Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à ND des Blancs-Manteaux - 1er Dimanche de l’Avent - Année B

Dimanche 30 novembre 2014 - Notre-Dame des Blancs-Manteaux (Paris IVe)

Le temps de l’Avent nous fait entrer dans un chemin où l’on appelle la manifestation du Seigneur. La venue du Christ ne se limite pas à sa nativité, elle arrive sans cesse dans notre vie, d’où la nécessité de veiller. Dépositaires de cette conviction, nous sommes invités à la partager dans une dynamique missionnaire.

 Is 63, 16b-17.19b ; 64,2b-7 ; Ps 79,2.3.15-16.18-19 ; 1 Co 1,3-9 ; Mc 13,33-37

Frères et Sœurs,

Nous avons entendu dans la lecture du prophète Isaïe le peuple d’Israël appeler la venue d’un signe de Dieu : « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face » (Is 63,19). Derrière cette prière et cet appel, il y a le sentiment bien exprimé par Isaïe, que les erreurs, les péchés du peuple d’Israël viennent de ce que Dieu a caché son visage : « Pourquoi nous laisses-tu errer ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir ? » (Is 63,17), comme si c’était l’absence de Dieu qui était la cause des erreurs du peuple. Or, justement, il se souvient que l’amour de Dieu manifesté à l’égard de son peuple, le visage du Père, celui qui est notre Père, « maintenant Seigneur, c’est toi notre père » (Is 63,16), ce visage de Dieu, de sa présence et de sa miséricorde est la condition pour un nouvel élan, un nouveau départ dans la mise en œuvre de l’alliance reçue par Moïse.

Quand nous célébrons le temps de l’Avent, nous entrons dans ce chemin où l’on appelle la manifestation du Seigneur pour renouveler notre détermination à suivre le chemin de la vie. Encore faut-il ne pas manquer le moment où il se manifeste ! C’est pourquoi Jésus, parlant de sa venue, exhorte ses disciples à la veille, à la vigilance : « restez éveillés car vous ne savez pas quand ce sera le moment » (Mc 13,33). Évidemment, nous avons fixé la date de la manifestation de Jésus le 25 décembre, mais l’évangile veut nous faire comprendre que l’irruption de la visite de Dieu dans notre vie ne se laisse pas mesurer par le calendrier. Elle n’est pas fixée à un moment que nous pourrions attendre tranquillement en nous disant : j’ai encore le temps que cela vienne… La venue du Seigneur, c’est une irruption imprévisible. On ne sait pas « quand vient le maître de la maison » (Mc 13,35). Il peut arriver à l’improviste. Il arrive à l’improviste dans la vie de quantité de nos contemporains ou de nous-mêmes, par des événements parfois exceptionnels. Je pensais en méditant ce passage de l’évangile de saint Marc, aux personnes qui ont été fauchées ces jours-ci dans notre pays, par les inondations ; ils n’avaient pas prévu que la visite du Seigneur serait ce jour-là, ils vivaient tranquillement, et d’un seul coup la mort a fait irruption. Mais en dehors de ces événements dramatiques et exceptionnels, la venue du Seigneur dans notre vie, c’est aussi simplement, une rencontre, une parole, un mouvement intérieur, un appel, bref des signes qui manifestent que Dieu ne reste pas étranger à notre existence mais qu’il y est fortement présent et qu’il nous appelle à l’accueillir dans la manière selon laquelle il se manifeste.

Cette présence de Dieu à l’histoire des hommes n’est pas simplement une sorte d’espérance utopique et lointaine, c’est la réalité en laquelle nous croyons par la venue du Christ. C’est la réalité du don que Dieu a fait aux hommes, par la grâce qu’il nous a donnée dans le Christ Jésus, comme dit Paul aux Corinthiens, « en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu » (1 Co 1,5). Il veut dire par là que nous ne sommes pas des êtres errants et démunis avançant à l’aveuglette, à travers leur existence. Nous avons connu la manifestation de Dieu dans le Christ : « aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1,7). Aucun don de grâce ne vous manque pour attendre dans la foi, la persévérance et l’espérance ! Que le Dieu fidèle qui nous fera tenir fermement jusqu’au bout nous permette de reconnaître le jour de notre Seigneur Jésus-Christ ! Cette richesse nous le savons, Dieu la répand sans compter dans la surabondance de son amour, mais nous savons aussi que nos libertés humaines et nos cœurs accueillent ce don très inégalement en fonction de notre manière de vivre, de nos difficultés personnelles, de nos refus face à l’appel de l’amour.

Aussi, cette richesse répandue par Dieu sur l’humanité est inégalement connue, reçue et acceptée. La mission à laquelle j’ai appelé le diocèse pour ce temps de l’Avent 2014, c’est précisément de nous fortifier dans la conviction que cette richesse nous a été confiée, qu’aucun don de la grâce ne nous manque et que nous pouvons attendre dans la paix et la joie la venue du Christ. Cette richesse dont nous sommes comblés, cette présence de Dieu à notre vie, par sa parole, par la connaissance qu’il nous donne de lui, nous sommes aussi appelés à les partager avec ceux qui nous entourent. Nous ne sommes pas possesseurs exclusifs des dons de Dieu ! Nous sommes, comme le dit l’évangile à plusieurs reprises et encore ici dans l’évangile de Marc, comme des serviteurs à qui Dieu a confié sa maison, à qui il a fixé leur travail et à qui il demande de veiller. Ce service consiste précisément à annoncer le Christ, par notre vie, par notre manière d’être, par notre manière d’aller à la rencontre des autres, par notre manière d’entrer en relation avec eux, par la référence explicite que nous faisons à sa personne. Ce travail consiste à devenir témoin de la venue du Christ dans la vie des hommes. Aujourd’hui en cette année 2014, un Sauveur nous est né. Cette annonce qui a marqué la nuit de Bethléem et qui est le signe de l’incarnation du Fils de Dieu dans la chair humaine, nous en sommes dépositaires comme les bergers en ont été faits dépositaires et comme ils ont été invités à aller reconnaître celui qui était né dans la nuit.

Cette mission, je l’ai engagée samedi dernier à la cathédrale Notre-Dame en confiant à ceux qui y participaient le bâton du pèlerin et la lampe pour transmettre la lumière. Elle est confiée à chacune des paroisses de Paris comme elle vous est confiée à vous aussi. Et je souhaite que vous trouviez une grande joie à devenir de meilleurs témoins de la présence du Christ.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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