Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe en présence des boulangers (Fête du Pain) à ND – 6e dimanche de Pâques – Année B

Dimanche 10 mai 2015 - Notre-Dame de Paris

Le discours après la Cène rassemble le testament de Jésus : la mort de Jésus sur la croix n’est pas un signe d’abandon de Dieu mais au contraire la révélation de son amour pour l’humanité. Du cœur du message du Christ : l’amour et la miséricorde de Dieu, découle le commandement de l’amour entre les hommes. Les chrétiens sont invités à en être les témoins.

 Ac 10, 25-26. 34-35. 44-48 ; Ps 97 ; 1 Jn 4, 7-10 ; Jn 15, 9-17

Frères et Sœurs,

Dans l’évangile de saint Jean, le discours après la Cène rassemble des paroles du Christ qui sont comme un testament, c’est-à-dire comme les dernières instructions qu’il veut donner à ses disciples, mais aussi comme la clef qui peut leur permettre de mieux comprendre les événements auxquels ils vont être associés.

Il y a quelques semaines nous avons célébré la semaine sainte, le vendredi saint, la mort de Jésus et sa Résurrection, le jour de Pâques, et nous avons été confrontés, comme les disciples, à la grande question de savoir ce que cela veut dire. En effet, on peut interpréter la mort de Jésus de toutes sortes de façons, soit comme une injustice, soit comme une lâcheté de Pilate, soit comme un acharnement des grands prêtres, on peut toujours trouver des explications humaines à l’événement lui-même, mais la question à laquelle notre foi est confrontée est beaucoup plus grave et beaucoup plus profonde : qu’est-ce que cela veut dire de la part de Dieu ? Faut-il voir la mort de Jésus comme un signe que Dieu a abandonné les hommes, comme un signe de désintérêt, d’indifférence de la part de Dieu sur les événements auxquels nous sommes confrontés ?

Ceux qui ont été témoins de la mort de Jésus pensaient que Dieu l’avait abandonné, et beaucoup au cours des siècles ont considéré que la mort du Christ sur la croix était comme un signe de la trahison de Dieu. Par les paroles que Jésus adresse à ses disciples, c’est une tout autre interprétation qui nous est proposée. Ce qu’il nous propose de voir dans ces événements ce n’est pas l’indifférence de Dieu, c’est au contraire l’amour de Dieu pour l’humanité. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Cet amour premier de Dieu va jusqu’au bout de sa logique : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Le signe que Dieu nous aime de l’amour le plus grand qui est imaginable, c’est précisément que Jésus offre sa vie pour l’humanité qu’il aime. C’est cela la bonne nouvelle de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus. C’est pourquoi cette annonce de la puissance de l’amour de Dieu à l’œuvre pour l’humanité est présentée par le Christ comme le cœur de son message, il n’y a qu’un seul commandement : le plus grand qui est le commandement de l’amour. La puissance de Dieu s’est manifestée à nous à travers sa miséricorde envers son peuple. Nous savons qu’existe dans l’univers au moins une personne dont l’amour est plus fort que l’infidélité, l’indifférence, ou la haine. Nous savons qu’il y a au moins une personne capable de pardonner quand on lui a manqué et que l’on se tourne vers lui. C’est cette proclamation de l’amour et de la miséricorde de Dieu qui doit remplir de joie ceux qui en reçoivent l’annonce : « Je vous ai dit cela » dit Jésus à ses disciples, « pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11).

Bien sûr, dans chacune de nos existences humaines, il y a des causes de souffrance et de tristesse. Nous n’avons pas tous les jours l’occasion d’être dans la joie, ou plus exactement, les événements ne nous satisfont pas tous les jours, de telle façon que nous puissions nous dire irrémédiablement heureux. Ce n’est pas la bonne fortune qui nous rend heureux, c’est la promesse de Dieu de nous aimer plus que tout et jusqu’au bout. C’est la manifestation de cet amour absolu et définitif dans la croix du Christ qui doit nous remplir de joie car elle nous fait comprendre ce que saint Jean dit dans une de ses épîtres : Dieu est plus grand que notre cœur et même si nous avons des choses à nous reprocher ou des malheurs qui surviennent dans notre vie, nous savons qu’il y a quelqu’un qui est plus grand que notre péché et que nos malheurs. Cette joie vient de la parole de Jésus à ses disciples : « je ne vous appelle plus serviteurs mais je vous appelle amis » (Jn 15,15). Nous ne sommes plus par rapport à Dieu comme des serviteurs, nous sommes devenus les amis du Christ et les amis de Dieu, non pas parce que nous serions montés en grade, mais parce que Dieu nous a dévoilé le secret de son mystère qui est la miséricorde et le pardon.

Oui, nous avons été choisis, nous avons été appelés, nous avons été établis comme Jésus nous le dit : pour porter du fruit et un fruit qui demeure. Cela est la source de notre joie.

La réponse que le Christ attend de ses disciples quand il leur fait cette annonce pleine de joie et d’espérance, c’est simplement qu’ils mettent en pratique le commandement qu’il leur donne : « nous aimer les uns les autres » (Jn 15,17) comme lui-même nous a aimés.

Frères et sœurs, au moment où tant de nos contemporains sont victimes de la haine et de la violence, où tant de gens autour de nous sont victimes de la trahison de leur amour, où tant de jeunes doutent qu’il y ait pour eux une chance d’avenir, nous sommes appelés à témoigner de cette parole du Christ non seulement avec des mots, mais en acte et en vérité, c’est-à-dire en surmontant toutes les raisons que nous pourrions avoir de ne pas nous aimer, pour nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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