Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe de Rentrée de la Maison St Augustin MSA – 26e Dimanche du temps ordinaire – Année A

Dimanche 28 septembre 2014 - Maison St Augustin (Paris XIIe)

Vivre avec le Christ et marcher à sa suite comporte nécessairement la dimension de conversion et de repentir : laisser derrière soi un chemin précédent pour avancer sur un chemin nouveau en passant des paroles aux actes.

 Ez 18, 25-28 ; Ps 24, 4-9. Ph 2, 1-11 ; Mt 21, 28-32

Dimanche après dimanche, l’évangile de saint Matthieu nous conduit à suivre le Christ dans son chemin vers Jérusalem, et à mesure que Jésus parcourt ce chemin avec les disciples qui le suivent, l’évangile fait ressortir des moments plus décisifs ou des attitudes plus significatives. Les deux dimanches précédents, nous avons été invités par le Christ à réfléchir sur la place des premiers et des derniers, et aujourd’hui, à travers cette parabole des deux fils, le Christ nous confronte à une dimension incontournable pour celles et ceux qui veulent vivre avec lui et se mettre à sa suite : la dimension de la conversion et du repentir. Conversion parce qu’il s’agit de prendre un chemin nouveau qui nous invite à laisser derrière nous le chemin précédent. Même si le chemin nouveau prolonge l’histoire précédente, il n’est pas simplement la répétition de ce que nous avons déjà vécu, de ce que nous avons déjà vu ou de ce que nous avons déjà fait. L’appel que Dieu nous adresse n’est pas un appel destiné à consacrer ce qui existe déjà, ce n’est pas la sanctification de notre passé, c’est un appel à un avenir, c’est un appel à le suivre vers un événement qui est devant lui et qui est devant nous, et qui va marquer l’avènement du règne de Dieu parmi les hommes !

Et donc, ce premier mouvement de conversion suppose que nous soyons disponibles, pas simplement pour exprimer de bons sentiments comme le second fils qui dit « oui Seigneur » mais qui ne fait pas. Nous savons que dans l’évangile de saint Matthieu le passage de la parole à l’acte est déterminant dans la construction du chemin du disciple. Ce ne sont pas ceux qui disent « Seigneur, Seigneur qui entreront dans le royaume, mais ceux qui font la volonté de Mon Père » (Mt 7, 21). Cela ne veut pas dire que les bons sentiments sont inutiles ou qu’ils sont condamnés par le Christ, mais cela signifie qu’ils ne peuvent remplacer des actes. L’amour universel s’accomplit d’abord dans l’amour du prochain qui est à côté de nous. Le désir universel de la paix s’accomplit d’abord dans notre capacité à pardonner ceux qui nous entourent. Il faut toujours nous méfier des grands envols de sentiments qui nous épargnent d’affronter des décisions plus modestes, elles-mêmes étant le tissu de notre vie quotidienne.

Et donc cette suite du Christ, c’est se convertir, passer de la parole aux actes. Se convertir, c’est aussi se repentir parce que l’accueil de la Parole de Dieu dans notre vie nous fait découvrir ce qu’il peut y avoir de contraire à la volonté de Dieu. La Parole de Dieu nous fait découvrir comment le don que le Christ nous fait n’est pas la récompense d’une vie déjà sanctifiée, mais un appel à vivre une vie plus simple. Les publicains et les prostituées n’avaient pas besoin qu’on leur explique ce que c’était qu’être pécheurs parce qu’ils le savaient tous à partir du rejet, de l’exclusion dont ils étaient frappés dans le peuple d’Israël. On ne fréquentait pas les publicains et les pécheurs ! On ne fréquentait pas les publicains et les prostituées ! Alors ils n’avaient pas besoin de grands examens de conscience pour savoir qu’ils étaient dans une position difficile. Mais cette prise de conscience a été pour eux l’occasion d’un changement de vie, d’un retournement, comme nous le voyons dans la personne de Zachée, que nous connaissons particulièrement dans l’évangile : un publicain qui va rendre ce qu’il a volé. La Parole de Dieu que nous accueillons nous appelle au repentir, elle nous appelle à prendre conscience de ce qui est mauvais dans notre vie, de ce qui ne correspond pas à l’appel du Christ et à le corriger. Sans cela, nous sommes comme ces prêtres et ces scribes, auxquels Jésus s’adresse. Ils ont bien reçu la parole, ils ont même vu la puissance et l’efficacité de cette parole à l’œuvre dans le cœur des hommes, ils ont vu comment cette parole peut changer quelque chose, mais ils ne se sont pas repentis pour croire à cette parole.

Quand Jésus invite Pierre à faire avancer la barque et à jeter les filets après une nuit passée sans rien prendre, Pierre lui dit : « sur ta parole je jetterai les filets » (Lc 5, 5). Quant à nous qui vivons au XXIe siècle, alors que nous bénéficions plus que jamais de la facilité d’accès à la parole de Dieu, que l’on peut l’entendre dans notre langue, qu’on peut la lire, la méditer, l’intérioriser, en parler, la partager, toutes choses qui sont relativement nouvelles dans l’expérience de l’Église, qu’en faisons-nous ? Cela nous transforme-t-il en débatteurs pour conduire des controverses sur l’interprétation de la parole ou cela fait-il de nous des pécheurs éclairés et appelés à la conversion ?

Suivre le Christ, c’est voir qu’il y a dans notre vie des scories, des restes du péché. Suivre le Christ, c’est identifier ces scories, les mettre sous son regard et changer notre manière de vivre. Que le Christ nous donne la force d’accueillir cet appel et d’y répondre.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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