Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe de la dédicace de l’église Notre-Dame des Buttes-Chaumont et consécration de l’autel

Dimanche 13 septembre 2015 - Notre-Dame des Buttes-Chaumont (19e)

Signe visible de la présence de Dieu et des chrétiens en ce monde, nos églises de pierre sont le lieu de la proclamation et de l’écoute de la parole, le lieu de la communion, le signe des merveilles que Dieu accomplit pour nous. Les paroisses sont appelées à devenir des microsociétés d’amour au cœur des quartiers de la ville.

 Ne 8,1-4a.5-6.8-10 ; Ps 18 ; 1 P 2,4-9 ; Jn 2,13-22

Frères et Sœurs,

Les églises que nous construisons et que nous décorons ne sont pas des lieux sacrés. Nous ne vivons pas dans les religions païennes qui adorent des objets, des statues ou des totems. Nous vivons dans la religion du Christ et le Christ, comme nous venons de l’entendre dans l’évangile, a voulu faire comprendre que le véritable temple de Dieu n’est pas un bâtiment, c’est une personne : lui-même. C’est lui qui est la présence de Dieu au milieu des hommes, c’est lui qui est la présence de Dieu au milieu de nous, et c’est lui qui a envoyé son Esprit pour qu’à notre tour nous devenions présence de Dieu au milieu des hommes et que, selon la parole de l’apôtre Pierre, nous annoncions les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.

C’est dire qu’une église, c’est d’abord un peuple. L’Église du Christ est d’abord un peuple. Ce sont les membres de ce peuple que saint Pierre identifie à des pierres spirituelles, à des pierres vivantes, qui constituent l’édifice visible de l’Église. Les bâtiments que l’on peut souhaiter les plus beaux possibles, les plus accueillants, les plus authentiques par rapport au message du Christ, ne sont que le symbole, la représentation visible pour tout homme qui passe à travers les rues, de ce peuple invisible dispersé dans chaque rue, immeuble, lieu de travail ou de loisir. L’Église du Christ dans le monde, ce sont les chrétiens présents à la vie de tous les hommes. Mais cette présence diffuse, et parfois ignorée, se rend visible et perceptible dans le tissu de la société à travers les bâtiments où ces chrétiens se réunissent. C’est pourquoi, être chrétien, c’est d’abord participer à ce rassemblement du peuple de Dieu auquel nous sommes invités chaque dimanche. C’est témoigner de la vitalité de la parole de Dieu en ce temps, à travers notre manière d’être dans la vie de tous les jours. Rassemblés par Dieu lui-même, dimanche après dimanche, nous sommes invités à entendre la parole de Dieu, comme le peuple réuni près du temple entendait Esdras proclamer la loi de Moïse. Les chrétiens sont d’abord des auditeurs de la parole de Dieu, ils l’écoutent, ils l’accueillent, ils la savourent, ils l’intègrent, ils en font la substance de leur vie. La liturgie à laquelle nous participons a comme première mission de proclamer cette parole, de la commenter, de l’ajuster à notre condition du moment, aux circonstances dans lesquelles nous vivons, bref de l’actualiser, de la rendre présente pour nous aujourd’hui, comme le faisaient les scribes et les Lévites après la lecture du prophète : ils commentaient, ils expliquaient, et même ils traduisaient pour des gens qui n’entendaient pas la langue dans laquelle cette parole était proclamée.

Nos églises sont d’abord le lieu de la proclamation de la parole, comme une lumière pour notre vie. Nos églises sont ensuite le lieu de la communion avec le Christ ressuscité, communion sacramentelle que nous célébrons dans l’eucharistie ; communion intime que l’Esprit Saint accomplit dans nos cœurs quand il nous ouvre à la parole que nous entendons ; communion fraternelle dans la mesure où la parole reçue et la communion avec le Christ font de nous une famille de frères dans laquelle chacune et chacun doit être reconnu pour lui-même, accepté, respecté et accueilli.

Grâce à Dieu, dans ce quartier et dans cette paroisse, vous avez une longue tradition de diversité entre les membres de la communauté, diversité d’origines, diversité de couleurs, diversité de cultures, diversité de conditions de vie… C’est un signe que nous sommes appelés à donner dans notre cité : la parole de Dieu est capable, à partir de ces diversités multiples de construire une véritable famille dans laquelle chacune et chacun prend part à la vie des autres, assume les faiblesses, les difficultés, accepte aussi d’être aidé dans ses propres difficultés.

L’église comme lieu d’écoute de la parole, l’église comme lieu de communion, l’église comme signe des merveilles que Dieu accomplit pour nous. Beaucoup des gens qui vivent autour de nous, et physiquement autour de cette église qui est le symbole de la présence du peuple de Dieu dans ce quartier, sont étrangers à la foi chrétienne. Ils ne la rejettent pas nécessairement mais ils l’ignorent, parce qu’ils n’ont pas vu de leurs yeux ce que la puissance de Dieu peut produire dans le cœur des hommes. Ils peuvent venir des cinq continents de la terre, ils peuvent venir de toutes sortes d’horizons religieux, ils peuvent venir du vide religieux, ils peuvent venir de la générosité humaniste, comme ils peuvent venir de la haine qui traverse les sociétés humaines. Notre Église porte une mission au milieu de ces populations. Il ne s’agit pas de leur faire accepter de force -même si c’est une force morale ou orale- nos convictions, mais de vivre ces convictions de telle façon qu’ils puissent se poser la question : d’où cela vient-il ? Qu’est-ce qui fait que ces hommes, ces femmes, dans toutes leurs différences, d’âges, de cultures, de conditions sociales, peuvent surmonter les violences qui marquent habituellement les relations entre les hommes, et construire une microsociété d’amour ? La paroisse doit être cette microsociété d’amour, le lieu où la relation entre les hommes est fondée sur la miséricorde de Dieu, le lieu où chacun essaye de se mettre à l’écoute de son frère.

Frères et sœurs, voilà cinquante ans que cette paroisse a été érigée, c’est peu de temps à l’échelle des siècles, c’est beaucoup à l’échelle de notre histoire humaine telle qu’elle se déroule aujourd’hui. Vous avez hérité non seulement d’un bâtiment mais d’une tradition familiale, paroissiale, qui appelle parmi vous celles et ceux que Dieu a touchés au cœur, pour qu’ils se mettent, pierres vivantes de l’Église, à la construction du peuple de Dieu dans ce quartier de Paris.

Rendons grâce à Dieu qui nous fait participer de cette œuvre et qui nous permet de l’accueillir, de nous nourrir de sa parole et de sa vie, de l’annoncer à tous ceux qui nous entourent.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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