Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois, retransmise sur KTO et RND

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 22 novembre 2020

– Fête du Christ-Roi – Année A
 sans présence de fidèles

- Ez 34,11-12.15-17 ; Ps 22,1-6 ; 1 Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46

Quand Jésus reviendra dans la gloire, il nous jugera. Cela ne nous plaît guère, avouons-le. Du coup, nous ne sommes plus trop pressés de le voir revenir. Parce que nous connaissons les jugements que nous portons les uns sur les autres : excessifs, faussés, approximatifs, ignorants car nous ne savons juger qu’à notre aune. Ceux qui nous ressemblent ont droit à notre indulgence, ceux qui sont différents à notre condamnation sans appel. Nous prêtons aux autres des sentiments alors que nous ne connaissons pas le fond de leur cœur, c’est-à-dire l’intention qui les meut, cette part secrète à laquelle Dieu seul a accès : « L’homme regarde l’apparence, Dieu regarde le cœur  » (1 S 16, 7). Dieu est le souverain de nos cœurs, c’est le lieu de son royaume. Heureux le cœur où Dieu règne.

Contrairement à nos jugements péremptoires, au retour du Christ nous serons jugés sur l’amour parce que nous serons jugés par l’Amour. Le Christ nous a révélé ce grand commandement où l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont indissociables (Mt 22, 34-40). La plus sûre manière d’aimer Dieu, c’est de le reconnaitre dans son prochain. Dieu se découvre dans l’amour, un amour concret qui s’exprime dans les services rendus aux uns et aux autres : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait  » (Mt 25,40). C’est au travers de nos relations humaines que nous l’expérimentons. Je me souviens de ce patient qu’il me fallait soigner chaque jour pour lui éviter une amputation de la jambe. Il était désagréable et je venais le soigner à contrecœur. Un jour qu’il geignait plus que d’habitude, j’ai ressenti un profond agacement envers cet homme aux propos systématiquement négatifs. C’est à ce moment-là que j’ai entendu une voix intérieure me dire : « Et si c’était moi que tu soignais ? ». J’ai reconnu ainsi Celui qui m’adressait la parole. J’ai répondu in petto : « Si c’était toi, Seigneur Jésus, je serais aux petits soins ». Et je me suis mis à soigner cet homme comme s’il était Jésus lui-même. Mes gestes compétents jusque-là, sont devenus plein de délicatesse et d’amour. D’ailleurs, cet homme a cessé de se plaindre et sans que j’aie eu à lui dire ce qui s’était passé, il fût désormais toujours aimable avec moi. C’est le mystère d’une présence invisible qui nous pousse à aimer au-delà de nos sentiments humains.

Nos jugements humains se fondent sur la morale qui nous apprend ne pas faire le mal : « Fais pas ci, fais pas ça ». Ils reposent sur la « règle d’or » qui nous permet de mieux vivre ensemble et qui traversent toutes les civilisations : «  Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’ils vous fassent  ». Le Christ, lui, nous apprend à faire le bien. Il ne suffit pas de ne pas faire le mal. Dans l’évangile, il reprend la règle d’or de manière positive : « Faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent » (Mt 7, 12).

Nous savons bien que nous ne sommes pas toujours dans ces dispositions et aucun d’entre nous ne pourrait dire s’il se range lui-même du côté des brebis ou bien des boucs. Il nous est arrivé d’être attentif à notre prochain mais il nous est arrivé aussi de passer à côté en fermant les yeux. Alors ?

Alors oui, je préfère être jugé par Dieu que par les hommes car Dieu est miséricorde. Cela veut dire que le cœur de Dieu se penche sur la misère de l’homme. Et c’est dans la mesure où nous le laissons régner dans notre cœur que la civilisation de l’amour fera revenir le Christ en gloire.

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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