Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Dimanche de la Résurrection – Messe du jour de Pâques à ND

Dimanche 20 avril 2014 - Notre-Dame de Paris

Notre foi en la Résurrection repose sur le témoignage des premiers disciples. C’est sur leur témoignage que s’appuie la foi de toutes les générations chrétiennes. A notre tour, nous sommes invités à transmettre ce témoignage comme les papes Jean XXIII et Jean-Paul II l’ont fait durant leur pontificat. Leur canonisation en sera une reconnaissance de l’Église tout entière.

 Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9

Frères et Sœurs,

Depuis ce premier jour de la semaine où les femmes sont venues au tombeau pour ensevelir le Christ selon la coutume, et depuis l’arrivée de ces deux disciples qui viennent vérifier ce que les femmes leur ont raconté, nous savons que la foi en la résurrection repose sur une expérience : celle de la vue du tombeau vide, « Il vit, et il crut » (Jn 20, 8).

Évidemment, personne parmi nous n’aura la possibilité de voir le tombeau vide, le linceul soigneusement plié, la place où a reposé le corps de Jésus ! Tout au plus, si nous avons la grâce de faire un pèlerinage à Jérusalem, nous avons la possibilité de vénérer l’emplacement de ce tombeau, mais cela n’a rien à voir avec l’expérience de Pierre et du disciple que Jésus aimait quand ils ont vu de leurs yeux l’endroit où le Christ avait été déposé et d’où il avait disparu.

Notre foi en la Résurrection repose nécessairement sur le témoignage de ces premiers disciples. Ils sont les témoins de la Résurrection du Christ et c’est sur leur témoignage que s’appuie la foi de toutes les générations chrétiennes. Cette dépendance par rapport au témoignage des premiers disciples introduit évidemment une question : jusqu’à quel point ce témoignage est-il crédible ? Jusqu’à quel point pouvons-nous faire confiance à ces témoins de la résurrection ? Jusqu’à quel point devons-nous croire ce qu’ils nous disent, à défaut de croire ce que nous voyons ? Pour ceux qui sont entrés dans la vie de l’Église et qui essayent de vivre dans cette communion, leur confiance ne s’achève pas à la crédibilité du témoignage, mais elle s’étend à la confiance qu’ils font à l’Église. Nous croyons la Parole que nous entendons parce qu’elle nous est garantie par l’Église. Mais tous ne participent pas de cette confiance à l’Église, et même certains mettent en doute son honnêteté dans la transmission du message. Qu’est-ce qui va garantir l’authenticité de ce témoignage, sinon les signes qui vont accompagner ce témoignage ? Et le premier signe qui va accompagner ce témoignage, comme nous l’entendrons dans la lecture des Actes des apôtres tout au long de ces dimanches du temps pascal, c’est la manière dont les apôtres vont reproduire dans des circonstances nouvelles les mêmes miracles que Jésus a accomplis pendant sa vie. Ils vont guérir, ils vont remettre debout des paralytiques, ils vont rendre la vue à des aveugles, mais plus encore, ils vont affronter la captivité et la mort par fidélité à Jésus. Ce témoignage d’une vie nouvelle, comme le dit l’apôtre Paul dans l’épître aux Colossiens, c’est une vie tournée vers les réalités d’en-haut et non pas vers les réalités de la terre. Ce témoignage appuie la force de la parole qui nous est adressée.

Si bien que, n’ayant pas pu voir le tombeau vide, et n’ayant aucune chance de le voir jusqu’au terme de notre vie terrestre, nous croyons. Mais nous ne croyons pas seulement sans voir, car si nous ne voyons pas le tombeau vide, nous avons autre chose à voir qui s’offre à notre jugement, c’est la vie nouvelle que mènent les disciples du Christ. Si la parole de l’Église doit être crue, ce n’est pas simplement par une confiance a priori que l’on ferait à cette parole, mais c’est parce que cette parole est cautionnée par les fruits qu’elle porte à travers la vie des chrétiens.

Nous ne voyons pas le tombeau vide, mais nous voyons les fruits de la Résurrection à travers l’existence des chrétiens à travers les âges et à travers l’espace. Nous savons que cette parole a soulevé des hommes et des femmes ordinaires, comme nous, et les a entraînés jusqu’au don total de leur vie par amour de Dieu et par amour de leurs frères. Nous ne voyons pas le tombeau vide mais nous voyons la vie nouvelle se développer à travers le tissu de l’Église. Cette vie nouvelle transforme les faiblesses de notre condition humaine, corrige les penchants à l’égoïsme et à l’indifférence et mobilise l’amour pour nos frères de telle façon que de tout temps, les hommes et les femmes de bonne volonté ont quelque chose à voir : sinon le tombeau vide du moins la vie nouvelle à l’œuvre à travers l’humanité.

Dimanche prochain, le Pape François canonisera deux de ses prédécesseurs : le Bienheureux Jean XXIII et le Bienheureux Jean-Paul II. Nous savons, au moins les plus anciens d’entre nous, comment ces deux hommes, très différents par l’expérience et la personnalité, ont manifesté à travers leur existence la puissance de la vie du Ressuscité. Nous savons comment Jean XXIII, presque octogénaire, a eu l’intuition et le courage d’ouvrir l’Église au Concile Vatican II et la mobiliser pour mettre en œuvre tous ses moyens pour l’annonce de l’évangile. Alors qu’à vue humaine, il aurait pu attendre sereinement la fin de son existence, il s’est lancé dans cette aventure qu’il n’accompagnera que pendant quelques années mais qui aura un immense effet sur la vie de l’Église. Nous savons comment le Pape Jean-Paul II a parcouru le monde pour rassembler les chrétiens et leur redonner le courage de la foi, nous savons comment par sa puissance de résistance et de mobilisation, il a contribué à l’écroulement du mur qui séparait l’Est et l’Ouest, ainsi que l’effondrement du système dictatorial soviétique. Ces deux grandes figures sont comme une illustration de la puissance du Ressuscité à l’œuvre dans l’histoire humaine. En même temps, ils nous font comprendre que la mission de l’Église est de perpétuer continuellement ce témoignage de la vie nouvelle à travers l’existence des chrétiens. Nous croyons parce que nous avons reçu le témoignage des apôtres, nous croyons parce que nous voyons la vie nouvelle transformer l’existence des hommes, mais à notre tour, nous sommes appelés et invités à transmettre le témoignage apostolique par notre parole et à manifester sa puissance par la transformation de notre vie.

En ce jour de la Résurrection, frères et sœurs, appelons la puissance de l’Esprit pour qu’à notre tour, nous entrions dans ce vaste mouvement du témoignage de la foi ! Qu’en nous voyant vivre, les hommes et les femmes qui nous entourent puissent comprendre ce qu’ils n’ont pas encore compris ou ce qu’ils n’ont pas encore vu ! Que la puissance de Dieu déborde toutes les faiblesses humaines !

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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