Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe d’obsèques de Mgr Claude FRIKART, évêque auxiliaire émérite de Paris en la cathédrale Notre-Dame

Mardi 23 février 2014 - Notre-Dame de Paris

L’envoi en mission des disciples dans l’évangile de Luc illustre la vie et l’épiscopat de Mgr Frikart. Il a mis sa confiance en Dieu. Il a été pasteur des brebis dans un ministère de charité, d’attention et de vigilance. Il a annoncé la bonne nouvelle : une parole d’espérance à travers des gestes concrets de compassion et de solidarité.

 Is 40, 9-11 ; Ps 39 ; Lc 10,1-9

Frères et Sœurs,

Tout à l’heure, le Père Laurent TOURNIER a retracé sommairement les grandes étapes de la vie et du ministère de Claude FRIKART. Votre présence aujourd’hui, la présence des nombreux évêques, prêtres, diacres et séminaristes qui m’entourent pour concélébrer dans cette eucharistie montrent, non seulement les étapes de son ministère, mais aussi la qualité de sa présence, l’estime dans laquelle il était tenu, l’affection qu’on avait pour lui, l’amitié qu’il savait susciter. Cette estime, cette affection et cette amitié n’étaient pas simplement le fruit de bonnes relations, comme il peut en exister entre des gens de bonne compagnie, c’était le fruit de la mission qu’il avait reçue : être envoyé en avant du Christ pour préparer ses chemins, comme les 72 dont nous parle l’évangile de Luc. C’était la manière dont il assumait sa mission pastorale, et d’une certaine façon, ce que nous avons connu de lui, de sa vie, de son ministère, illustre d’une façon particulière les lectures que nous venons d’entendre et qui définissent les contours de la tâche du pasteur.

La première remarque que l’on pourrait faire s’enracine dans le prophète Isaïe et s’illustre dans l’évangile de saint Luc : en qui mettons-nous notre confiance ? « Ne crains pas » (Is 40,9), dit le prophète, » ne crains pas, va annoncer à mon peuple que le salut est proche. Mais si nous n’avons rien à craindre dans la mission que nous avons reçue, ce n’est pas en raison des moyens que nous pourrions mettre en œuvre. Jésus invite précisément ses disciples à les traiter avec distance et renoncement : « ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales » (Lc 10,4). Ce ne sont pas dans les moyens humains que se réalisent les grandes œuvres de la mission, c’est dans l’envoi du maître qui choisit les ouvriers pour sa moisson, c’est dans la présence du Christ à la mission de ses disciples que gît la force par laquelle ils peuvent annoncer l’Évangile. Si le pasteur mène son action et sa mission avec calme et sérénité, s’il est un porteur et un annonceur de paix, ce n’est pas par ses propres qualités, c’est parce qu’il sait qui l’envoie et que sa parole n’est pas seulement sa propre parole mais elle est l’expression du message que Dieu veut adresser aux hommes : « Ne crains pas, va, annonce à Jérusalem que son salut est proche ».

La deuxième remarque que nous pouvons faire dans cette silhouette, dans ce profil du pasteur, c’est qu’il est celui qui prend soin du troupeau. Comme le prophète Isaïe nous le disait à l’instant : « Comme un berger il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent » (Is 40,11). Cette sollicitude du berger pour son troupeau, c’est l’image sur laquelle le Christ veut appuyer la mission qu’il confie à ses disciples, et nous savons comment dans l’évangile de saint Jean en particulier, au chapitre 10, cette image est suivie et développée par Jésus pour exprimer le lien particulier qui unit le pasteur à son peuple.

Nous avons entendu tout à l’heure comment Claude FRIKART a exercé son ministère parmi des peuples différents, que ce soit dans la première phase de son ministère en France ou pendant son ministère en Afrique, ou ensuite dans le diocèse de Paris. Il a été envoyé à des peuples différents, dans des cultures différentes, mais la mission du pasteur ne consiste pas à transformer le peuple à son image, mais de le prendre tel qu’il est et de le conduire avec affection vers les pâturages nourrissants. C’est ce ministère pastoral que Claude FRIKART a exercé. Nous l’avons vu le mettre en œuvre à travers les différentes étapes de sa vie : un ministère empreint de charité, d’attention et de vigilance.

Enfin, le pasteur est envoyé pour annoncer une bonne nouvelle : il est envoyé en avant du Christ, « en toute ville ou localité où lui-même allait se rendre » (Lc 10,1). Dans ces villes et ces localités, ils sont accueillis, invités à guérir les malades qui s’y trouvent et à leur dire : le règne de Dieu s’est approché de vous. Cette annonce de la bonne nouvelle de la proximité du règne de Dieu, de la venue du règne de Dieu - qui est concrétisée évidemment par la visite que Jésus va faire à ces localités et pour lesquels ils ont été envoyés comme des précurseurs pour préparer le chemin du Seigneur dans les cœurs -, est indissociable de la guérison des malades ou du soulagement que l’on peut apporter aux souffrances des hommes. La mission de l’Église en ce monde est bien d’annoncer une espérance, mais cette parole d’espérance ne peut être reçue et acceptée que si elle s’appuie sur des gestes de salut que l’Église a mission de réaliser : non seulement guérir les malades, mais aussi soulager les hommes dans leur souffrance, d’être attentif à ceux qui sont les plus délaissés, accueillant à ceux qui sont mal reçus, désireux de faire place à tous ceux qui peuvent entendre la parole du Christ. Le pasteur est envoyé pour proposer une espérance aux hommes, mais cette espérance ne peut prendre corps que si l’Église met en œuvre les signes du salut à travers les gestes et les actions de solidarité, de compassion, de soulagement qu’elle peut apporter au monde.

Ainsi frères et sœurs, en rendant hommage à Claude FRIKART, au ministère qu’il a exercé parmi nous, nous sommes ramenés vers la figure de l’unique pasteur, le Seigneur Jésus, qui est venu non seulement annoncer que le règne de Dieu était arrivé, mais donner le signe complet de cet avènement du règne de Dieu par l’offrande de sa vie pour le salut des hommes. « Voici que je viens Seigneur, pour faire ta volonté » (Ps 39). Cette obéissance à la volonté de Dieu, cette offrande de soi-même pour la volonté de Dieu, telle que Jésus l’a vécue jusque sur le calvaire, est le chemin où les pasteurs sont invités à le suivre, le chemin où il les envoie en avant de lui pour annoncer sa venue. Prions Dieu que cette mission soit portée avec confiance, sérénité et paix par ceux qu’il choisit d’envoyer.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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