Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messes à Saint-Léon (15e) et à Notre-Dame de Paris

Dimanche 10 février 2019

 5e dimanche ordinaire - Année C
 Is 6,1-2a.3-8 ; Ps 137, 1-5.7-8 ; 1 Co 15,1-11 ; Lc 5,1-11

Ce matin le siphon de votre baignoire fuit. Allez-vous appeler un plombier ou un boucher ?

Supposez que vous vouliez aller à la pêche pour ramener un maximum de poissons. Iriez-vous avec un pêcheur professionnel ou avec un charpentier fils de charpentier ? Bien sûr avec un pêcheur professionnel : Pierre. Et oui, mais dans cet évangile le professionnel est dépassé par plus grand que lui.

Supposez qu’il faille annoncer par toutes les Nations la sainteté de Dieu. Qui choisiriez-vous ? Un saint, bien sûr ! Quelqu’un qui, sans atteindre la sainteté de Dieu, s’en rapproche par sa perfection personnelle. Mais là encore vous vous êtes trompés... C’est un homme impur aux lèvres impures que Dieu choisi : Isaïe.

Enfin, si vous aviez à annoncer une nouvelle invraisemblable à des étrangers incapables de l’entendre. Qui choisiriez-vous ? Quelqu’un qui a vu de ses yeux les événements qu’il rapporte. Un solide qui a fait ses preuves. Eh bien non, c’est un avorton, comme il se décrit lui-même, un persécuteur de ceux qui annonçaient la nouvelle en question, ce cher saint Paul.

Nous connaissons tous cette phrase que Dieu prononce au livre d’Isaïe : « Mes pensées ne sont pas vos pensées » (Is 55, 8). Mais alors comment comprendre l’articulation entre la « compétence » et la « grâce » ? Entre le nécessaire travail de l’homme et le don de Dieu ?

En effet, quand le Christ retourne avec Pierre, c’est bien ce dernier qui lance les filets, les ramène et met les poissons dans la barque. Sa compétence est honorée.
C’est parce qu’il est pêcheur que le prophète Isaïe comprend la grandeur de la sainteté de Dieu.

Enfin saint Paul est un grand théologien formé au pied de Gamaliel en même temps qu’un être passionné et plein de courage.

Nous comprenons alors comment la grâce de Dieu qui seule assure une véritable fécondité passe aussi par la compétence des hommes. N’est-ce pas ce que nous disons au moment de l’offertoire : « Tu es béni, Dieu de l’univers toi qui nous donne ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes » ? Et voilà comment nous comprenons ce que disait saint Ignace de Loyola : « Agir comme si tout dépendait de notre action et prier comme si tout dépendait de Dieu ».

Nous sommes donc affrontés à deux tentations. La première est de croire que tout dépend de nous et que seule notre efficacité est nécessaire. C’est de la prétention. Ce que le pape François appelle le « nouveau pélagianisme ».

La seconde consiste à ne rien faire en pensant que Dieu accomplira sans nous sa volonté. C’est de la paresse.

Voilà pourquoi dans notre Église les chrétiens doivent se former spirituellement et intellectuellement pour pouvoir se mettre au service de la grâce qui toujours les précède. Car rappelez-vous la parabole du semeur : c’est dans la bonne terre que la semence peut germer. Nous savons que cette bonne terre est celle que le laboureur a préparée, retournée pour que la semence ne se dessèche sur un sol pierreux ou ne s’étouffe au milieu des ronces.

Soyons donc ces bras dont Dieu se sert dans son amour et sa bienveillance.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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