Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe des jeunes confirmés à Notre-Dame de Paris – Christ, Roi de l’univers – Année A

Dimanche 23 novembre 2014 - Notre-Dame de Paris

Le Christ est pasteur et berger qui prend soin de son troupeau. Il nous fait comprendre que tout homme, même incroyant, porte une lumière dans son cœur pour l’aider à découvrir ce qui est bien et ce qui est mal. La confirmation aide notre conscience à discerner ce que nous devons faire. Chaque jour, dans les activités toutes simples, l’Esprit Saint veut faire de nous des témoins de la foi.

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 Ez 34,11-12.15-17 ; Ps 22,1-6 ; 1 Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46

Chers Amis,

Aujourd’hui l’Église célèbre la fête du Christ Roi de l’univers. Quand nous entendons ce mot de roi, nous avons tendance à le comprendre à la manière dont nous apprenons dans les cours d’histoire qu’il y a eu jadis des rois. Nous voyons dans certains pays encore aujourd’hui, qu’il y a des rois ou des reines. Alors nous comprenons qu’un roi ou une reine est un chef d’État qui exerce un certain nombre de pouvoirs. Mais ce n’est pas comme cela que le Christ veut présenter la royauté de Dieu. Ce n’est pas comme cela qu’il est lui-même Roi de l’univers. Comme nous l’avons entendu dans le livre d’Ézékiel, le roi que Dieu veut envoyer, c’est un pasteur, c’est-à-dire un berger qui prend soin du troupeau, qui va chercher les brebis blessées pour les soigner, les brebis égarées pour les ramener, redonner des forces à celle qui est faible, bref, c’est un pasteur et un berger qui prend soin de son peuple. Cette image du berger qui prend soin de son peuple est celle que Dieu veut nous faire comprendre pour essayer d’imaginer un peu sa relation avec les hommes. Dieu ne se situe pas avec les hommes comme un maître tout puissant qui exercerait un pouvoir arbitraire sur eux. Il est avec les hommes comme un pasteur qui s’efforce de rassembler son peuple, de fortifier ceux qui sont faibles, de corriger ceux qui font mal et de les mettre dans le droit chemin.

Le pasteur, comme nous le dit la parabole de l’évangile, trie les animaux : les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. Comment devient-on une brebis plutôt qu’une chèvre ? C’est la question que devaient se poser ceux qui entendaient Jésus parler des brebis qui seraient à sa droite et des chèvres qui seraient à sa gauche. Qu’est-ce qui permet de faire le partage ? Jésus nous l’explique : « j’avais faim, vous m’avez donné à manger, j’avais soif, vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger, vous m’avez accueilli, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi » (Mt 25,35-36). Il n’est pas question de Dieu dans tout cela. Pourquoi n’est-il pas question de Dieu ? Parce que ce jugement ne s’adresse pas simplement aux fidèles qui ont reçu les Dix commandements et la Parole de Dieu pour éclairer leur chemin et pour conduire leur vie. Ce jugement s’adresse à tous les hommes, qu’ils soient chrétiens ou non, qu’ils soient croyants ou non. Il s’adresse à une qualité tout à fait extraordinaire que possède tout homme, la capacité de savoir ce qui est bien et ce qui est mal. Évidemment, cette capacité peut se troubler, s’obscurcir. Elle peut se développer. Mais tout le monde sait qu’il y a des actions bonnes et des actions mauvaises. Tout le monde a la capacité de faire la différence entre le bien et le mal. Dans la Bible, il y a une image pour nous l’expliquer. On sait que l’on peut faire la différence entre le bien et le mal quand on fait la différence entre une pierre et du pain. Un enfant tout petit ne fait pas forcément la différence entre une pierre et du pain, il est capable de mordre dans une pierre. Mais arrive un moment où il sait que la pierre ne se mange pas et que le pain se mange. Il fait la différence entre ce qui est bon pour lui et ce qui n’est pas bon pour lui. Eh bien cette capacité qui nous habite, que nous l’appelons la conscience. Nous sommes capables de juger ce qui est bon. On peut se tromper, on peut faire semblant de se tromper, on peut ne pas faire ce que l’on sait qui serait bien, et faire ce que l’on sait qui est mal, tout cela c’est possible, mais cela ne fait pas disparaître cette lumière qui est au cœur de l’homme et qui est le signe de la liberté que Dieu lui a donnée.

En recevant la plénitude des dons de l’Esprit Saint par votre confirmation, vous avez reçu une lumière intérieure qui vous permet de mieux faire fonctionner votre conscience morale. Vous êtes mieux capables de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, vous êtes plus forts aussi pour désirer ce qui est bien et rejeter ce qui est mal, et vous êtes encore plus forts pour faire ce qui est bien et ne pas faire ce qui est mal. Autrement dit, vous êtes davantage responsables, vous êtes plus capables de répondre de vos actions. C’est la qualité principale d’un homme et d’une femme d’être capable de répondre de ce qu’il fait. Nous voyons dans la parabole, ces gens qui ont donné à manger, qui ont visité les malades, qui ont habillé ceux qui étaient nus, etc. et qui disent : « mais quand avons-nous fait cela ? » Ils savent bien qu’ils ont rendu service aux autres, mais ils n’avaient pas conscience qu’ils servaient Dieu en même temps. Ils avaient compris un chemin de bonté, ils avaient compris la bonté en action, et en cela, même s’ils n’étaient pas très éclairés sur la foi, ils faisaient quelque chose de bon aux yeux de Dieu, tellement bon que ce qu’ils faisaient au plus petit des hommes, c’est à Dieu qu’ils le faisaient.

Quelquefois, quand vous préparez votre confirmation, vous posez la question : qu’est-ce qu’être chrétien ? Comment peut-on être chrétien en ce monde ? Il peut y avoir beaucoup de réponses ! Mais il y a une réponse principale : être disciple de Jésus, c’est mettre en pratique le premier commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force et de tout ton esprit, et le second, qui lui est semblable, tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ce n’est pas très compliqué, les mots ne sont pas difficiles. Ce qui est compliqué, ce n’est pas la manière de dire, mais c’est la manière de faire, c’est-à-dire : aimer son prochain comme soi-même. Alors, si vous regardez ce qui se passe dans votre vie, jour après jour, vous voyez bien qu’il y a des moments où vous pourriez faire quelque chose pour les autres, autour de vous, pour des camarades, pour des membres de votre famille, pour des amis. Vous savez bien qu’il y a des gestes et des actes qui pourraient leur faire du bien, et vous n’avez pas toujours le courage de les faire. Et puis vous savez qu’il y a des gestes, des paroles et des actes qui leur font du mal, pas forcément un mal physique, mais quelquefois un mal intérieur. On peut blesser quelqu’un par une parole, par un regard, par une moquerie, par un refus, et pourtant cela nous arrive. Alors être chrétien, c’est se mettre sous la lumière du Christ pour reconnaître, découvrir comment nous servons Dieu dans nos relations avec les autres, comment nous servons Dieu dans nos relations avec les autres. Et puis, aimer Dieu de tout son cœur et de toute sa force c’est, chaque jour, nous remettre devant le Christ qui a donné sa vie pour tous les hommes. Et donc pour moi, simplement, c’est être capable de reconnaître qu’il m’a aimé, qu’il m’aime, et qu’il veut m’aimer. C’est le remercier, reprendre l’une ou l’autre parole que vous connaissez par cœur, dire une prière dans la foi comme celle-là : je crois que le Christ a donné sa vie pour tous les hommes et qu’il veut les rassembler tous. Ainsi, nous avons reçu, tous, cette richesse de savoir que le Christ nous a aimés et qu’il nous appelle à le rejoindre. Cette richesse, nous l’avons reçue non pas pour la garder pour nous, mais pour la partager, pour aider les autres à comprendre qu’il y a une source d’eau vive pour ceux qui ont soif, qu’il y a du pain vivant pour ceux qui ont faim, qu’il y a de l’espérance pour ceux qui doutent, qu’il y a quelqu’un qui aime chaque créature de ce monde jusqu’à donner sa vie pour elle. Cela s’appelle devenir témoin de la foi. L’Esprit Saint que vous avez reçu a fait de vous des témoins de la foi.

Alors chers amis, après ces quelques mois depuis votre confirmation, vous êtes invités à approfondir le don que vous avez reçu, à nourrir votre espérance, à fortifier votre désir d’aimer les autres, à ouvrir votre cœur à la parole de Dieu et à devenir de vrais témoins de la foi.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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