Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 28 juin 2020

– 13e Dimanche Temps Ordinaire – Année A

- 2 R 4,8-11.14-16 ; Ps 88,2-3.16-19 ; Rm 6,3-4.8-11 ; Mt 10,37-42

Quand nous étions petits, nos parents et nos professeurs, pour nous inciter à travailler, nous disaient « Plus tard il faudra que tu gagnes ta vie ». Et aujourd’hui, Jésus nous dit « Celui qui veut gagner sa vie, la perdra ». Il faudrait savoir ! Gagner sa vie, cela voulait dire se prendre en charge. Est-ce que Jésus voudrait nous inciter à l’oisiveté ? Perdre sa vie à la suite de Jésus, c’est accepter de tout abandonner pour lui. Ce n’est pas se laisser aller à une négligence coupable. C’est le suivre dans une absolue confiance, en lui remettant le tout de notre vie, en sachant que ce que nous avons perdu sera retrouvé au centuple même si nous ne pouvons pas encore le voir.

Vous avez peut-être remarqué que Jésus s’adresse aux apôtres. Il ne s’adresse pas à tous. Il ne dit pas cela aux foules ou même à ses disciples. Seulement aux Douze. C’est donc à ceux qu’il a choisis spécialement pour porter son message et la grâce du salut qu’il adresse cette demande. Cela paraît très rude et on comprend que devant une telle radicalité évangélique il y ait si peu de personnes et de jeunes qui se lèvent pour suivre le Christ dans cette radicalité pour marcher à sa suite. Hier j’ai ordonné 7 nouveaux prêtres pour le diocèse de Paris. Comment vais-je leur expliquer cette exigence du Seigneur ?

En plus, Jésus semble nous demander de tenir pour rien ce que nous avons de plus cher : l’amour de nos parents, de nos frères et sœurs, des personnes les plus proches de nous : « Celui qui aime son Père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ». Le Seigneur serait-il jaloux ?

Rappelez-vous aussi cette réponse terrible de Jésus à cet homme qu’il appelle à le suivre et qui demande d’aller d’abord enterrer son père : « Laisse les morts enterrer leurs morts, toi suis moi » (Mt 8,22). La réponse de Jésus nous semble particulièrement douloureuse et sensible après les temps difficiles que nous venons de vivre. Il y a quatre ans j’ai enterré mon père. Je vois combien il était important que je puisse célébrer ses obsèques. Alors comment comprendre cette phrase de Jésus et cette exigence ? Quand j’enterre mon père, je le confie à la terre ou au crématorium où il part en fumée. Mais si je suis dans l’intimité du Christ, je le confie à Dieu avec la certitude que je le reverrai dans la joie céleste. Je crois aussi que grâce au Christ ressuscité je le retrouverai avec un corps glorieux au temps ultime de notre histoire. Sans Jésus, enterrer les morts ou les réduire en cendres est profondément désespérant. Avec Jésus, confier nos morts à Dieu est une espérance inouïe qui nous fait vivre dans l’amour la rupture qu’occasionne la mort.

En réalité, si Jésus nous demande de l’aimer davantage que nos proches, ce n’est pas pour mépriser ces derniers ou pour les considérer comme une quantité négligeable par rapport à l’appel de Dieu. Je suis profondément persuadé, pour l’avoir moi-même expérimenté, qu’en mettant le Christ au cœur de notre vie nous apprenons à aimer davantage.

L’amour pour nos parents, pour nos proches est bien plus fort quand il est enraciné en Christ. Jésus nous apprend à aimer d’un pur amour de gratuité sans rien attendre en retour. Et voilà pourquoi nous sommes absolument disponibles même devant l’ingratitude de nos proches.

Aimer Jésus d’abord, c’est tout simplement apprendre à aimer mieux.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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