Homélie de Mgr Michel Aupetit – Messe du 4e dimanche de l’Avent

Notre-Dame de Paris – Dimanche 23 décembre 2018

Noël, mystère de l’amour vulnérable.

Nous avons en tête ces merveilleux tableaux qui représentent la Visitation. Deux femmes enceintes au visage rayonnant se saluent. Mais le plus extraordinaire est que les acteurs principaux de la scène sont invisibles. Il s’agit de ces deux enfants que ces femmes portent en elles. C’est bien un dialogue silencieux entre eux, qui ne vont parler que par leurs mères. Elisabeth, remplie de L’Esprit Saint, va être pénétrée du mystère de Marie et de l’enfant qu’elle porte. Marie, elle, va exulter sous l’action de l’Esprit Saint et nous donner son célèbre Magnificat.

Chacun de ces enfants va accomplir sa vocation alors qu’il est encore dans le ventre de sa mère. Jean-Baptiste annonce le Messie à sa mère Elisabeth comme il l’annoncera aux foules quelques trente ans plus tard. Jésus envoie l’Esprit Saint qui donne la connaissance à Elisabeth et fait exulter Marie. Comment ne pas penser à la vocation de Jérémie : « Avant de te façonner dans le ventre maternel, je te connaissais » (Jr 1, 5). Ou bien celle d’Isaïe : « Le Seigneur m’a appelé dès le sein maternel » (Is 49, 1).

Luc, qui est médecin d’origine grecque, n’emploie pas les mots habituels pour désigner l’embryon, ekbolia, ou phtoria, utilisés par Hippocrate, Soranos ou Galien. Pour nommer Jean dans le sein de sa mère, il va prendre le mot brephos qui signifie enfant et qui est le même mot qu’il reprend pour désigner les enfants qui viennent voir Jésus et qui sont repoussés par les apôtres : « Laissez les enfants venir à moi » (Mt 19, 14).

Cela va bien dire que Dieu a un projet sur nous dès avant notre naissance. Avant le projet parental il y a le projet de Dieu qui est notre véritable vocation. Chacun doit découvrir cet appel et le réaliser pour s’accomplir totalement dans la liberté. Car la réalisation d’une vocation demande une réponse libre. Il nous convient de réfléchir à cela, me semble-t-il, au moment où nous réfléchissons à la destination des embryons et à la possibilité de leur utilisation pour la recherche et donc à leur destruction éventuelle.

La fête de Noël n’est pas celle de la consommation. Elle est une célébration de la vulnérabilité. Nous fêtons un tout petit enfant qui vient de naître, fragile, dépendant de l’amour et de l’affection de ses parents. Rappelons-nous toujours que toute vie humaine et toute vocation personnelle passent toujours par ce moment de fragilité. Dieu s’est livré entre les mains des hommes. En Jésus-Christ, il s’est confié à la tendresse de Marie et de Joseph et c’est de Bethléem Ephrata, plus petit des clans de Juda, que naît le Messie.

Nietzsche reprochait à la religion chrétienne d’être la religion des faibles. Pourtant le réalisme nous pousse à regarder la fragilité de la condition humaine. C’est dans cette fragilité et cette vulnérabilité que se déploie le plus grand amour.

La vulnérabilité est le lieu de la révélation divine parce qu’elle est le lieu de la révélation de l’amour. Il suffit de regarder une maman prendre son nouveau-né dans les bras, un époux prendre soin de sa femme malade, le malaise que l’on ressent dans son cœur en regardant quelqu’un mourir de faim ou de froid.

N’ayons donc pas peur d’une religion qui assume ce qui n’est rien aux yeux du monde et pourtant ce que Dieu a choisi pour révéler sa gloire. Contemplons cette scène magnifique de la Visitation où deux êtres fragiles communient dans la joie qui vient de l’Amour, louons le Très-Haut qui s’est fait si petit et adorons l’Enfant nouveau né dans la crèche.

Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris

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