Écologie : « Repenser notre rapport aux hommes et à Dieu »

Paris Notre-Dame du 13 décembre 2018

À l’heure de la conférence mondiale de Katowice (Pologne) sur les changements climatiques (COP 24), la crise des Gilets jaunes interroge : la transition écologique peut-elle s’opérer au détriment de la justice sociale et du bien commun ? Le regard d’Elena Lasida, chargée de mission Écologie et Société auprès de la Conférence des évêques de France.

Paris Notre-Dame – La Banque mondiale a annoncé une nouvelle enveloppe de 200 milliards de dollars pour le climat. Mais on constate aussi une hausse inédite des émissions carbone en 2018. Que peut-on espérer de cette COP 24 ?

Elena Lasida, docteur en sciences sociales et économiques, est enseignante à l’Institut catholique de Paris et chargée de mission Écologie et Société auprès de la Conférence des évêques de France.
© D.R.

Elena Lasida – La transition écologique n’est pas un processus linéaire. Nous sommes en permanence dans une tension entre différents intérêts. La question des Gilets jaunes en est l’exemple criant. Le défi est de transformer ces tensions en mouvement vers l’avant. Concernant la COP 24, il y a des signaux de promesse et d’autres plus préoccupants : les États-Unis, et maintenant le Brésil, deux géants mondiaux, se mettent en retrait du processus. Les émissions de CO2 ont augmenté au niveau mondial, en France notamment, même si le niveau global en Europe a légèrement baissé. Concrètement, on peut espérer de la COP 24 une évaluation précise des moyens donnés à chaque pays pour concrétiser les règles du jeu édictées dans l’accord de Paris (COP 21 de 2015). Le deuxième enjeu est financier. Techniquement, nous pouvons atteindre l’objectif fixé des 2° de réchauffement climatique. Mais il faut impérati¬vement un engagement politique et financier fort de chaque pays – dans un équilibre Nord et Sud –, pour appliquer le développement des énergies renouvelables. Enfin, on attend des décisions audacieuses de chaque partie pour augmenter leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

P. N.-D. – Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État au Saint-Siège, a affirmé qu’il fallait plus que des outils techniques pour opérer la transition écologique. Qu’a-t-il voulu dire ?

E. L. – Dans la lignée de Laudato Si’, le cardinal Pietro Parolin met en garde contre un paradigme qui pense le progrès seulement en termes technologiques. « Tout est lié », affirme le pape. La question écologique invite à revisiter toutes les dimensions de la vie... Il s’agit d’un problème politique au sens large qui, certes, relève des élus et des gouvernements, mais aussi du vivre-ensemble. Si le pape utilise le terme de « conversion » écologique et non de transition, c’est qu’il veut insister sur l’enjeu spirituel. Les changements à opérer concernent notre rapport aux autres hommes, à la Création toute entière, et donc à Dieu. Nous sommes appelés à voir la valeur intrinsèque de chaque créature – ressources naturelles comprises –, qui ne doit plus être uniquement pensée en terme d’exploitation. La crise écologique que nous vivons nous montre l’interdépendance entre tous les êtres vivants.

P. N.-D. – Ce que la crise des Gilets jaunes a prouvé ces derniers jours...

E. L. – Oui. Il faut ici éviter le piège du rapport de force et du compromis du moindre mal, pour décider ensemble, avec la société civile, comment nos objectifs peuvent s’articuler. Si le cri des Gilets jaunes est juste, la réponse ne se trouve pas que dans la redistribution des richesses. Nous sommes appelés à changer nos modes de vie. L’enjeu de fond est que chaque créature puisse être valorisée par les autres êtres vivants. Le bien commun est d’ordre relationnel plus qu’égalitaire. Si nous restons à l’égalité de l’accès aux biens, nous manquerons la construction d’une communion sociale.

Propos recueillis par Laurence Faure

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