Épiphanie "versus" Théophanie

Paris Notre-Dame du 10 janvier 2019

Quand les catholiques célèbrent l’Épiphanie le 6 janvier, les orthodoxes, eux, célèbrent la Théophanie, mémoire du baptême du Christ. Souvent confondues, ces deux fêtes liturgiques sont à la fois très différentes et proches par leur sens. Le P. Jérôme Bascoul, vicaire épiscopal pour l’œcuménisme, nous explique pourquoi.

Le P. Jérôme Bascoul est curé de N.-D. des Otages (20e) et vicaire épiscopal pour l’oecuménisme.
© Laurence Faure

Paris Notre-Dame – L’Épiphanie est connue comme le « Jour des rois », venus adorer l’enfant de la crèche. Qu’y a-t-il derrière cette image populaire ?

P. Jérôme Bascoul – Selon sa racine grecque, le terme épiphanie désigne « la manifestation » (phanie) de Dieu aux extrémités de la terre (epi, « sur, parmi »). La fête catholique de l’Épiphanie est la reconnaissance de la seigneurie du Christ et de sa sagesse par les Nations, symbolisées par les mages venus d’Orient. Images de la science et de la raison humaine, ces derniers indiquent que foi et raison ne sont pas nécessairement contradictoires. Ils symbolisent la quête existentielle présente en chaque être humain. Autrement dit, les païens ont aussi part à l’alliance de Dieu avec Israël. C’est une anticipation du ministère public du Christ. Jusqu’au IVe siècle, tous les chrétiens célébraient le mystère de la Nativité sans en dissocier l’Épiphanie, contenue dedans. Par la suite, les chrétiens de rite latin ont choisi de dissocier le mystère de la Nativité en deux célébrations distinctes, le 25 décembre (naissance du Christ) et le 6 janvier (Épiphanie). C’est pourquoi la fête catholique de l’Épiphanie fait toujours partie du temps liturgique de Noël, qui prend fin à la fête du baptême du Christ, le dimanche qui suit. Les chrétiens de rite byzantin, eux, célèbrent toujours la naissance du Christ et l’adoration des mages simultanément, durant la fête de Noël.

P. N.-D – Que doit-on entendre, alors, par « Épiphanie orthodoxe » ?

J. B. – Ce que l’on appelle abusivement « l’Épiphanie orthodoxe » est en fait la célébration de la Théophanie, mémoire du baptême du Christ dans le Jourdain. Une fête célébrée par les orthodoxes partout dans le monde, en janvier également – le 6 ou le 19 selon les calendriers grégorien ou julien –, ce qui augmente la confusion avec l’Épiphanie catholique. Ce qui rapproche réellement cette dernière de la Théophanie, c’est l’expression de la manifestation de la gloire de Dieu aux hommes.

Car quand ils célèbrent le baptême du Christ, les orthodoxes valorisent le Dieu trinitaire qui s’est révélé au Jourdain, par la voix du Père – « Celui-ci est mon fils bien-aimé » (Mt, 3, 13-17) – et par la colombe de l’Esprit (l’Église latine, qui célèbre aussi le baptême de Jésus en janvier, insiste plus, elle, sur le commencement du ministère public du Christ et l’annonce de notre Salut). Ainsi, la fête de la Théophanie dans le monde orthodoxe donne lieu à de nombreuses traditions liturgiques et populaires liées à l’eau baptismale, comme les bénédictions de rivières, de lacs, et les fameuses immersions de fidèles courageux.

P. N.-D. – Comment peut-on intégrer ces événements spirituels à notre vie contemporaine ?

J. B. – Pour nous catholiques, l’Épiphanie est une occasion d’évangéliser ; c’est là que le partage de la galette a toute son importance ! L’enjeu spirituel de l’Épiphanie et de la Théophanie est finalement celui de la prise de conscience de notre vocation de baptisés : nous sommes parfois comme des mages païens, appelés à reconnaître le Christ dans l’Enfant de la crèche… et à rendre témoignage au Dieu trois fois saint, Père, Fils et Esprit.

Propos recueillis par Laurence Faure

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