Frères de sang

Paris Notre-Dame du 9 mai 2019

Il y a sept ans, Alexandre de Soye a donné un de ses reins à son frère, Gilles, ayant perdu brutalement, quelques mois plus tôt, sa capacité rénale. Ils donneront, le 21 mai prochain, à St-Sulpice (6e), leur témoignage au cours de la traditionnelle Veillée de prière pour la vie des diocèses d’Île-de-France.

© Isabelle Demangeat

Gilles de Soye n’a pas sa langue dans sa poche. Il ne triche pas, ne ment pas. Alors, quand il apprend, en juillet 2011, qu’il a perdu ses deux reins, qu’il est en train de « faire une grosse embolie pulmonaire » et qu’il « lui reste entre quatre et cinq heures à vivre », il refuse, sur le principe, le diagnostic et le traitement proposé à court terme : la dialyse. Impossible d’accepter la maladie et la mort pour ce père de famille de trois enfants aux allures de bon vivant. L’idée est trop dure. Gilles reste tout de même à l’hôpital pour un traitement d’urgence. Il s’en échappe rapidement : « j’étais trop casse-pieds, je suis parti au bout de dix jours », s’amuse-t-il aujourd’hui. Quelques mois plus tard, à la rentrée scolaire, c’est l’hémorragie interne. Hospitalisation. On lui propose à nouveau le dispositif de la dialyse. Gilles finit par accepter et choisit le système péritonéal. Commence alors une véritable course de fond. « Il faut apprendre les gestes, les différentes manipulations, prendre l’habitude de voir ce tuyau qui ressort de son bas-ventre avec une longueur jusqu’à mi-cuisse, comprendre comment s’injecter le liquide trois fois par jour, se reposer, beaucoup, beaucoup. » Le dispositif est lourd, difficile à tenir dans la durée. Très vite, les médecins lui présentent l’alternative de la greffe. Gilles en parle autour de lui : à son épouse, ses amis, sa famille. Notamment à son frère, Alexandre, de deux ans son aîné.

Alexandre de Soye, c’est un peu le miroir inversé de Gilles. Concentré, réfléchi, élancé, tout en retenue, celui qui travaille dans le secteur des services prend le temps de répondre aux questions en structurant sa pensée. Prend le temps de l’observation et de l’écoute. Mais face à l’accident de santé de son frère et la solution de la greffe, sa réaction est immédiate. Il fera tout pour l’aider. « Quand Gilles m’a dit que le donneur pouvait être vivant, je me suis proposé spontanément, relit-il aujourd’hui. Mais sans trop y croire. » Les médecins leur révèlent qu’ils sont, au niveau des tissus cellulaires, « compatibles à 100%, comme des frères jumeaux homozygotes ». Alexandre se retrouve alors embarqué dans l’aventure de son frère. Pourquoi avoir accepté alors même qu’il vivait par ailleurs une situation professionnelle compliquée ? « J’ai eu, dans la prière, cette clairvoyance qu’il fallait que je fasse cette greffe et reçu la force pour la réaliser », confie le quinquagénaire. Cette force, cette présence de Dieu dans cette épreuve, Alexandre les retient aujourd’hui, sept ans après la réalisation de la greffe, le 29 mai 2012. Tout comme cette proximité, cet amour fraternel, renforcé par cette épreuve. Une « dimension humaine » qu’ils ont à cœur aujourd’hui de partager par leur témoignage, il y a peu à St-Honoré d’Eylau (16e) et prochainement à St-Sulpice (6e), lors de la Veillée de prière pour la vie qui se tiendra le 21 mai prochain [1]. Pour, d’une part, lever le tabou de la greffe et inciter les personnes à y songer. Et, d’autre part, rendre compte de l’importance du respect de la vie, à tous ses stades. « Aujourd’hui, tout paraît jetable, remarque Gilles. Il nous reste une chose qui ne l’est pas : la vie. Il faut donc tout faire pour la respecter. » Et Alexandre de conclure : « L’amour peut aller jusqu’au don d’une partie de soi. Il est nécessaire de le rappeler. »

Isabelle Demangeat

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