Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe d’action de grâce à ND pour la béatification de Mgr Oscar Arnulfo ROMERO – Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Année B

Dimanche 7 juin 2015 - Notre-Dame de Paris

En Jésus, obéissant à Dieu, et offrant sa vie par son corps livré et son sang versé, l’alliance que Dieu a établie avec l’humanité est définitive. En célébrant l’eucharistie, nous unissons dans une même action l’écoute de la parole de Dieu et le sacrifice que le Christ fait de sa vie pour le salut du monde. La vie du bienheureux Oscar ROMERO est une illustration de la vie eucharistique de l’Église. Lui-même a offert sa vie au cours de la messe pendant laquelle il fut assassiné.

 Ex 24, 3-8 ; Ps 115 ; He 9,11-15 ; Mc 14,12-16,22-26

Frères et Sœurs,

Le récit de l’alliance conclue entre Dieu et son peuple élu, Israël, que nous rapporte le livre de l’Exode nous aide à mieux comprendre le chemin par lequel Dieu a conduit l’humanité vers la communion plénière avec lui. En effet, cette première alliance, dont Moïse est l’instigateur, repose sur l’observance des commandements et de la parole reçus de Dieu que le peuple entier s’engage à mettre en pratique. Cet engagement à observer le code de l’alliance est consacré d’une certaine façon par le sacrifice d’animaux dont le sang répandu sur l’autel et sur le peuple est en même temps un signe de communion. Mais nous voyons bien que ce sacrifice d’animaux, ce sang versé, ne garantissent pas l’observance de l’alliance, pas plus que le sacrifice annuel pour le pardon des péchés ne réussit à délivrer complètement l’humanité du mal dont elle est victime.

C’est pourquoi le Christ annonce une alliance nouvelle et définitive. Elle est nouvelle et définitive non pas parce que les partenaires auraient changé, mais parce que le déroulement et l’accomplissement en sont changé. Il ne s’agit plus simplement d’avoir d’un côté la loi de Dieu, à laquelle on s’efforce d’obéir du mieux possible et d’un autre côté des sacrifices qui rappellent l’engagement initial ou qui visent à effacer les manquements aux commandements. Dans la personne de Jésus, l’obéissance totale à la volonté de Dieu, et donc l’accomplissement parfait des commandements, l’offrande de sa vie par son corps livré et par son sang versé sont une seule et même démarche. Il ne peut plus y avoir d’obéissance morale à la loi sans que la liberté tout entière soit engagée et que la vie elle-même soit offerte. C’est pourquoi, la célébration eucharistique par laquelle nous mettons en œuvre le commandement du Seigneur de « faire cela en mémoire de lui », unit dans une même action l’écoute de la parole de Dieu, son accueil, sa compréhension et le sacrifice par lequel le Christ offre à Dieu sa vie pour le salut du monde. Ce ne sont pas deux actions disjointes, car c’est la même obéissance à la parole de Dieu qui façonne le cœur du Fils unique, et c’est l’offrande de sa vie qui ouvre pour nous la possibilité de le suivre. Ainsi, dans un même acte sacramentel, nous unissons l’accueil et l’obéissance aux codes de l’alliance, et l’invitation à l’offrande de notre vie. Ainsi, quand nous participons à l’eucharistie, nous sommes engagés indissociablement dans la détermination à entendre les commandements de Dieu et à les mettre en pratique, et la résolution de laisser cette parole de Dieu transformer notre vie, l’ouvrir à l’amour de nos frères jusqu’à ce que nous soyons appelés, d’une façon ou d’une autre, à donner notre vie pour nos frères.

L’exemple de Mgr Oscar Romero est une bonne illustration de cette unique dimension de la vie eucharistique de l’Église, puisque c’est au moment où il prêchait, au cours de la messe, c’est-à-dire précisément au moment où il essayait de mettre en lumière les exigences de la parole de Dieu dans la situation qui était celle du Salvador à ce moment-là, qu’il a été exécuté, unissant le sang qu’il versait au sang versé par le Christ pour le salut du monde. Chaque fois que nous répétons les gestes et les paroles par lesquelles le Christ a transmis à ses disciples la possibilité d’actualiser son sacrifice, ce que nous appelons le récit de l’institution et dont nous venons d’entendre une évocation dans l’évangile de saint Marc, chaque fois que nous prononçons ces paroles et que nous accomplissons ces gestes, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. Mais en annonçant la mort du Seigneur, nous annonçons aussi notre disponibilité, notre détermination, à offrir notre propre vie pour le salut de nos frères. C’est pourquoi, le ministère liturgique par lequel nous célébrons ce sacrement, inclut une offrande totale de soi, sans reprise et sans repentir. C’est pourquoi aussi l’Église, chaque fois qu’elle célèbre l’eucharistie, garantie par la parole de Jésus lui-même et par la puissance de l’Esprit, sait et croit que Jésus mort et ressuscité est vraiment présent sous les signes du pain et du vin. Cette foi en la présence réelle du Christ est le fondement de la dévotion traditionnelle au Saint-Sacrement, telle qu’elle s’est exprimée à travers les siècles, non pas seulement comme l’objet d’une vénération et d’une adoration, mais comme un acte de communion par lequel notre intention, notre désir, et nos efforts, pour mettre en œuvre les commandements de Dieu dans la fidélité à l’alliance s’expriment à travers notre participation. Aussi, quand nous venons célébrer l’eucharistie nous n’abandonnons pas à la porte de l’Église la vie qui est la nôtre, nous l’introduisons dans l’offrande de Jésus et quand nous repartons forts de la présence du Christ en nos cœurs nous partons pour mettre en pratique la parole de Dieu à travers tous les domaines de notre existence.

Frères et sœurs, en ce jour de la fête du Saint-Sacrement, c’est une joie particulière de faire mémoire du bienheureux Oscar ROMERO, du témoignage qu’il a rendu à l’eucharistie par la vigueur de sa parole quand il s’adressait aux fidèles de son Église et plus largement à ses compatriotes, comme à la fermeté de son sacrifice alors qu’il savait que les positions qu’il avait prises, l’engagement qui avait été le sien, provoqueraient le sacrifice final.

Que Dieu nous fasse puiser une force nouvelle dans l’exemple qu’il nous donne, et qu’il nous rende forts du pain des forts. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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