Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe de l’Immaculée Conception en la Cathédrale de Meaux, avec les jeunes de l’enseignement catholique de Seine-et-Marne

Cathédrale Saint-Etienne de Meaux (77) - Samedi 8 décembre 2018

- Gn 3, 9-15.20 ; Ps 97 (98) 1, 2-3ab, 3cd-4 ; Ep 1, 3-6. 11-12 ; Lc 1, 26-38

« Dieu ne nous abandonne pas : il vient nous chercher ! »

« Adam, où es-tu ? » Voilà ce que Dieu dit. Adam essaye de se cacher. Il se cache du regard de Dieu parce qu’il a honte. Et Dieu vient le chercher : « Adam, où es-tu ? » Cela peut paraître étonnant, en particulier pour vous les jeunes qui étudiez l’histoire du monde et l’histoire des hommes. Quand on étudie l’histoire, on voit plutôt que c’est l’homme qui cherche Dieu. Mais voilà, quand il cherche Dieu, il n’arrive pas à le trouver vraiment. Il est simplement impressionné par les éléments qui l’entourent, il divinise le soleil, comme les Egyptiens ; la lune, comme les Mésopotamiens ; ou bien les forces de la nature qu’il ne comprend pas ou qu’il ne saisit pas, comme les Grecs (la mer, la foudre, le vent). Et puis d’autres civilisations divinisent les animaux (les Egyptiens divinisaient les chats). Quand l’homme cherche Dieu, force est de constater qu’il n’arrive pas à le trouver. Alors, quelle est cette quête de Dieu qui est dans le cœur de l’homme ? Pourquoi cherche-t-on Dieu ? Parce que, depuis toujours, l’homme comprend qu’il n’est pas là par hasard. Il pense sa vie, il conçoit une transcendance : quelqu’un de plus grand que lui, qui est à l’origine de tout ce qui existe et qu’il admire, qui est à l’origine surtout de sa propre existence. Oui, l’homme cherche Dieu sans pouvoir le trouver. Même dans la Bible, dans le plus ancien Livre de la Bible qui n’est pas la Genèse, mais l’Exode, il est écrit : « Nul ne peut voir Dieu sans mourir » (cf. Ex 33, 20). Alors sommes-nous condamnés à ne jamais connaître Dieu ou à nous tromper à son sujet toute notre vie ? Non, parce que c’est Dieu qui nous cherche. Il nous cherche car c’est nous qui nous sommes éloignés de lui. Dans le premier récit que nous avons entendu, Dieu cherche Adam car Adam et Eve ont voulu se faire comme Dieu, ils ont rompu le lien avec Dieu. Alors ils se cachent parce qu’ils ont bien conscience de s’être trompés. C’est ce qu’on appelle le péché originel, c’est-à-dire que, depuis le commencement – et cela continue d’ailleurs – l’homme se prend pour Dieu. Il faut donc que Dieu vienne le rechercher : « Adam, où es-tu ? » Qu’a dit Jésus ? « Je viens chercher la brebis perdue », c’est-à-dire nous tous. Dieu ne nous abandonne jamais !

Dans notre monde d’aujourd’hui, on voit que quelque chose est brisé. Si Dieu est notre père, cela veut dire que nous sommes frères et sœurs. Si Dieu est notre père parce qu’il est à l’origine de tout, comme un père est à l’origine de la vie, nous sommes frères et sœurs et nous devons apprendre à être frères et sœurs. Et c’est bien ce que Jésus nous a révélé, lui qui est vraiment Fils de Dieu. Nous ne sommes que des créatures et, par Jésus Christ, Dieu nous adopte comme fils et filles. Un enfant adopté est comme un enfant qui est né de son père et sa mère et il hérite de tout ce que ses parents lui donnent. Ce dont Dieu nous fait hériter, c’est l’amour et la vie. Aussi, au jour de notre baptême, nous avons hérité de ce don de l’amour de Dieu qui s’appelle l’Esprit Saint et de la vie éternelle. Je suis déjà, et vous aussi, entré dans la vie éternelle. Et au moment de la mort, même si le corps se détruit, nous demeurons dans l’espérance de notre résurrection, au retour du Christ en gloire. Je mène ma vie dans cette communion que Dieu a voulue parce que justement je suis fils de Dieu, et vous êtes fils et filles de Dieu vous aussi. Dieu ne nous abandonne pas : il vient nous chercher !

« Où es-tu ? » Qu’est-ce que notre société peut répondre à cette question, elle qui a évacué Dieu ? Notre société en France pense qu’elle peut se passer de Dieu. Nos églises sont vides, pas aujourd’hui certes, mais la plupart du temps : allez dans les campagnes ! Si l’on se passe de Dieu, nous n’avons plus de Père commun, nous ne sommes plus frères et sœurs ; nous vivons dans la concurrence et dans la guerre perpétuelle pour savoir si nous avons plus que les autres ou moins que les autres. Ce qui se passe entre nous est simplement guidé par l’égoïsme et la cupidité. Alors nous devons réapprendre à nous soucier des autres. Est-ce que je m’intéresse aux autres qui sont à côté de moi ? Je le sais bien pourtant, quand je vois quelqu’un dans la difficulté et que je l’aide, mon cœur est en joie. Cela veut bien dire que nous sommes faits pour nous occuper les uns des autres, que ce qui fait mon bonheur et ma joie ce n’est pas de regarder mon nombril à longueur de journée ou d’avoir la plus belle voiture de Meaux ! Ce qui fait ma joie, c’est de m’occuper de mon frère et de voir que je peux lui faire du bien. Essayez et vous verrez : ça marche à tous les coups !

Voilà ce que Jésus est venu nous apprendre. Et voilà ce que Marie a compris avant tout le monde, elle que nous fêtons aujourd’hui. Quelquefois, on prend Marie pour une femme supérieure, différente, alors qu’elle est comme chacun d’entre nous. Il est vrai qu’elle a été préservée de cette rupture avec Dieu, des conséquences du péché originel, que son cœur est totalement ouvert à la grâce de Dieu. Nos frères Antillais ont l’habitude de l’appeler affectueusement « maman Marie ». Oui, c’est simplement une maman pour nous puisque c’est Jésus qui nous l’a donnée. En mourant sur la croix, il nous a donné la seule chose qu’on ne peut pas prendre : on lui a volé ses vêtements, on lui a volé sa dignité apparente, on lui a volé sa vie mais la seule chose qu’on ne peut pas voler, c’est l’amour d’une maman. A saint Jean qui nous représente tous, il dit « Voici ta mère » et à Marie « Voici ton fils ». Et voilà pourquoi nous pouvons nous tourner vers Marie qui est l’une d’entre nous et que Jésus a fait notre mère. Car si nous avons un Père, nous avons aussi une mère. Mais elle n’est pas Dieu, Marie. Les musulmans pensent que nous croyons que Marie est une déesse. C’est une erreur. Elle est l’une d’entre nous, d’ailleurs regardez, quand l’ange vient la voir, elle est toute bouleversée. Imaginez que, dans votre chambre, un ange arrive : vous seriez aussi bouleversés ! Pourquoi ? Parce que quand Dieu vient nous visiter, on sait qu’il va bouleverser notre vie, qu’il va changer quelque chose dans notre vie. Nous prévoyons notre vie : « Quand je serai grand, je ferai ceci, je ferai cela », mais si Dieu vient nous visiter, il va nous demander autre chose. Alors nous serons bouleversés, et c’est normal. Marie est bouleversée. Et si, comme Marie, nous acceptons que Dieu vienne à notre rencontre, nous aussi nous serons bouleversés. La seule question qui se pose à chacun d’entre nous : est-ce que nous acceptons d’être bouleversés par Dieu, bouleversés par son amour, oui ou non ?

Marie est libre, cela se manifeste par la question qu’elle pose à l’ange. Elle est vierge et ne connaît pas d’homme, même si elle est fiancée avec Joseph, alors elle dit : « Comment cela va-t-il se faire ? ». C’est normal, elle sait bien, comme nous tous, qu’un enfant naît d’une rencontre entre un homme et une femme. Pour pouvoir répondre librement, il faut comprendre comment cela va se passer. Ce n’est pas un doute : Marie est persuadée que si Dieu le veut, cela est possible. Mais comment ? Et l’ange lui répond : « L’Esprit Saint te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu ». (Lc 1, 35). Vous voyez, cela n’explique pas grand-chose sur le plan physiologique, mais quand on demande à Dieu quelque chose, il faut aussi recevoir la réponse dans la foi. C’est ce que fait Marie en disant : « Voici la servante du Seigneur ». Voilà ce que nous apprend la Vierge Marie que nous fêtons aujourd’hui. Nous avons la chance de pouvoir la prier, parce que, quand nous la prions, nous ne la prions pas comme Dieu mais comme une maman qui va nous aider. Nous savons qu’une maman nous connaît bien. En plus, cette maman connaît Dieu puisqu’elle est montée auprès de son Fils, Jésus, le Fils du Père. Quand nous faisons monter notre prière, nous ne sommes jamais sûrs qu’elle soit bien ajustée à la volonté divine, alors Marie la présente à Dieu et l’ajuste à la volonté de Dieu. Voilà pourquoi nous faisons si souvent appel à elle avec affection.

Voilà pourquoi Mgr Marbeau a demandé ici que la Vierge protège sa ville de Meaux. La Vierge a mis sa main sur votre ville et ainsi les Allemands ne sont pas venus la détruire. Aujourd’hui, nous demandons aussi à la Vierge d’étendre sa main sur notre pays, la France, parce qu’elle en est la sainte patronne. Un roi, Louis XIII, a consacré la France à Marie et cette consécration n’a jamais été remise en cause. Mais est-ce que nous, nous croyons encore que la Vierge Marie peut protéger notre pays et changer les cœurs, aussi bien de nos gouvernants que des gouvernés ? Est-ce que nous croyons que nous pouvons encore, grâce à elle, bâtir une société fraternelle et juste ? Moi, je le crois. Je crois que si nous retrouvons le sens de Dieu, nous retrouverons aussi le sens de la fraternité. C’est un vrai défi, un défi dans la paix du cœur et dans la volonté de construire ce que saint Jean-Paul appelait « la civilisation de l’amour ». Cela repose sur nous, les chrétiens ; n’attendons pas que les autres commencent. C’est ainsi que l’Église s’est répandue dans le monde. C’est ainsi qu’aujourd’hui, frères et sœurs, nous pouvons construire un monde de paix.

Amen.

+ Michel Aupetit, Archevêque de Paris

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