Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Fête de la dédicace de la cathédrale

Notre-Dame de Paris – Lundi 16 juin 2014

Le symbolisme que portent nos églises et nos cathédrales renvoie aux fondements apostoliques de l’Église dont le Christ est le centre, la pierre angulaire. Les bâtiments de pierre sont signes de la réalité spirituelle qu’est la communauté chrétienne rassemblée autour du Christ Pasteur. La cathédrale tient dans le diocèse une place éminente.

 Année A
 Jn 21, 9b-14 ; 1 P 2, 4-9 ; Jn 10, 22-30

Frères et Sœurs,

Dans l’architecture d’une église, les piliers, et singulièrement dans une église gothique comme celle que nous avons la chance d’habiter et dans laquelle nous avons la grâce de célébrer, sont les éléments fondamentaux sur lesquels repose tout l’équilibre de l’architecture supérieure du bâtiment, ils sont donc les éléments indispensables et structurants de l’ensemble. Les douze piliers qui sont marqués d’une croix ont été oints par le saint-chrême au moment de la dédicace de cette cathédrale, ils sont illuminés aujourd’hui par la lumière d’un cierge, comme vous pouvez le voir au long de la nef et dans le chœur. D’après le Livre de l’Apocalypse, ils évoquent les douze apôtres : la « muraille de la cité reposait sur douze fondations portant les noms des douze apôtres de l’Agneau ». Ainsi, nous sommes invités à comprendre le symbole de la mission apostolique qui est l’élément porteur de toute la construction ecclésiale. Mais nous découvrons aussi que ces prodiges architecturaux sont un symbole d’un prodige beaucoup plus grand encore : la construction spirituelle du temple de Dieu, du lieu de la présence de Dieu parmi les hommes qui n’est plus un temple de pierre mais qui est un temple constitué par tous ceux qui sont associés au sacerdoce du peuple saint pour célébrer la grandeur de Dieu.

Ainsi, de même que autour des piliers se dressent les différents éléments de l’architecture et que les pierres prennent leur place pour constituer cet équilibre puissant, les chrétiens, pierres vivantes de l’Église, s’organisent autour du ministère apostolique pour manifester la présence de Dieu au milieu de l’histoire humaine et au milieu de son peuple. En ce qui nous concerne, au milieu de cette ville de Paris, l’innombrable foule qui l’habite, la traverse, ou la visite, peut ne voir dans le symbole architectural qu’un signe artistique, si notre communauté chrétienne, le peuple de Dieu qui est la réalité de la présence de Dieu en ce monde, ne donne pas une visibilité humaine à la représentation et aux symboles artistiques, si elle n’incarne pas cette vitalité architecturale dans sa propre vitalité comme communauté. Aussi, célébrer la dédicace de la cathédrale, c’est, d’une certaine façon, célébrer la consécration du peuple saint comme nous le dit l’apôtre Pierre : « Vous, vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu, vous êtes donc chargé d’annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9). En nous appelant des ténèbres à son admirable lumière, il nous fait entrer dans la construction de cet édifice spirituel qui est le temple de Dieu au milieu des hommes, qui n’est plus le temple de Jérusalem dont Jésus a commémoré la dédicace, mais qui est le temple du peuple saint, du peuple sacerdotal, appelé à manifester les merveilles de Dieu au milieu des hommes.

Ce peuple saint est désigné par Jésus dans sa réponse aux juifs qui l’interrogeaient, comme les brebis de son troupeau, « les brebis écoutent ma voix, je les connais, elles me suivent » (Jn 10, 27). Ce peuple saint est rassemblé dans et autour du Christ qui est la pierre angulaire de la construction ecclésiale, pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs devenue la pierre d’angle, c’est-à-dire la pierre sur laquelle repose l’ensemble du dispositif. Nous sommes rassemblés dans la foi au Christ comme centre de la vie de l’Église, comme source de la vie de l’Église, comme celui qui nous reçoit lui-même du Père pour constituer ce peuple saint, « Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. » (Jn 10, 29). C’est donc cette vision spirituelle du don que Dieu a fait à son Fils, en appelant des disciples à le suivre, en rassemblant un peuple nouveau autour de lui, et en construisant dans la société humaine comme signe sacramentel de sa présence qui est illustrée et symbolisée par les bâtiments dans lesquels ce peuple saint se réunit. L’affectation propre de bâtiments exclusifs pour la liturgie est un développement relativement tardif des premières communautés chrétiennes. A l’origine, celles-ci se réunissaient tout simplement dans des locaux qui existaient déjà et qu’ils s’appropriaient plus ou moins. Ensuite, ils ont conçu des églises sur le plan des basiliques profanes de façon à avoir l’espace nécessaire pour rassembler le monde. Mais peu à peu, la charge spirituelle et affective qui s’est investie dans ces bâtiments leur a donné une signification particulière pour représenter le peuple de Dieu au milieu de la cité. Ainsi, le lien qui nous unit à une église en général et à la cathédrale en particulier n’est pas seulement un lien de commodité mais c’est un lien de communion profonde et d’attachement pour tout ce que ce lieu représente dans la vie de l’Église, pour les grands événements de la vie du diocèse que nous célébrons ici, les grandes fêtes de la liturgie évidemment, comme aussi les ordinations des prêtres, mais aussi des rassemblements diocésains qui associent des représentations de toutes les paroisses et encore des célébrations à vocations plus larges, qui sont autant de manières d’associer l’Église à des événements importants de la vie de notre pays, puisque nous accueillons volontiers les désirs de célébrer dans la foi des événements de cette importance.

Aussi, nous sommes heureux de rendre grâce à Dieu qui nous a appelés, non seulement à conserver et à veiller sur cette magnifique cathédrale, mais surtout à la faire vivre par notre présence et par l’investissement de notre foi.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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