Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe pour les bienfaiteurs du diocèse de Paris 2020

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 5 janvier 2020

– Épiphanie du Seigneur

- Is 60,1-6 ; Ps 71, 1-2.7-8.10-13 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12

Quel récit extraordinaire ! Ces mages venus d’orient sont certainement des savants, peut-être des Chaldéens de Mésopotamie qui, nous le savons, étaient de grands connaisseurs de la carte du ciel. A cette époque, il n’y avait pas de distinction entre l’astronomie qui est la science appliquée aux mouvements des astres et l’astrologie qui est un art divinatoire. La disjonction qui court depuis le 17e siècle les a totalement séparés. Aujourd’hui l’astronomie est une science extrêmement sérieuse alors que l’astrologie apparaît pour beaucoup comme relevant d’une superstition.

Je me pose la question de savoir si des savants astronomes de nos jours seraient capables de lire les signes au-delà de la stricte connaissance objective. La méthode scientifique est un principe de connaissance qui s’appuie sur l’observation et la vérification expérimentale dans une interaction constante entre la théorie et l’expérience. La science constate en nous faisant connaître ce qui est dans l’univers. Mais comment passer du fait observé à la compréhension de ce monde et à sa finalité ultime ? Nous savons aujourd’hui que la découverte du mouvement d’expansion du cosmos provient d’une explosion de l’espace à la naissance de l’univers qu’on appelle Big Bang, théorie confirmée par la découverte d’une lumière fossile en 1965. Nous savons aussi que ce que nous voyons briller dans le ciel, les 100 milliards de galaxies observables ne représentent que 0,5 % du contenu total de l’univers. La plus grande partie n’émet aucune sorte de lumière et nous n’avons aucune idée de 96 % du contenu de l’univers. Ces connaissances parfaitement vérifiables nous empêcheraient-elles aujourd’hui d’y voir des signes qui nous permettraient de comprendre spirituellement le sens de nos existences comme l’ont fait les mages ? Il est de l’ordre de l’intelligence humaine de passer de l’observation à l’explication et de l’explication à la contemplation.

C’est un phénomène extraordinaire qui a mis en route les savants mages de l’orient. Mais ils ne se sont pas contentés de l’observer, ils en ont recherché le sens. N’est-ce pas ce qui nous manque aujourd’hui ? A contrario, l’attitude des religieux de Jérusalem, dont le rôle est de comprendre les signes donnés par Dieu, ont été incapables de voir au travers des signes la présence de celui qu’ils attendent depuis toujours.

Il y a donc deux attitudes qui empêche de trouver le Christ qui vient jusqu’à nous. La première est le positivisme incapable de déployer une intelligence spéculative capable de donner du sens à la matière observée. La seconde consiste à s’approprier la chose religieuse au point de l’enfermer dans nos petites certitudes étriquées en refusant de se laisser bousculer par l’inattendu.

Voilà pourquoi l’attitude de ces mages est extraordinaire. Savants magnifiques, ils se réjouissent de la contemplation de l’étoile. Le terme de « grande joie » employé est le même que celui des apôtres au jour de la Résurrection quand ils revoient leur Seigneur. Mais vous avez remarqué que les mages ne se prosternent pas devant l’étoile, mais devant l’enfant. Tout en se réjouissant d’avoir trouvé l’étoile mystérieuse, ils comprennent qu’au-delà du visible, celui qui est là devant eux, tout fragile, tout petit, est le vrai roi, auquel ils offrent l’or, l’unique prophète vainqueur de la mort qui reçoit la myrrhe et le vrai Dieu vers qui monte l’encens. Comme les mages, chers amis, soyez assez intelligents pour vous laisser surprendre.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris

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