Homélie de Mgr Michel Aupetit – Ordinations sacerdotales 2019

Saint-Sulpice (6e) - Samedi 29 juin 2019

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Chers amis, en voilà un beau programme ! Nous sommes appelés par le Seigneur lui-même comme les apôtres. Il les a choisis pour « être avec lui ». Oui, il s’agit bien de vivre en permanence auprès du Seigneur, dans son intimité pour pouvoir donner au monde toutes les grâces divines qui nous font entrer dans la vie même de Dieu. Cette vie que l’on reçoit par le baptême : « Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », qui se déploie dans l’eucharistie où le Christ se donne lui-même en nourriture : « faites ceci en mémoire de moi », et que l’on réanime en accomplissant l’œuvre de relèvement du Christ : « ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis ». Etre avec le Christ pour donner la vie en abondance, voilà qui est enthousiasmant !

Cependant les textes d’aujourd’hui rafraîchissent un peu cet enthousiasme. Jacques est décapité. Pierre est arrêté et mis en prison. Certes, un ange vient le délivrer, mais on sait comment il finira sa vie, crucifié la tête en bas. Paul, lui-même, se dit « offert en sacrifice ». Et pour bien montrer que nous ne pouvons pas forcément compter sur ceux qui devraient normalement nous soutenir, il ajoute : « tous m’ont abandonné ».

C’est charmant ! En entendant cela, avez-vous encore envie de suivre le Christ ? Sans doute, plusieurs personnes ici présentes se demandent : « qu’est-ce qui peut pousser de jeunes hommes aussi brillants à suivre le Christ » ?

Si matériellement le prêtre ne manque de rien, il est de notoriété que ce n’est pas son ministère qui va l’enrichir.

Si nous espérions un peu de considération de la part du monde, eh bien, ça va être difficile avec les scandales qui frappent l’Église et qui nous valent d’être traités parfois de pédophiles dans le métro en raison d’un amalgame souvent orchestrée par des personnes malveillantes.

Si nous pensions exercer un quelconque pouvoir, nous allons être vite déçus car l’Église est bien le seul endroit où l’obéissance est surtout virtuelle, puisque issue d’un acte de foi et non d’une structure hiérarchique coercitive.

Alors ? Qu’est-ce qui nous pousse à suivre le Christ ?

C’est une soif, une soif inextinguible, une soif d’amour, d’amour plus grand, d’amour absolu dont nous pensons que Dieu seul peut la combler. C’est d’ailleurs la réponse de saint Paul : « oui, tous m’ont abandonné. Le Seigneur m’a assisté ». Jamais la fidélité de Dieu ne sera prise en défaut. L’amour et la fidélité en Dieu, c’est la même chose.

Nous savons aussi avec certitude que Jésus nous donnera la connaissance intime du cœur de Dieu : « Heureux es-tu Simon, fils de Jonas, ce que tu dis-là ne vient pas de la chair et de l’esprit, mais de mon Père ».

Le mot sacrifice employé par Paul fait peur. Mais sacrifice ne veut pas dire s’immoler de manière masochiste. Le sacrifice est un acte sacré qui consiste à entrer en relation avec Dieu. Il ne s’agit pas d’une privation douloureuse d’un bien précieux. Dans la plupart des traditions les plus anciennes, il s’agit d’un repas présenté aux dieux par les hommes, repas auquel les hommes eux-mêmes peuvent et doivent prendre part sous certaines conditions.

Offrir sa vie en sacrifice, c’est entrer dans le don que le Christ fait de lui-même en inversant ce don. Par lui, vrai Dieu, c’est Dieu qui se donne en nourriture aux hommes pour leur communiquer sa vie, la vie absolue. Par lui, vrai homme, l’humanité tout entière s’offre à Dieu en réponse d’amour ajusté à l’amour total qui préexiste à toute créature.

Chers amis, offrir votre vie, c’est consentir à l’offrande que le Seigneur fait de lui-même par vos mains et c’est permettre au peuple de Dieu de rejoindre ce don par l’offrande de leur personne, de leur existence, de leur famille, de leur travail. Il s’agit bien d’offrir à Dieu le Corps et le Sang du Christ pour qu’il soit l’aliment de l’amour, d’un amour plus grand, d’un amour infini.

Le monde a soif, soif d’amour, de joie, de paix, de patience, de bonté, de bienveillance, de fidélité, de douceur et de maîtrise de soi. Bien sûr, chers amis, vous avez remarqué ce que je viens d’énoncer, ce sont les 9 fruits de l’Esprit Saint. Imaginez ce que serait le monde s’il produisait partout de tels fruits.
Cette soif, qui est la recherche de l’absolu de l’amour, existe dans le cœur de tout homme. Le Christ qui vous a amené jusqu’à aujourd’hui, vous donne maintenant les moyens de la combler. Parce que vous avez répondu à l’amour, vous pourrez transmettre l’amour. En vous donnant, vous pouvez recevoir, en recevant, vous pourrez donner.

« J’ai combattu le bon combat » nous dit saint Paul. Oui, il s’agit d’un combat, d’un vrai combat. Mais vous n’entrez pas dans ce combat avec les armes du monde qui font du mal, vous entrez dans ce combat avec les armes de Dieu qui font du bien. Ce ne sont pas des armes qui détruisent, mais des armes qui édifient. Ces armes ce sont les dons de Dieu qui vont soulager ce peuple et étancher leur soif.

Il n’est plus temps de tenir une boutique ou de faire fonctionner une institution. L’Église n’est pas bâtie sur des pierres qui peuvent s’effondrer à tout moment comme nous l’avons vu tristement à Notre-Dame, ou sur des institutions trop humaines qui peuvent, hélas, dériver.

L’Église est fondée sur le Christ, fondée sur les personnes qu’il aime et qu’il est venu sauver.

L’amour du Christ nous presse, l’amour du Christ nous brûle. C’est le temps de la créativité, de l’imagination, de la mission empressée : « malheur à moi si je n’annonce pas l’évangile ».

Oui, chers amis, donnons ce que nous avons reçu pour le bonheur de tous. Merci d’avoir répondu à l’appel du Christ. Que cette générosité soit une source abondante de fécondité qui pourra vous combler bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer.

Mgr Michel Aupetit,
archevêque de Paris

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