Homélie de Mgr Michel Aupetit - Veillée de prière pour la vie en présence des évêques d’Ile-de-France

Notre-Dame de Paris - Mercredi 16 mai 2018

 Jn 17, 11b-19

Quand Jésus prie pour nous quelques heures avant sa passion que demande-t-il à son Père ? : « Sanctifie-les dans la vérité ; ta parole est vérité ». Voilà ouverte une question délicate : « qu’est-ce que la vérité ? » disait Pilate. Éternelle question.

Dans notre monde relativiste on dit : « à chacun sa vérité ». En réalité cela veut dire : « à chacun son opinion ». Le relativisme confond la vérité et l’opinion. L’opinion est subjective et dépend de nos expériences particulières. La vérité est objective et part du réel par l’évidence expérimentale ou par le raisonnement rigoureux. C’est la science qui constate, c’est la réflexion logique qui explique.

Voilà pourquoi nous sommes soumis à des contradictions qui tiennent à des différences d’opinion. Mais il nous faut rechercher la vérité indépendamment des idéologies et des positions mondaines qui s’imposent à tous. Voilà comment il faut comprendre la phrase de Jésus : « le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde ». Nous voyons bien que nous sommes en décalage par rapport à l’opinion courante. Nous défendons la vie dans une culture de mort. Nous sommes au service de l’amour gratuit dans une culture de l’égoïsme et du chacun pour soi.

La Bible nous a appris l’amour du prochain et le Christ nous révèle qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie. Donner sa vie, ce n’est pas seulement la transmettre à la manière des animaux pour une continuation de l’espèce. Donner sa vie, c’est engager toute son existence par un acte volontaire. Avez-vous remarqué que pour Jésus, l’amour n’est pas un sentiment ? L’amour est un commandement ! Jésus dit, en effet : « mon commandement le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

Il nous faut donc construire une société fraternelle fondée sur des relations de don de soi entre les personnes. La valeur absolue de toute personne humaine construit une société plus humaine.

C’est une société qui donne sa place aux plus fragiles et aux plus faibles et se donne les moyens de les protéger. A commencer par les plus petits d’entre nous : les enfants qui ont des droits, qu’ils soient dans le ventre de leur mère ou déjà apparus au monde par leur naissance. Cela concerne aussi les pauvres soumis à l’arbitraire des profiteurs sans âme, mais également des femmes dans les sociétés de type patriarcal où leurs droits sont bafoués et leur dignité réduite à leur fonctionnalité et non à leur être, comme celles qu’on utilise pour louer leur ventre pour satisfaire le désir de riches occidentaux.

Le monde dans lequel nous vivons s’est peu à peu éloigné de cette fraternité humaine pour construire une société individualiste fondée sur l’autonomie. L’autonomie est illusoire car nous sommes tous dépendants les uns des autres. Par exemple, le suicide assisté, revendiqué au nom de l’autonomie, est un oxymore. Le suicide est un acte éminemment personnel et dans ce cas particulier on demande à un tiers d’intervenir et à la société de légiférer.

Le droit qui fut jadis au service du plus faible afin de sortir de la loi de la jungle et du plus fort se transforme peu à peu pour se mettre au service du désir sans limite de l’homme au nom de possibilités techniques. L’écologie nous a appris que ce désir illimité conduisait à détruire la planète dans laquelle nous vivons et dont nous aurions dû être les gérants et les garants. Ce même désir illimité conduira à détruire notre humanité qui ne peut exister que dans la fraternité dont le Christ nous a révélé qu’elle venait d’un unique Père qui est la source de l’amour.

Nous croyons profondément que cette fraternité fondée sur l’amour est la source de la vraie joie dont parlait le Seigneur : « je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés ».

+ Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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