Homélie de Mgr Michel Aupetit - Messe du Baptême du Christ à St Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 10 janvier 2021

– Baptême du Christ – Année B

- Is 55,1-11 ; Is 12,2.4-6 ; 1 Jn 5,1-9 ; Mc 1,7-11

Vous rappelez-vous le livre de la Genèse, au moment de la Création ? Il est dit que Dieu crée en séparant. Cela nous étonne, nous qui avons accueilli la théorie du big-bang qui paraît scientifiquement la plus attestée. A propos, savez-vous que cette théorie a été découverte par un prêtre scientifique, l’abbé Georges Lemaître ? Cela prouve qu’il n’y a pas de contradiction entre la science et la foi. Ce big-bang serait une explosion initiale déployant une énergie considérable qui a fait apparaître la matière, le temps et l’espace. Alors, que Dieu crée en séparant nous paraît un peu étrange. Il est dit dans la Bible que Dieu crée en séparant la lumière et les ténèbres le premier jour et les eaux d’en haut et les eaux d’en bas le deuxième jour. Les eaux d’en haut, en hébreu shamayim, ce sont les cieux. Les eaux d’en bas, c’est la sphère du créé. Cette séparation entre le ciel et la terre, entre le lieu divin inaccessible et le monde créé pourrait paraître cruelle si Dieu restait inaccessible en raison de cette séparation. Mais, en réalité, c’est de cette séparation que peut naître la communion. On le voit dans l’exemple d’une maman qui porte son enfant dans son ventre. Au moment de la naissance, l’enfant est séparé d’elle mais, justement, elle peut le prendre dans ses bras, l’embrasser et entrer dans un vis-à-vis, une communion. Toute les mythologies expriment comment les hommes ont voulu conquérir les cieux, s’emparer du paradis, voler le feu du ciel. De nos premiers parents qui ont voulu se faire « comme Dieu » à Prométhée pour qui cette quête a été fatale, en passant par Gilgamesh, l’humanité s’est heurtée à un échec total. Aujourd’hui encore, l’illusion de dominer le monde et de maîtriser la vie éternelle qui n’appartient qu’à Dieu a été douloureusement contrariée par un petit virus couronné. David a mis à terre Goliath. Covid a terrassé Hippocrate. Sommes-nous condamnés au désespoir ? L’homme de la Bible se heurte à cette impasse : « L’homme ne peut voir Dieu et vivre » (Ex 33, 20). Pourtant, Dieu donne des signes de sa présence et la grande prière qui traverse la Bible se résume dans ce cri du prophète Isaïe : « Ah, si tu déchirais les cieux et si tu descendais » (Is 64, 1).

Nous l’avons entendu, c’est au baptême du Christ que cette prière est exaucée. En remontant de l’eau les cieux se sont déchirés. Ce n’est pas l’homme qui s’empare du Ciel et de la divinité. C’est Dieu qui descend jusqu’à nous. Il l’a fait en son Verbe qui a pris chair de notre chair. En prenant la condition humaine, le Fils de Dieu permet à l’homme cette extraordinaire rencontre du Ciel et de la terre pour que l’humanité entre en communion avec son Créateur. Cette communion, cette alliance magnifique est le reflet de la Trinité. Le Fils se fait l’un de nous, l’Esprit Saint vient en son humanité et le Père témoigne de son amour. Toute communion dans l’amour est l’image de cette communion créatrice du Père, du Fils et du Saint Esprit. Si le Seigneur Jésus est plongé dans les eaux inférieures c’est pour que s’ouvrent les eaux supérieures, non pour lui qui vient du Ciel, mais pour nous, pour que nous puissions y aller. Nous nous rappelons ce que saint Paul a dit quand il écrivait aux Romains : « Au baptême vous avez été plongés dans la mort avec le Christ pour ressusciter avec le Christ » (Rm 6,4). Si le Christ est plongé dans l’eau, c’est pour signifier qu’il assume notre condition mortelle pour que celle-ci puisse revêtir la divinité. Quand il ressort de l’eau après son baptême, il manifeste par avance sa résurrection qui ouvre la voie à notre propre résurrection.

Ainsi le baptême qui nous rend fils de Dieu nous fait passer de la condition de créature à la condition divine : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ » (Gal 3,27). Le baptême signifie que nous recevons la vie éternelle dès ici-bas. Il s’agit bien d’une vie nouvelle qui n’aura pas de fin.

Beaucoup de chrétiens font baptiser leurs enfants car ils comprennent ce cadeau immense de la vie éternelle donnée dès ici-bas. Je me rappelle d’une de mes jeunes patientes qui venait d’accoucher et qui m’a demandé un ondoiement car son bébé était en danger. J’avoue qu’à l’époque je ne savais pas exactement ce dont il s’agissait. C’est un baptême effectué en urgence en versant l’eau avec ces paroles : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ». L’enfant est alors baptisé vraiment et reçoit toutes les grâces divines. Pour elle, le Salut précède la santé. Aujourd’hui, aurions-nous moins la foi ?

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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