Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à St Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 12 janvier 2020

– Baptême du Seigneur – Année A

- Is 42,1-4.6-7 ; Ps 28, 1-4.9-10 ; Ps 103, 1-4.24.25.27-30 ; Ac 10,34-38 ; Mt 3,13-17

Pour la plupart, vous qui êtes ici, je suppose que vous êtes baptisés. Pourquoi sommes-nous baptisés ? A quoi sert le baptême ?

Dans les années 1980, beaucoup de parents chrétiens qui eux-mêmes avaient reçu le baptême dans l’enfance ont jugé qu’il était préférable de différer le baptême de leurs propres enfants. Le prétexte était de ne rien leur imposer pour qu’ils puissent choisir eux-mêmes plus tard. Aujourd’hui, parmi les nombreux catéchumènes adultes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques, beaucoup disent relever de ce choix parental. Certains ont éprouvé au fond d’eux-mêmes un manque alors qu’ils sentaient ce désir de connaître Dieu. Au fond, c’est comme si le baptême n’était qu’une appartenance à un parti politique quelconque qu’il faudrait choisir en fonction de son opinion ou de son évolution personnelle provoquée par les rencontres que permet la vie. Ou bien, la religion ne serait qu’un produit ordinaire que l’on peut choisir en fonction de ses goûts comme on le fait pour les produits de consommation courante dans les grandes surfaces.

Cela veut dire que le baptême n’est pas du tout compris. Pourquoi le Christ lui-même s’est fait baptiser alors qu’il n’en avait pas besoin comme Jean-Baptiste le signale dans cet évangile ? Le baptême nous fait devenir enfants de Dieu alors que nous ne sommes que des créatures. Nous accédons à un statut extraordinaire et inatteignable par nos propres forces ou notre propre volonté. Jésus n’a pas besoin de baptême puisqu’il est vraiment Fils de Dieu et engendré par le Père de toute éternité. Mais, c’est dans notre humanité qu’il a voulu recevoir cette filiation qu’accompagne le don de l’Esprit Saint pour que nous-mêmes puissions devenir enfants de Dieu par adoption. Cela va très loin puisque Jésus va jusqu’à accepter notre condition mortelle. Sa plongée dans les eaux qui l’engloutissent en est le symbole.

Il est dit dans l’évangile que les cieux s’ouvrirent. Cela répond à une grande prière du prophète Isaïe : « Ah, si tu déchirais les cieux et si tu descendais » (Is 64,1). Cela se réalise aujourd’hui au baptême de Jésus. En hébreu, les cieux se traduisent exactement par « les eaux d’en haut », c’est-à-dire la sphère divine. Nous arrivons péniblement à marcher sur la Lune, peut-être sur Mars, mais même si nous arrivions à circuler dans l’ensemble du cosmos, nous ne serions que dans le monde créé. Le monde divin, incréé, nous est définitivement inaccessible quelles que soient nos inventions techniques. Il fallait donc que Dieu vînt jusqu’à nous. C’est parce que Jésus assume jusqu’au bout notre humanité que nous pouvons recevoir par lui la divinité qui nous fait entrer dans le ciel pour partager l’éternité de Dieu. C’est ce fameux « accomplissement ».

Les parents, qui ont raison de penser à leurs enfants et à leur avenir, les obligent à aller à l’école pour préserver cet avenir. Ils ne leur demandent pas leur avis parce qu’ils veulent le meilleur pour eux. Nous pensons tous à notre avenir et ce qui se passe aujourd’hui à propos des retraites en est bien l’expression. Mais notre avenir ne s’arrête pas à nos retraites, Dieu soit loué !

Alors je crois que les parents devraient être véritablement plus soucieux de l’avenir éternel de leurs enfants. Si nous croyons vraiment que Jésus nous ouvre les portes du Ciel, qu’il est le Fils de Dieu et qu’il nous aime au point de donner sa vie, il est grave et inconséquent de ne pas faire du baptême une priorité pour nos enfants. Peut-être n’est-ce simplement qu’un manque de foi et le reflet de notre société sécularisée ?

Pourtant, peut-on se permettre de laisser les enfants sans cette perspective magnifique d’un avenir éternel dans l’amour auprès de Dieu. Oui, le baptême nous divinise car, nous dit saint Paul, par lui « nous sommes morts avec le Christ pour ressusciter avec le Christ » (Rm 6,8). Quelle grâce et quelle merveille !

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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