Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Sulpice consécration de quatre femmes dans l’“Ordo Virginum” du diocèse de Paris

Saint-Sulpice (6e) - Dimanche 5 mai 2019

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 3e dimanche de pâques – Année C
 Ac 5,27b-32.40b-41 ; Ps 29,3-6.12-13 ; Ap 5,11-14 ; Jn 21,1-19

Pourquoi avons-nous toujours besoin de demander : « Est-ce que tu m’aimes ? Est-ce que tu m’aimes vraiment ? » C’est la question souvent posée par les amoureux qui ont toujours peur de n’être pas aimés comme ils aiment. C’est aussi la question des enfants à leurs parents : « Papa, Maman, jusqu’où tu m’aimes ? » et qui a donné cette belle chanson d’Yves Duteil comme une réponse d’un père à sa fille : « Jusqu’où je t’aime ». Ce besoin d’être rassuré sur l’amour que l’on a pour nous ne fait que traduire cette soif d’être aimé au-delà de tout. Intuitivement, nous savons que nous sommes faits pour aimer et nous savons que nous avons besoin d’être aimés pour accomplir pleinement cette vocation.

C’est l’expérience des nourrissons. Un amour les précède, celui de leurs parents. Se sentant aimés, ils se sentent exister et peuvent aimer à leur tour. C’est là le véritable chemin du bonheur qui est tout à fait autre chose que les illusions des petites glorioles humaines, des vanités du pouvoir, des chemins d’épanouissement personnel ou de cette culture du bien-être que l’on nous sert largement dans les magazines « people » mais qui n’empêcheront ni les rhumatismes ni les accidents vasculaires cérébraux.

Seul l’amour nous comble. Mais il y a toujours ce sentiment d’incomplétude qui nous fait poser la question : « Est-ce que tu m’aimes vraiment ? »

Jésus aurait-il besoin d’être rassuré pour poser lui aussi une telle question ? Non, bien sûr ! Ici c’est le contraire. C’est lui qui rassure Pierre. Pierre pensait sans doute qu’il ne pouvait être aimé que s’il arrivait à se hisser jusqu’à l’amour du Christ quand celui-ci affirmait : « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). C’est bien ce qu’il affirmait avant la Passion de Jésus : « Seigneur, si tous t’abandonnent, moi je ne t’abandonnerai pas. Je donnerai ma vie pour toi » (cf. Jn 13, 37). Hélas, on connaît la suite.

Jésus demande à Pierre : « Pierre est-ce que tu m’aimes vraiment (jusqu’à donner ta vie) ? » On connaît la réponse de Pierre : « Je t’aime, comme un ami ». Et le Seigneur lui confie son Église sur cette simple déclaration d’amitié bien en deçà de l’amour de Dieu pour nous.

Oui, le commandement nouveau est bien celui-ci : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34). Mais il ne s’agit pas de réciprocité. C’est l’amour de Jésus qui est premier, qui nous précède, nous enveloppe, nous dépasse, nous révèle à nous-mêmes. Il faut d’abord se laisser aimer. En accueillant l’amour de Dieu comme il se donne, nous pourrons alors laisser l’Esprit Saint, l’amour divin se déployer en nous pour nous permettre d’aimer comme Jésus.

Il faut d’abord entrer dans l’amitié de Jésus, une amitié qui s’offre : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis » (Jn 15, 15). Ami de Dieu, ami avec Celui qui nous rejoint jusque dans notre chair, ami avec Celui qui a donné sa vie pour moi. C’est cette amitié qui nous permet d’entrer dans l’intimité divine et qui transfigure notre vie.

Aujourd’hui, chères sœurs et chères amies, vous répondez à cet amour infini par le don de votre vie en entrant dans l’Ordre des vierges consacrées. Vous accomplissez la vocation baptismale de prophète en manifestant la vérité de l’amour de Jésus dans votre vie et en montrant comment, avec la grâce de Dieu, on peut passer de l’incomplétude à la plénitude de l’amour.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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