Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Luc avec scrutin de 6 catéchumènes – 4e Dimanche de Carême – Année A

Dimanche 30 mars 2014 - Saint-Luc (Paris XIXe)

A travers l’épisode de la guérison de l’aveugle-né, nous découvrons que le Christ est à la fois source de lumière pour le monde et celui qui ouvre nos yeux pour la recevoir. Cette lumière nous donne de vivre en enfant de lumière pour vivre dans la communion avec Dieu et en témoigner.

 1 S 16, 1.6-7. 10-13a ; Ps 22 ; Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41

Frères et Sœurs,

Jésus se présente comme la Lumière du monde, celui qui éclaire tout homme et toute femme venant en ce monde pour lui montrer le chemin de la vie. Mais il n’est pas seulement la lumière parce qu’il se présente comme une source de lumière, il est aussi la lumière parce qu’il ouvre nos yeux pour que nous puissions voir sa lumière, c’est le sens de la guérison de l’aveugle-né. Il ne voyait rien, il ne pouvait pas voir non seulement Jésus dans son corps mais il ne pouvait pas voir la lumière que le Christ apportait au monde. Et c’est Jésus qui lui ouvre les yeux et qui lui rend la vue pour qu’il devienne quelqu’un qui voit ; et parce qu’il voit, il peut croire : « Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? … Jésus lui dit : tu le vois, c’est lui qui te parle. Et l’homme dit : je crois, Seigneur ! » (Jn 9, 36-38).

Notre question, tout au long de notre vie, c’est de savoir où nous trouvons la lumière, quelle lumière éclaire notre chemin. Dans notre monde, il y a beaucoup de lumière. Toutes les lumières qui s’allument dans le monde et éclairent les villes, éblouissent parfois, mais que font-elles voir ? Que nous permettent-elles de voir ? La lumière du Christ n’est pas une lumière venue dans le monde pour éblouir les hommes, elle est une lumière venue dans le monde pour éclairer leur chemin, pour leur montrer comment vivre, comment avancer vers la vie de Dieu. Et pour chacun et chacune d’entre nous, la parole du Christ, le pain de vie qu’il nous partage, l’appel qu’il nous adresse à devenir ses témoins auprès de ceux qui nous entourent, sont autant de lumières pour éclairer notre chemin. Où voulons-nous aller ? Que voulons-nous faire ? Comment savoir où est la lumière ? Vous avez entendu dans cette discussion avec l’aveugle-né, il y a beaucoup de gens qui savent ! Qui savent tout ! Ils savent beaucoup de choses, ils savent d’où vient l’homme, ils savent où va l’homme, ils savent ce que l’homme va devenir, ils savent tout sauf une chose : comment vivre ? Ils savent tout, mais ils ne savent pas vivre. Et la lumière du Christ qui éclaire l’aveugle-guéri ou ses parents, -c’est paradoxal- cela leur fait dire : « nous ne le savons pas » (Jn 9, 21). On ne sait pas d’où vient cette lumière. On ne sait pas comment cette lumière nous parvient. On ne sait pas les mystères du monde. On ne sait pas les mystères de l’homme. On est confronté, comme tout le monde, à la maladie, à la souffrance, aux difficultés, aux échecs, aux trahisons, on est plongé dans la vie de tout le monde, on vit comme les autres, et pourtant, il y a dans notre vie une richesse, une source de lumière qui nous permet d’affronter ces difficultés, d’affronter les maladies, les souffrances, les trahisons, d’affronter les échecs, de faire face aux difficultés quotidiennes et d’aider ceux qui nous entourent à y faire face. Qu’est-ce qui fait la différence entre quelqu’un qui croie et quelqu’un qui ne croie pas ? Ce n’est pas une science particulière qui permettrait de tout savoir, comme les pharisiens qui savent tout, c’est une lumière qui permet d’affronter et d’assumer la vie, de se tenir debout devant les événements du monde, de ne pas se laisser désespérer par ce qui arrive.

À nous qui avons reçu la lumière du Christ, il nous est donné de vivre en enfant de lumière, c’est-à-dire de nous appuyer sur la lumière que le Christ nous a offerte pour comprendre, chaque jour, comment vivre dans la communion de Dieu. Que nous propose-t-il ? Que nous demande-t-il ? Comment pouvons-nous mettre sa parole en pratique ? Pour cela, il n’y a pas de recette, personne ne peut vous dire voilà ce que tu dois faire, mais il y a une lumière qui vient de l’intérieur, de la présence du Christ dans notre vie. Cette lumière, c’est l’amour que Dieu porte à tous les hommes. C’est l’amour qu’il nous a manifesté en Jésus-Christ, c’est l’amour qu’il nous a confié pour que nous le fassions exister parmi les autres. Quand nous devons choisir, réfléchir, décider quelque chose dans notre vie, nous avons une lumière, une boussole, un indicateur qui nous dit ce que nous devons faire. Cela ne nous donne pas la solution à tous les problèmes, mais cela nous dit que le chemin de la solution, c’est le chemin de l’amour, c’est le chemin du don de soi pour le bonheur des autres, c’est le chemin que Jésus a suivi en allant à Jérusalem, c’est le chemin dans lequel il nous invite à le suivre.

Pour vous, qui vous préparez au baptême depuis des mois, et allez être baptisés bientôt, cette lumière du Christ vous allez la recevoir au moment de votre baptême, comme nous l’avons tous reçue quand nous avons été baptisés. « Nous étions ténèbres » (Ep 5, 8), nous dit saint Paul, c’est-à-dire que l’on vivait sans trop savoir où on était ni où on allait, on était un peu comme un bouchon sur la rivière qui va au gré des courants sans direction précise, sans but, sans chemin particulier. Avec la lumière du Christ nous découvrons que cette vie, qui est la vie de tout le monde, qui paraît parfois insupportable à beaucoup de gens, cette vie prend un sens, elle devient un signe. Le signe, comme le Christ le dit à propos de l’aveugle-né, c’est que Dieu manifeste en lui son action, c’est que Dieu manifeste son action dans notre vie. Il fait de nous une lumière, non seulement pour nous-mêmes, pour nos proches, mais pour tous ceux qui nous entourent. Que la vie serait changée, que la vie serait plus belle, si en voyant vivre les chrétiens que nous sommes, ceux qui sont autour de nous pouvaient se dire : comme je voudrais vivre comme eux ! Comme leur vie me paraît plus belle ! Comme leur lumière éclaire les ténèbres qui nous entourent ! Comme leur présence est une espérance, non seulement pour eux, mais pour tous ceux qui sont avec eux ! C’est cela la vie chrétienne, accueillir la lumière du Christ pour découvrir le chemin que nous avons à parcourir, accueillir la lumière du Christ pour découvrir le sens des événements que nous vivons et porter la lumière du Christ pour que ce qu’il nous montre, ce qu’il nous fait comprendre, devienne une lumière pour les autres et une espérance pour tous.

Que le Seigneur nous donne d’accueillir cette lumière avec joie pour que, comme nous dit saint Paul, la réalité apparaisse grâce à la lumière et que tout ce qui apparaît ainsi devienne lumière (Ep 5, 13-14).

Que le Seigneur nous donne d’être cette lumière pour le monde. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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