Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messes à la chapelle de Tous-les-Saints (14e) et à Notre-Dame de Paris

Dimanche 6 mai 2018

 6e dimanche de Pâques – Année B
 Ac 10, 25-26.34-35.44-48 ; Ps 97 ; 1 Jn 4, 7-10 ; Jn 15, 9-17

Dans notre expérience humaine il y a des choses qui nous sont transmises avant la naissance : la couleur de nos cheveux, la taille de notre nez, la longueur de nos jambes. Nous n’y pouvons rien, cela tient à la génétique.

Il y a aussi des choses qui nous sont transmises après la naissance : le goût pour la littérature ou pour les mathématiques en fonction de l’intérêt et que nous avons pour un professeur. Le goût pour les arts qui peut venir de nos parents qui nous habituent à visiter des musées, à moins que cela ne nous dégoûte pour toujours.

Enfin, il y a des choses dont nous ignorons l’origine. Ce sont les plus importantes : l’amour, l’amitié, la joie. Et c’est bien celles que le Seigneur Jésus nous propose « je vous appelle mes amis », « aimez-vous les uns les autres », « je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous ». À sa naissance l’enfant a faim, a soif, a besoin de câlins. Il va comprendre que c’est l’amour de ses parents qui va le conduire à lui donner à manger, à boire et à le prendre dans leurs bras. Il va ainsi s’éveiller à l’amour car c’est l’amour qui fait naître l’amour. C’est ce que nous dit saint Jean : « l’amour vient de Dieu », « ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés ». Dieu est la source, l’origine de l’amour.

Nous faisons aussi une autre expérience : malgré notre bonne volonté nous constatons que nous n’arrivons jamais à aimer totalement, absolument. Jésus nous rappelle la seule manière d’aimer totalement : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Quelque chose nous retient toujours de tout donner et de faire totalement confiance.

Il y a chez l’homme comme une « incomplétude ». Cette incomplétude, la science la découvre aujourd’hui dans son domaine propre. Le théorème de Gödel est dit « d’incomplétude de la logique ». Il démontre que des vérités peuvent être perçues avec certitude sans pour autant être démontrables.

Bref, l’expérience humaine qu’elle soit scientifique ou amoureuse, montre toujours cette sorte d’inaccessibilité des choses que l’on croit posséder.

C’est ainsi que si l’on veut aimer avec les seules forces humaines, nous ferons le constat d’une insuffisance.

Le Christ est venu pour accomplir en notre humanité la plénitude de l’amour. Les hommes ne vivent pas selon la loi d’amour transmise par Moïse. C’est pourquoi Jésus donne un commandement nouveau.

Il s’agit toujours d’aimer Dieu de tout son cœur.

Il s’agit toujours d’aimer son prochain comme soi-même.

Mais nous ne sommes plus laissés à nos seuls sentiments humains, nous sommes appelés à une imitation divine : Il faut aimer comme Dieu : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Aimer comme Dieu ? Mais c’est impossible ! Sauf si Dieu nous donne d’aimer comme lui.

Sauf si Dieu nous fait le don de son Amour. L’amour de Dieu donné porte un nom : l’Esprit Saint.

Dieu nous fait le Don de son amour, de son Esprit Saint pour aimer comme il aime.
Pierre l’a compris lorsqu’il fit l’expérience de la différence entre ce qu’il veut vivre sincèrement : « je donnerai ma vie pour toi » et son reniement à la Passion. C’est pourquoi, après la Résurrection, il se précipite vers Jésus en sachant que tout amour ne trouve sa source et sa plénitude qu’en Dieu qui nous pose cette unique question : « m’aimes-tu plus que ceux-ci » ?

Nous avons tous fait cette expérience entre notre désir sincère et notre faiblesse. Il nous faut comme Pierre comprendre notre insuffisance et notre incomplétude pour aspirer à cet amour de Dieu qui seul comble notre soif de bonheur et le recevoir librement.

Voulez-vous aimer comme le Christ ?

Voulez-vous aimer jusqu’à donner votre vie ?

Si vous acceptez ce risque inouï, qui seul peut vous combler de joie, alors vous pouvez vous ouvrir à ce don de Dieu, à cet Esprit d’amour total, pour vivre vraiment en chrétiens.

+ Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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