“Emouna” : l’École de la rencontre

Paris Notre-Dame du 21 novembre 2019

Le 13 novembre dernier, Sciences Po Paris et les fondateurs de la formation interreligieuse “Emouna”, portée par plusieurs institutions bouddhiste, catholique, juive, musulmane, orthodoxe et protestante, ont présenté le documentaire “Dieu à l’école de la République”. Expérience, efficace, de la découverte de l’autre.

Extrait du documentaire Dieu à l’école de la République, qui retrace l’expérience de la première promotion d’“Emouna”. Ici, à la Grande Pagode du Bois de Vincennes (12e)
© YUZU Productions

Il y a de l’empressement à l’entrée de l’amphithéâtre Jacques Chapsal de Sciences Po, ce soir du 13 novembre. À voir, la première projection publique du documentaire Dieu à l’école de la République, dont la réalisatrice, Annick Redolfi [1], a suivi durant un an, les trente-deux étudiants de la première promotion d’Emouna, l’amphi des religions (2016). Une formation interreligieuse délivrée dans le cadre de l’école parisienne, co-fondée et soutenue par des institutions bouddhiste, juive, protestante, musulmane, orthodoxe, ainsi que par la Conférence des évêques de France, à laquelle participe un certain nombre de prêtres (aumôniers d’hôpitaux, militaires, ou engagés dans le dialogue interreligieux…). L’objectif : rassembler des hommes et des femmes de toutes croyances, leaders au sein de leurs communautés ou de leurs institutions (privées ou publiques), pour réfléchir aux enjeux de la laïcité en France. Et promouvoir le dialogue.

Dans la file d’attente, une jeune femme « de tradition musulmane », invitée dans un cadre professionnel, glisse être également « sensible à l’interreligieux ». « Moi, j’ai décidé d’habiter en France parce que c’est un pays laïc ». L’Argentine Maria, pas loin derrière, n’est pas venue que pour des raisons professionnelles : « Ce n’est pas anodin d’être ici un 13 novembre, quatre ans après les attentats du Bataclan et de ceux de Charlie Hebdo. » Non croyante, elle promeut une laïcité inclusive des religions, qui en défende « l’expression », tout en les « séparant de l’État ». Et d’observer : « La religion fait partie de la vie des gens, c’est une réalité sociale. Dans notre monde individualiste, elle est une aide… si elle ne suit pas les extrêmes ».

L’ « amphi » ouvre ses portes. Sur les bancs, l’assemblée, éclectique et acquise, s’installe. Le P. Roger Tardy, curé de St-Denys du Saint-Sacrement (3e), paroisse située non loin du Bataclan, n’est pas là par hasard. Depuis les attentats, il œuvre au dialogue interreligieux à échelle locale, avec deux synagogues de son quartier et notamment le rabbin Pauline Bebe, co-fondatrice d’Emouna, ainsi qu’un imam de la rue du Faubourg Saint-Denis (10e). « Notre constat ? Les croyants ne se connaissent pas. En cela, la formation Emouna me paraît formidable. Pour autant, je me méfie un peu de l’idée d’un bloc commun des religions : c’est la rencontre qui doit primer. » Justement. À côté du prêtre, une bibliste catholique qui a fait partie de la 3e promotion – la 4e, de trente-sept étudiants, a été lancée ce 4 novembre –, retrouve avec émotion Georges, aumônier musulman en prison, en Seine-Saint-Denis. Elle, aimerait « que l’humanité aille mieux. » Lui, reconnaît « que souvent, entre institutions religieuses, on est un peu hypocrites. Mais dans nos quartiers, nous devons vivre ensemble à travers des projets concrets entre croyants, dans les écoles, associations… Sinon ? Le danger est que chacun reste chez soi. »
Présent lui aussi, le P. Thierry Vernet, délégué diocésain pour les relations avec le judaïsme, est un autre co-fondateur du programme Emouna, créé « dans le contexte post-attentats ». Il abonde : « Sans éviter les sujets qui fâchent (les débats de société autour de questions comme celle de l’avortement sont retranscrits dans le film, NDLR), arriver à mettre des religions côte à côte, pour trouver des réponses aux questions de laïcité en entreprise et dans les institutions publiques, est unique. Mais c’est surtout une expérience humaine forte. Des préjugés tombent. L’impact sur le terrain est direct : on ne revient pas chez soi pareil. »

Par Laurence Faure@LauFaur

[1Le documentaire Dieu à l’école de la République (Yuzu Productions), sera diffusé sur la chaîne Public Sénat le 18 janvier 2020.

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