Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Notre-Dame de Paris

Dimanche 3 mars 2019

– 8e dimanche Temps ordinaire – Année C
- Si 27,4-7 ; Ps 91,2-3.13-16 ; 1 Co 15, 54-58 ; Lc 6 ,39-45

Nous venons d’entendre Jésus : « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur ; l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais » (Lc 6,45).

La première question qui est posée est de savoir ce qu’est le bien, où est le bien.
Est-ce ce qui me fait du bien à moi ? Cela est vrai dans notre société individualiste.
Est-ce ce qui fait du bien à la majorité ? Cela s’appelle l’intérêt général.
Est-ce ce qui fait du bien à chacun ? Cela s’appelle bien commun, qui est défendu par l’Église.

Comment s’y reconnaître ? Lorsque l’actuel Président du Comité National d’éthique affirme qu’il ne sait pas distinguer le bien et le mal, on peut être légitimement inquiet alors qu’il s’agit de celui qui est chargé précisément d’orienter la réflexion et l’agir de la recherche médicale. Il est vrai qu’aujourd’hui le bien semble fluctuant en fonction des opinions majoritaires. Mais n’est-ce pas dangereux ? On sait comment on peut manipuler l’opinion publique. Il y a des précédents dramatiques comme l’élection majoritaire du parti nazi en 1933. Un autre exemple est l’avortement. Condamné sévèrement au début du 20e siècle, il est aujourd’hui devenu un droit et, quasiment, du moins dans les esprits de beaucoup, une obligation légale. A l’époque romaine, il été pratiqué assez couramment, mais faisait souvent l’objet d’une réprobation publique. Alors, où se trouve le bien ?

Devant cette éthique procédurale qui définit le bien en fonction de la majorité, la Bible affirme depuis longtemps : « Tu ne suivras pas une majorité qui veut le mal », ce que confirme le pape saint Jean-Paul II : « Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois ».

Dieu a donné des éléments de réponse à valeur universelle : « Honore ton père et ta mère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain ». Ces directives simples rejoignent les éléments de civilisation élémentaires que la raison humaine a pu trouver par elle-même. Ce sont des règles de vie au service du bien de chacun dans la société, mais ce n’est pas encore la plénitude du bien parfait et absolu que Dieu nous appelle à vivre.

La deuxième question qui se pose est de savoir comment juger le bien et le mal ?
Nous venons de l’entendre dans l’évangile. Le mal commis par les autres nous semble insupportable. Même s’il est aussi léger qu’une paille, nous voudrions l’extirper. Tout simplement, parce que nous le subissons. En revanche, le mal que nous faisons, même s’il a la grosseur d’une poutre, nous semble dérisoire. Nous sommes toujours prêts à l’excuser ou à nous en justifier, car ce n’est pas nous mais ce sont les autres qui en subissent les conséquences.

Il y a bien une objectivité du mal que nous pouvons désigner clairement, comme la suppression d’une vie, la spoliation des biens, le manque d’équité dans la justice, etc.

Il y a aussi une subjectivité du mal comme l’exprime le Seigneur quand il dit que le mal vient de l’homme mauvais et le bien de l’homme bon. Il n’y a pas d’homme bon ou mauvais en soi, il y a simplement le choix libre de poser des actes bons qui finissent par façonner la personnalité en donnant « un cœur bon ». A contrario, le fait de s’enfoncer délibérément dans les actes mauvais construit un cœur qui s’habitue au mal, « un cœur mauvais » comme dit Jésus.

C’est ainsi qu’il faut comprendre ce que dit le sage Ben Sira : « C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre » et la parole de Jésus : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit ». Et nous, quel fruit donnons-nous ? Ou plutôt, quels fruits voulons-nous donner ?

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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