Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe d’action de grâce pour les ministères de Mgr Jérôme Beau et de Mgr Éric de Moulins-Beaufort à Notre-Dame

Notre-Dame de Paris - Dimanche 9 septembre 2018

 23e dimanche ordinaire - Année B.
 Is 35,4-7a ; Ps 145,6-10 ; Jc 2,1-5 ; Mc 7,31-37

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Mot d’ouverture

Chers frères et sœurs, chers amis,

Nous sommes un dimanche ordinaire or nous voyons qu’il y a quelque chose d’extraordinaire étant donné le nombre d’évêques et de prêtres qui sont ici. Vous êtes nombreux aujourd’hui car nous rendons grâce pour nos frères, Mgr Jérôme Beau et Mgr Eric de Moulins Beaufort. Nous les voyons partir avec émotion et tristesse mais aussi avec une joie profonde pour les diocèses qui les accueillent. Je sais combien ils vont accomplir leur ministère apostolique avec beaucoup de dévouement, de ferveur et d’intelligence. C’est avec joie que nous célébrons cette messe d’action de grâce et nous demandons au Seigneur de les bénir pour tout ce qu’ils ont fait dans notre diocèse.

Homélie

Effata ! Ouvre-toi ! Ce mot que nous employons souvent pour le baptême révèle l’ampleur de la mission de Jésus : Il ouvre les yeux des aveugles, ouvre l’oreille des sourds, ouvre la bouche des muets, mais il ouvre aussi nos cœurs souvent fermés, confinés dans de pauvres certitudes étriquées. Jésus nous ouvre aussi un avenir bien différent de celui que nous forgeons nous-mêmes et qui finalement conduit à la mort.

Notre société d’ouverture a-t-elle encore besoin du Christ ? Elle nous rappelle sans cesse les valeurs sur lesquelles elle est fondée : les valeurs de la République, les valeurs humanistes, les valeurs démocratiques. Valeurs que nous partageons, certes. Hélas, force est de constater que le discours sur les valeurs n’est souvent qu’un triste alibi pour remplacer l’absence de morale.

Puis-je me permettre de vous raconter une histoire belge ? Je vous préviens elle n’est pas drôle. Nancy Verhelst a été traitée par ses parents avec le plus profond mépris. Elle disait elle-même : « J’étais la fille dont personne ne voulait ». On l’avait logée dans un débarras au-dessus du garage et sa mère lui répétait sans cesse : « si seulement tu avais été un garçon ». Est-ce étonnant qu’adulte, Nancy ait voulu se faire appeler Nathan et qu’elle ait tout fait pour devenir un homme elle-même ? A sa blessure la plus profonde, la société occidentale, fière de ses valeurs, n’a pu répondre que par la chirurgie plastique. Elle avait espéré trouver la paix. Au lieu de cela, elle fut dégoûtée et se sentait monstrueuse. La seule proposition que cette société lui a indiquée est d’être tuée par une injection létale le 30 septembre 2013 au cours d’un suicide assisté que la loi belge autorise.

Qui répondra adéquatement aux terribles blessures que nos frères humains portent si douloureusement ? Dieu seul détient cette réponse. C’est ce que Jésus exprime quand il lève les yeux au Ciel pour montrer que le Père est la source de toute bonté et son soupir traduit l’action de l’Esprit Saint. Tout vient de Dieu.

Jésus entre dans la Décapole, cette confédération de 10 villes de culture grecque rattachée à la province de Syrie. Ses gestes peuvent nous paraître étranges. Il s’agit des gestes des thérapeutes connus par les païens. Par exemple, l’empereur Vespasien, qui n’a pas seulement décrété un impôt sur les urines qui lui a valu de donner son nom aux urinoirs publics de Paris, a guéri un aveugle en lui mettant de la salive sur les yeux. Jésus est la Parole de Dieu incarnée, dont tous les juifs savent qu’elle accomplit ce qu’elle dit en le réalisant immédiatement. Il se met à la portée des personnes en pratiquant les gestes qu’ils peuvent comprendre.

Jésus nous ouvre aux valeurs évangéliques. Elles ne sont pas fondées sur un passé plus ou moins glorieux, bien qu’elles aient 2000 ans, elles sont notre avenir car elles anticipent toujours le progrès de l’humanité. Seul l’amour peut guérir les blessures les plus graves.

Le pape François appelle à une refonte complète du fonctionnement de l’Église. Sortir du cléricalisme en se rappelant la différence, déjà précisée jadis par le pape Gélase (à la fin du Vème siècle) entre le pouvoir et l’autorité. En outre, Il nous appelle à être « disciples missionnaires » et nous ne pouvons être missionnaires que dans la mesure où nous avons rencontré l’amour de Dieu en Jésus-Christ. Toutes les activités doivent être réorientées vers la mission qui consiste à offrir à notre société ce que le Christ a apporté en son temps : la guérison, la paix, la joie, la bienveillance, l’amour, la concorde et je pourrais continuer à citer tous les fruits de l’Esprit. Les Actes des Apôtres nous rappellent comment les premiers chrétiens ont répandu l’évangile dans le monde. La prédication de la bonne nouvelle était inséparable des signes et des prodiges qui confirment la Parole de Dieu. Y croyons-nous encore ?

Il nous faut repartir pour animer le feu de l’Esprit-Saint, ce feu d’amour qui embrase le monde.

+Michel AUPETIT, archevêque de Paris.

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