« En Palestine, l’être humain est humilié »

Paris Notre-Dame du 10 juin 2021

Par deux fois, le dimanche 16 mai et le samedi 22 mai, le pape François appelait à prier pour la paix en Terre Sainte, après onze jours d’affrontements sanglants entre Israël et Gaza. Le P. Johnny Abu Khalil, prêtre du patriarcat latin de Jérusalem et curé de Taybeh (Cisjordanie), revient sur ces épisodes.

Le P. Johnny Abu Khalil est prêtre du patriarcat latin de Jérusalem et curé de Taybeh (Cisjordanie).
© D.R.

Paris Notre-Dame – Comment avez-vous vécu les récents affrontements (plus de 200 morts à Gaza, au moins 12 en Israël) ?

P. Johnny Abu Khalil – La situation est plus calme maintenant. Mais le choc est toujours là. Les bombardements israéliens ont eu lieu à Gaza, mais ce qui s’est passé concerne tous les Palestiniens, et même, tous les êtres humains, au- delà de leur origine. Car ce sont des innocents et des enfants qui ont été touchés, leurs maisons qui ont été détruites. Ce qui s’est passé nous atteint de l’intérieur, en tant que chrétiens qui défendons la dignité de l’homme. C’est parce que la dignité de l’homme est touchée à travers ces combats que le pape appelle à prier et à reprendre le dialogue, et que nous avons sonné les cloches de toutes nos églises en union avec lui le 16 mai. C’est pour cela que c’est si important que notre voix de chrétiens palestiniens, et celle de l’Église, soit entendue dans le monde entier.

P. N.-D. – Quel peut être le rôle des chrétiens (moins de 1% en Palestine) et de l’Église, dans la résolution du conflit israélo-palestinien ?

J. A. K. – Souvent, on y voit un conflit « judéo-islamique ». Mais moi qui suis prêtre palestinien né ici, arabe et chrétien, j’en suis témoin : la Palestine n’est pas seulement musulmane. La Palestine est la terre où Jésus est né, où sont nés les premiers chrétiens, où l’Église est née. On ne peut donc pas nier le rôle des chrétiens ici. Et l’Église ne peut pas dire : « Inutile d’intervenir, c’est un problème entre juifs et musulmans. » Parallèlement, on ne parle pas non plus de « terre sainte », seulement parce que le Christ y est né. Mais aussi parce que les deux autres religions y sont présentes, le judaïsme et l’islam. Nos trois religions honorent Dieu sur cette terre. Mais si ces dernières s’affrontent, on ne peut plus appeler la terre israélo-palestinienne, une « terre sainte »... Cette année encore, pour Pâques, les chrétiens des territoires occupés qui n’avaient pas la carte d’identité israélienne, n’ont pas pu entrer dans Jérusalem pour prier au Saint- Sépulcre. Même chose pour les musulmans de ces territoires, interdits de se rendre à la mosquée al-Aqsa, pour la fin du Ramadan. À cause de ces privations de liberté, l’être humain, en Palestine, est humilié. L’appel de l’Église, c’est la liberté des êtres humains. Avoir le droit à une vie normale produit chez l’homme une paix intérieure. Et lorsque nous sommes en paix intérieure, nous sommes capables de faire la paix avec l’extérieur. Et le fondamentalisme diminue. Or, depuis les accords d’Oslo en 1993, les choses se sont aggravées. Pour arriver à un cessez-le-feu durable et une paix juste en Terre Sainte, nous avons besoin de bâtir des ponts et non des murs, comme cela avait été dit par le pape Jean-Paul II. Espérons que la nouvelle génération de Palestiniens et d’Israéliens entre dans une connaissance mutuelle qui achève le processus de paix, sans discrimination entre les peuples ou les religions.

P. N.-D. – Que dites-vous aux Parisiens ?

J. A. K. – N’oubliez pas les pierres vivantes que sont les chrétiens de Palestine. Sans ces pierres vivantes, les Lieux saints ne sont que des pierres mortes. La Terre Sainte a besoin de vos pèlerinages et de vos visites à nos paroisses. En venant, vous encouragez les chrétiens à ne pas fuir leur terre et à devenir artisans de paix chez eux.

Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur

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