer. Il y a trois ans, nous entamions l’année liturgique de saint Luc. C’était juste après les attentats du Bataclan. J’ai interpellé mes paroissiens en leur posant la question : aimons-nous que Jésus introduise un tueur, même repentant, au paradis ? La réponse était non. Les gens ne voulaient pas affronter ce drame qu’ils avaient vécu de manière sensible.
Mais nous avions un an pour nous préparer... Luc pousse donc la miséricorde jusque dans ses paradoxes. Car le pardon est sans condition. Il reprend là un élément cher à Paul : il n’y a pas de situation dans laquelle on ne puisse pas recevoir l’annonce du Salut. Luc est également un évangéliste qui nous secoue par une pédagogie fonctionnant souvent par binômes : Jean Baptiste et Jésus, Marthe et Marie, le pharisien et le publicain, le frère cadet et le frère aîné... Dans un binôme, nous avons toujours tendance à vouloir exclure un des éléments. Or pour saint Luc – et dans la Bible en général – c’est la tension entre ces deux éléments qui est intéressante et qui ouvre un chemin de perfectionnement. Nous avons tous à exercer les tâches de Marthe mais nous devons tous également être disciples avec Marie.

Propos recueillis par Priscilia de Selve

[1Voir et servir - Des clés pour lire saint Luc, Cahiers du Collège des Bernardins n°124, Parole et Silence, 14€.

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