Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 21 juin 2020

– 12e dimanche du temps ordinaire – Année A

- Jr 1,4-10 ; Ps 70,5-8.15.17.19.6 ; 1 P 1,8-12 ; Lc 1,5-17

J’ai un neveu qui est policier. Je sais, c’est mal vu aujourd’hui ! Pourtant c’est un garçon remarquable que j’aime beaucoup, qui a beaucoup de discernement et de finesse. Pendant le temps du confinement, il m’a révélé que la police avait reçu un nombre considérable de dénonciations. Comme aux plus mauvais jours de l’occupation lors de la deuxième guerre mondiale, la délation est devenue un sport collectif dans notre pays. Je pensais à cela en méditant sur la première lecture : « Moi, Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : "Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là !" ». En comparant avec l’évangile où le Seigneur nous dit que nous sommes faits pour « annoncer », je me suis rendu compte du contraste entre ces deux textes. Il s’agit vraiment d’annoncer plutôt que de dénoncer.

Ce que nous dénonçons, c’est le mal. Ce que nous annonçons, c’est le bien. Nous dénonçons à juste titre le mal commis par les hommes. Nous annonçons le bien accompli par Dieu.

Il est peut-être important de dénoncer le mal pour qu’il ne se répande pas et détruise la société des hommes et son harmonie. Mais quelquefois cette dénonciation entraîne encore plus souvent la division, la rancune, la rivalité jusqu’au conflit.

Mais il est beaucoup plus important d’annoncer le bien, d’annoncer l’évangile de Jésus Christ qui nous révèle l’amour de Dieu qui rend belle notre personne. Ce qui nous rend beaux ce n’est pas la plastique physique à laquelle nous apportons parfois tellement de soins. Cette apparence, nous le savons bien, ne sera pas éternelle et subira les assauts redoutables du temps. Quand Jésus nous affirme que « même les cheveux de notre tête sont tous comptés » (Mt 10,30) cela veut dire que nous avons une valeur inouïe aux yeux de Dieu. Tous les jours nous avons des cheveux qui tombent et même ceux-là nous ne savons pas les compter. Dieu, lui, connaît le moindre de nos cheveux. Il nous connaît tout entier, corps et âme. Et nous aime tout entier, corps et âme. Car c’est bien toute notre personne que Jésus est venu sauver. Quand nous nous contentons de dénoncer le mal, nous essayons seulement de nous opposer à Satan qui essaie de nous détourner de Dieu. Et c’est vrai qu’au jour du baptême, il est demandé aux catéchumènes de renoncer à Satan, c’est-à-dire de lutter contre le mal.

Mais sans la force de Dieu, le Saint Esprit, il est impossible de vaincre le mal. Comme le dit la grande prière à l’Esprit Saint récitée le jour de la Pentecôte : « Sans ta puissance divine il n’est rien en aucun homme qui ne soit perverti ».

Il est bien plus essentiel d’annoncer l’amour de Dieu pour chacun de nous. Toute la vie chrétienne consiste à entrer chaque jour davantage dans l’amitié du Seigneur Jésus. Il s’agit bien de se déclarer pour lui devant les hommes et d’entrer chaque jour davantage dans son intimité par la prière, en recevant son Corps, en nous réajustant régulièrement à son amour par la confession.

La profession de foi du jour du baptême : « Je crois en Dieu le, Père, le Fils et le Saint Esprit » est beaucoup plus importante que la renonciation au mal qui est impossible sans l’assistance de la force divine et l’assurance de l’amour de Dieu. Face à la terreur qui a saisi notre société et l’hystérie des dénonciations qui en a résultée, la seule réponse valable est cette phrase que Jésus a dite à ses apôtres le jour de la Résurrection : « N’ayez pas peur » !

+Michel Aupetit, archevêque de Paris

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