Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris - Dimanche 21 octobre 2018

 29e dimanche du temps ordinaire - Année B
 Is 53,10-11 ; Ps 32,4-5.18-20.22 ; He 4,14-16 ; Mc 10,35-45

« Vous avez de l’ambition ? Alors vous êtes celui que nous cherchons ! »
C’est ainsi que sont formulées les annonces des recruteurs pour les entreprises. On recherche toujours des jeunes aux dents longues et nous savons qu’il n’en manque pas. D’ailleurs, ceux qui aujourd’hui n’ont pas d’ambition sont assez méprisés. On entend dire avec condescendance : « C’est un raté, un looser ».
Jacques et Jean, disciples de Jésus, ne manquent pas d’ambition…

Alors la question se pose : est ce qu’il est bon d’avoir de l’ambition ?
Oui, certainement ! Mais, qu’est-ce qu’on ambitionne ? C’est là la question.

Jacques et Jean sont courageux :
  Ils ont été dans les premiers à suivre Jésus.
  Ils se donnent les moyens de leurs ambitions : ils ont tout quitté pour le suivre.
  Ils ont vraiment la foi : ils croient que Jésus est le messie et qu’il règne.

Mais ils vont être déçus. À chaque fois que la foule veut s’emparer de Jésus pour le faire roi, Jésus se dérobe et va se cacher dans la montagne pour prier. Alors ils rongent leur frein. Ils attendent que Jésus révèle sa royauté.

Une grande ambiguïté demeure : qu’est-ce qu’un roi ?
Pour le monde, c’est celui qui centralise le pouvoir, lequel s’appuie sur la force ou la puissance de l’argent. Mais le messie est le représentant de la royauté divine. En Israël, c’est Dieu qui est roi. Et son messie ne fait que représenter cette royauté. Cette royauté, cette monarchie, dont l’étymologie signifie « un unique principe », ne s’appuie pas sur le pouvoir, sur la force ou sur l’argent. Le principe unique de la royauté divine que va révéler Jésus c’est l’amour. Cela exige une terrible conversion.
Jésus va révéler sa royauté sur la croix. C’est d’ailleurs saint Jean qui, quand il écrira son évangile, précisera la nature de cette royauté. Qui alors siège à sa droite et à sa gauche ? Ni Jacques ni Jean, mais deux suppliciés avec lui.

Aimer c’est se donner soi-même. Jésus se donne, se livre par amour : « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 18). On passe ainsi de l’asservissement au service. C’est une conversion nécessaire pour tout chrétien. L’objectif est de servir. Ainsi, le Pape se nomme : « serviteur des serviteurs de Dieu ».

La hiérarchie dans l’Église ne peut pas consister dans la conquête du pouvoir. Elle se revêt de l’habit du serviteur. Ce service est demandé par l’Église, il n’est pas à demander. Quel renversement si contraire à nos pratiques habituelles, issues, sans doute, d’un reste d’animalité où le plus fort s’impose aux plus faibles…
Il ne doit jamais s’agir dans l’Église de devenir un mâle dominant dans le troupeau des brebis.
Il s’agit d’imiter le Christ, seul Seigneur, seul Maître, seule Tête, seul Principe qui se fait serviteur des hommes en leur ouvrant le chemin vers le Père.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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