Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe au Foyer de Charité de Tressaint à l’occasion de la retraite des prêtres de Paris - 4e Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Dimanche 1er février 2015 - Tressaint (22104)

Jésus révèle peu à peu qui il est et quelle est sa mission dans l’évangile de saint Marc. Il apparaît comme le prophète annoncé par Moïse, en enseignant avec autorité et en chassant des esprits mauvais. Accueillons-nous à notre tour le Parole de Jésus comme une parole nouvelle qui change notre cœur ?

 Dt 18, 15-20 ; Ps 94,1-2.6-9 ; 1 Co 7,32-35 ; Mc 1, 21-28

Frères et Sœurs,

Dimanche dernier nous avons commencé la lecture continue de l’évangile de saint Marc qui nous rapportait le début de sa mission publique. Il est venu proclamer la bonne nouvelle : « les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche, convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle » (Mc 1,15), et il a appelé les quatre premiers disciples. Voici que Jésus et ces quatre disciples arrivent à Capharnaüm, la ville de Pierre. Ce passage de l’évangile de saint Marc va nous retenir pendant plusieurs dimanches. Il est signalé comme une journée à Capharnaüm. D’une certaine façon, c’est une journée inaugurale qui préfigure ce qui va s’ensuivre dans l’évangile, mais c’est surtout la première étape du chemin dans lequel ces quatre premiers disciples sont invités à suivre Jésus. À nous qui sommes les auditeurs de cet évangile de saint Marc, pendant les dimanches de cette année, l’invitation nous est faite aussi à le suivre pour découvrir peu à peu qui il est.

Dans cette première étape, la liturgie nous suggère de comprendre un aspect de la mission de Jésus, celui du prophète, en nous rappelant la promesse faite à Moïse : « au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera lever un prophète, et vous l’écouterez » (Dt 18, 15). En nous donnant ce passage du livre du Deutéronome, la liturgie nous suggère de comprendre ce que Jésus fait ce jour-là à Capharnaüm, à la synagogue, le jour du sabbat. Le peuple est rassemblé, Jésus se lève, et comme c’était annoncé par Moïse, il se met à enseigner. Ce prophète ne dit pas des paroles qui viennent de lui, mais des paroles qui viennent de Dieu : « je mettrai dans sa bouche mes paroles, il leur dira tout ce que je lui prescrirai » (Dt 18, 18). On comprend alors que cette manière de s’exprimer devant le peuple rassemblé soit perçue comme un enseignement d’autorité, c’est-à-dire un enseignement qui puise sa force non pas dans la qualité de l’orateur, mais par l’origine du message annoncé : « le règne de Dieu s’est fait proche, convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ». La concision du message tranche avec l’enseignement des scribes, beaucoup plus volumineux, avec quantité de références à la loi et aux prophètes, à la tradition juive, au point que peu à peu, on finissait par oublier pourquoi cet enseignement était donné. Est-ce que c’était pour transformer les Juifs qui l’entendaient en experts dans l’interprétation des commandements ? Ou bien était-ce pour annoncer cette bonne nouvelle de l’avènement du royaume et de la conversion de vie ? Alors cet enseignement nouveau, bref, concis, fort, qui n’est pas simplement un commentaire des commandements ou une glose sur l’histoire d’Israël, mais l’annonce d’un temps nouveau, frappe ceux qui l’entendent, et ils l’écoutent comme un homme qui a autorité.

Le deuxième signe de cette mission prophétique est révélé dans la domination sur l’esprit mauvais qui habite cet homme et qui veut « prématurément » désigner celui qui est le Fils de Dieu. Le temps n’est pas encore venu de connaître exactement l’identité de Jésus, c’est pourquoi il impose le silence à cet homme et en fait sortir l’esprit mauvais. Mais cette domination, cette maîtrise de Jésus sur les esprits mauvais n’est pas une exclusivité de la personne de Jésus. Il y avait d’autres prédicateurs et d’autres rabbins qui imposaient les mains, qui libéraient des esprits mauvais. Mais pourtant, tous s’interrogent : qu’est-ce que cela veut dire ? Un phénomène nouveau apparaît à Capharnaüm : la figure du prophète annoncée par Moïse. Qu’est-ce que cela veut dire ? Un enseignement nouveau proclamé avec autorité, il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent, voilà la figure du prophète qui commence à se dessiner au début de la vie publique de Jésus. Cette figure va se développer dans la suite de l’évangile de Marc et elle nous invitera à progresser avec les disciples dans la reconnaissance de celui qui apporte un enseignement nouveau, qui délivre des esprits mauvais, et dont la renommée commence à se répandre dans toute la Galilée. Nous pourrions légitimement être émerveillés d’une renommée qui s’étend aussi vite en si peu de temps, après si peu de signes ! Mais cette renommée ne résistera pas à l’épreuve, elle est là plutôt pour montrer que Jésus touche le cœur des hommes et que son intervention rejoint l’attente de beaucoup de ses contemporains.

Nous qui accueillons cette parole aujourd’hui, nous reconnaissons que Jésus est celui qui nous parle avec autorité, avec un enseignement nouveau, non pas parce qu’il nous dirait des paroles que nous n’avons jamais entendues, mais parce qu’il nous fait entendre ses paroles d’une oreille nouvelle, il nous fait prendre conscience que la Parole qui vient de Dieu n’est pas simplement du bavardage mais une Parole qui veut toucher notre cœur et nous appeler à la conversion pour accueillir le royaume qui vient. Nous reconnaissons dans la Parole du Christ le glaive qu’évoque l’épître aux Hébreux qui pénètre jusqu’aux jointures de l’âme. On peut lire beaucoup de livres, on peut faire beaucoup de réflexions, on peut entendre beaucoup de sermons sans que tout cela ne bouleverse profondément notre cœur ! Mais il y a la parole de Dieu, la parole d’autorité du Christ, qui peut être tout à fait modeste dans sa formulation mais qui va devenir une parole vraie pour moi aujourd’hui. Chaque dimanche, dans ce que j’ai entendu, qu’est-ce qui devient une parole pour moi ? Pas simplement la parole liturgique qui a été proclamée, commentée, chantée ! Quand je vais repartir, est-ce qu’il y a un mot, une phrase, qui a pénétré mon cœur et qui va devenir une lumière pour cette journée et peut-être pour la semaine qui suit ? Est-ce que vraiment cet enseignement du Christ est nouveau pour moi ? Est-ce qu’il me renouvelle ? Est-ce qu’il me fait voir les choses d’une façon nouvelle ?

Demandons au Seigneur que notre écoute de la parole de Dieu, en particulier à travers cette lecture continue de l’évangile de Marc, nous aide à progresser dans la découverte de la personne du Christ, à mieux comprendre qui est Jésus, et à devenir, à notre tour, des disciples qui l’accompagnent, qui le suivent pour participer à l’annonce de la bonne nouvelle. Les temps sont accomplis, le royaume de Dieu s’est fait proche, convertissez-vous et croyez à l’Évangile. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

Homélies

Homélies