Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 1er mars 2020

– 1er dimanche de Carême – Année A
- Gn 2,7-9 et 3,1-7 ; Ps 50,3-6.12-14.17 ; Rm 5, 12-19 ; Mt 4,1-11

Il est beaucoup question de tentations dans les textes de la Parole de Dieu que nous avons lus aujourd’hui. Comment comprendre cette tentation et la manière dont elle nous touche ?

Ce qui est très clair, c’est que ce n’est pas Dieu qui nous tente. Nous avons entendu que c’était le serpent qui symbolise celui que l’on appelle dans la Bible Satan, c’est-à-dire l’adversaire. Quand, au Jardin des Oliviers, Jésus demande à ses disciples : « Priez pour ne pas entrer en tentation », il signifie bien la volonté de Dieu de ne pas nous laisser nous perdre. Il ne faut pas se rendre vulnérable à la tentation, comme la nouvelle version du Notre Père nous y invite.

Ensuite, la tentation est toujours un mensonge. Vous entendez le serpent dire à nos premiers parents : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin ? ». C’est évidemment un mensonge. Tous les arbres du jardin sont accessibles à l’homme, même celui qui est au centre du jardin, l’arbre de vie qui, dans les cosmogonies orientales, signifie l’immortalité. Il y aura toujours ceux qui céderont à la tentation de déformer la Parole de Dieu pour justifier leurs turpitudes.

Et Jésus ? Après 40 jours, il eut faim. Il s’agit de la faim qui précède la mort. Le diable incite Jésus à sauver sa vie. En réalité, même si Jésus se sauvait de sa mort corporelle, il ne ferait pas disparaître la mort inéluctable de notre humanité. Voilà pourquoi il dit : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra et celui qui la perdra à cause de moi la sauvera » (Mt 16, 25). Seul celui qui reçoit la Parole de Dieu et qui la garde passe par-delà de la mort pour entrer dans la communion divine.

Résister à la tentation, c’est refuser les mensonges destinés à nous séparer de Dieu.

Une autre grave tentation consiste à défier Dieu ou le soupçonner de ne pas nous aimer. Quand Satan parle à l’homme et la femme, il leur fait croire que Dieu est jaloux, qu’il ne veut pas leur bien. De même, il éprouve Jésus sur sa confiance en son Père : « Jette-toi en bas » (Mt 4,6). Une façon de dire : es-tu sûr qu’il t’aime vraiment ?

Quand nous avons un doute sur Dieu ou que nous le soupçonnons sur ses intentions à notre égard, il faut immédiatement contempler un crucifix et regarder le Christ sur la croix pour mesurer que seul un Dieu d’amour peut aller jusque-là.

Enfin, la tentation est une illusion que le diable infiltre dans notre cœur : « Vous serez comme des dieux » (Gn 3,5). Tentation éternelle de l’humanité qui, aujourd’hui encore en raison de sa maîtrise technique, lui fait croire qu’elle est maîtresse de son destin et de l’univers. On voit où cela peut nous conduire : à la destruction de la planète et à la culture de mort qui se généralise un peu partout.

A Jésus, le diable propose : « Tous les royaumes du monde et leur gloire, je te le donnerai » (Mt 4,8). Ainsi nous pouvons être subjugués par une ambition dévorante qui nous entraîne loin de Dieu et par laquelle nous commençons à nous mentir sur nos actes mortifères. Nous disons : « Ce n’est pas si grave », « Est-ce que c’est vraiment mal ? ». Nous entrons peu à peu nous aussi dans le mensonge qui entraîne le soupçon : « Dieu existe-t-il vraiment ? » « Nous aime-t-il ? » « Et pourquoi tout ce mal sur la terre ? ». Nous finissons alors par croire que Dieu nous interdit de réussir, qu’au fond il nous empêche de nous réaliser…

Le drame de la tentation, c’est qu’elle est faite pour nous éloigner de Dieu, c’est-à-dire de la source de la vie. La tentation brise la confiance et nous empêche d’accueillir pleinement la grâce.

La Vierge Marie est pleine de grâce parce que la tentation n’a pas eu de prise sur elle. Le péché originel n’a pas faussé son jugement sur Dieu. Elle sait que Dieu est amour, qu’il n’est qu’amour et que notre vocation est d’apprendre à aimer comme Jésus qu’elle porte en elle. Pendant tout ce carême, suivons le chemin de Marie et confions-nous à sa prière.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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