Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de rentrée des étudiants d’Île-de-France 2011

Mardi 15 novembre 2011 - Cathédrale Notre-Dame

Cette homélie de la messe de rentrée des étudiants d’Ile-de-France, reprend quelques étapes du chemin de foi de tout chrétien : l’appel personnel du Christ, l’invitation à la conversion, le désir de mieux connaître le Christ, l’unité de vie autour de lui, le témoignage de la joie de cette rencontre.

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 1 S 3, 3b-10.19 ; Ps 39 ; Jn 1, 35-42

Chers amis,

Au cours de votre vie, j’espère qu’il vous est arrivé d’entendre, dans le secret de votre cœur, une voix vous appeler par votre nom. Peut-être était-ce sur une route des Pyrénées ou un chemin de Catalogne, ou en traversant les espaces brûlés de la Castille, ou encore au cours d’une nuit alors que vous essayiez de croire que vous dormiez. Comme le jeune Samuel qui entend le Seigneur l’appeler dans son sommeil, vous avez probablement entendu cet appel à la fois discret et insistant : “Pierre”, “Béatrice”, “Sophie”, “Cyril”, “Timothée”. Vous avez pu croire que vous rêviez et être tenté d’oublier le rêve. Comment peut-on en effet être appelé par quelqu’un qui n’est pas là ? ! Mais une deuxième fois, puis une troisième, la voix revient. Heureux êtes-vous si vous avez pu alors interroger quelqu’un et lui demander : « Que veut dire cette voix qui parle en mon cœur ? Suis-je complètement fou ? Ai-je des hallucinations ? Ou bien est-ce que vraiment quelqu’un m’appelle ? ».

Heureux êtes-vous si vous avez pu trouver un sage vieillard qui ne dormait pas, et qui a pu vous dire que c’était le Seigneur. Ainsi, lorsque cette voix s’est à nouveau fait entendre à votre cœur, vous avez pu répondre comme Samuel : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 10). De quelque façon, toute notre relation avec le Christ repose sur ce dialogue secret entre cette voix qui parle en nous de façon étonnante et à laquelle nous répondons comme nous pouvons. Si nous acceptons de soumettre cette expérience à l’épreuve du dialogue et du discernement, nous comprenons peu à peu que ce n’est pas simplement une voix imaginaire, mais qu’elle est bien réelle.

À cette étape de notre vie avec Dieu, il nous est précieux de trouver autour de nous quelque Jean-Baptiste qui nous invite à prendre un chemin de conversion, même si nous le suivons plus ou moins, tantôt plutôt plus que moins, mais parfois moins que plus ! Dans les premiers pas de notre vie spirituelle, il est bon que nous ayons quelque guide qui nous provoque et nous dit : « Tu peux vivre autrement. Tu peux chercher davantage. Tu peux mettre en œuvre la Parole du Christ ».

Comme l’a fait Elie pour le jeune Samuel en lui disant : « C’est le Seigneur ! », voici qu’un jour ce Jean-Baptiste tend le doigt (comme vous l’avez certainement vu sur beaucoup de représentation) et dit : « voici l’Agneau de Dieu » (Jn 1, 36). Ce qui signifie aussi : « Voici le Serviteur de Dieu ». En désignant Jésus, ce Jean-Baptiste nous dévoile l’origine de cette voix qui parle en nous. Il met en lumière le but de notre recherche et de nos questions, de nos interrogations et de notre espérance, et en même temps il nous donne le moyen de comprendre notre trouble et notre faiblesse.

« Voici l’Agneau de Dieu. » Comme à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, au moment de la communion, je vous présenterai tout à l’heure le Corps et le Sang du Christ en disant « voici l’Agneau de Dieu ». Celui vers qui nous essayons d’aller, et celui que nous essayons de suivre, c’est celui qui se tourne vers nous et qui nous demande : « Que cherchez-vous ? » Telle est bien la question qui nous est posée aujourd’hui : Que cherchons-nous ? Qu’avons-nous cherché jusqu’à présent dans ces rencontres, ces chemins, ces lectures, ces dialogues, ces rêves ou ces nuits où la Parole vivante venait frapper à notre porte ? De quoi avons-nous vraiment envie ? Quel est l’objet de notre désir ?

Nous aspirons certainement à beaucoup de choses, et il va sans doute nous falloir choisir, opérer un tri et éliminer. Notre désir est infini mais nos forces sont limitées. Nous voudrions faire tant de choses mais nous avons souvent l’impression d’en accomplir si peu. « Que cherchez-vous ? » nous demande Jésus. Qu’est-ce qui vous mobilise et vous fait marcher ? Quel est le moteur de votre vie ? Qu’est-ce qui vous fait surmonter les difficultés et vous donne de la joie ?

Vous pouvez alors laisser monter en vous la réponse des disciples : « Rabbi, Maître, où demeures-tu ? » (Jn 1, 38). Ce sont les mots du psaume : « J’ai demandé une chose au Seigneur : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie et m’attacher à son Temple » (Ps 26, 4). Où demeures-tu ? Où es ton lieu ? Où va-t-on rencontrer le Christ ? Le vrai, pas celui des peintures, pas celui des spectacles, le Christ vivant aujourd’hui. « Venez et voyez, leur dit Jésus. Et ils demeurèrent auprès de lui » (Jn 1, 39).

Le Christ vivant aujourd’hui, c’est nous, c’est vous, c’est le peuple immense de tous ceux qui ont commencé à entendre son appel, à y répondre et à se mettre en marche. C’est la foule innombrable des hommes et des femmes qui cherchent à mettre sa Parole en pratique. Le Christ vivant, c’est celui ou celle qui cherche avec obstination à aimer pour surmonter le doute, celui ou celle qui se donne avec fidélité pour échapper à la tentation de fuir, celui ou celle qui travaille avec persévérance non seulement pour réussir le concours, mais pour faire ce qu’il a à faire. C’est notre joie de la rencontre, notre espérance, celui qui est vraiment présent aujourd’hui : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Il est au milieu de nous, celui que nous ne connaissons pas encore parfaitement, mais qui déjà habite notre cœur.

Les disciples ont vu, ils sont demeurés avec Jésus ce jour-là. Les voilà transformés. Ils vont faire du porte à porte, pas très loin de là, dans leur village, auprès de leurs frères et de leurs cousins : « Tu sais, celui dont on dit… nous l’avons trouvé, c’est Jésus de Nazareth » (Jn 1, 45) Petit à petit, les deux disciples qui ont répondu à l’invitation de Jésus vont en associer d’autres. Ils vont devenir des missionnaires. Ils vont parler de Celui qu’ils ont découvert. Comme nous le voyons souvent dans l’Évangile, ceux qui ont rencontré le Christ ne peuvent pas ne pas le dire. Ils ne peuvent pas ne pas partager la joie qui leur a été donnée avec ceux qui les entourent. Ils ne sont pas toujours bien compris, pas toujours écoutés. Mais enfin il faut qu’ils le fassent. C’est comme si leur cœur débordait ! Alors ils y vont. Avec Philippe, puis avec Nathanaël, s’élargit petit à petit le cercle des disciples. Le groupe de ceux que Jésus a appelés se constitue autour de lui. Et nous voici ce soir, nous tous qu’il a appelés pour être autour de lui et pour nous envoyer annoncer au monde la Bonne nouvelle.

Aujourd’hui, comme le jeune Samuel dans son sommeil, Jésus t’appelle. Je ne sais comment il le fait, mais aujourd’hui, il prononce ton nom au secret de ton cœur ton nom ; il te dit : « viens et vois » pour que tu découvres qui il est. Rendons grâce à Dieu qui nous donne de vivre cette expérience, et demandons-lui de nous envoyer la partager avec nos frères.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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