Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Dimanche de la Résurrection – Messe du jour de Pâques à ND

Dimanche 27 mars 2016 – Notre-Dame de Paris

Croire à la résurrection du Christ est le fruit d’un cheminement spirituel. Le tombeau vide est un signe, non une preuve. Nous nous appuyons sur le témoignage des disciples qui ont vu le Christ ressuscité. Fortifiés par l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte, ils ont témoigné jusqu’au martyre. Nous croyons aussi en raison du témoignage rendu au Christ par les chrétiens à travers le temps et l’espace. Le baptême ouvre à une vie nouvelle qui nous rend capables d’être témoins de la résurrection.

 Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9

Frères et Sœurs,

En ce jour, grand parmi les jours de l’année, où nous fêtons la Résurrection du Christ, nous sommes invités à nous demander en quoi cette résurrection du Christ touche notre vie aujourd’hui. Nous sommes provoqués à nous demander comment nous croyons à la résurrection du Christ. En effet, à travers le récit de l’évangile de Jean, le cheminement qui conduit à reconnaître que le Christ est ressuscité, est un cheminement spirituel. Il ne relève pas simplement des données matérielles que l’on peut constater, mais il rejoint une communion personnelle.

Le disciple que Jésus aimait a couru plus vite, il est arrivé le premier, et même si, pour respecter la prééminence de Pierre, il a attendu pour entrer dans le tombeau et constater les faits, c’est à lui que l’évangile attribue : « il vit et il crut » (Jn 20,8). La question repose justement sur le passage de la vision à la croyance. Tout le monde pouvait voir que le tombeau était vide. Marie-Madeleine l’a vu, et elle a interprété dans un premier temps le vide du tombeau simplement comme une disparition du corps de Jésus. D’ailleurs, ceux qui voulaient réfuter la résurrection de Jésus dans les premiers jours ont essayé de soudoyer les soldats qui gardaient le tombeau en leur disant de témoigner qu’ils s’étaient endormis et que l’on avait pu enlever le corps pour faire croire à sa résurrection. Nous voyons bien que ce tombeau vide en lui-même, matériellement, par le signe qu’il donne, ne suffit pas à provoquer la foi, il peut tout au plus intriguer, conduire à se poser des questions, mais passer de la constatation à l’adhésion est un chemin difficile et long. Comment nous-mêmes, sommes-nous conduits à croire à la résurrection du Christ ? Qu’est-ce que nous avons à voir ? Qu’est-ce que nous pouvons constater par expérience qui peut susciter une interrogation sur ce que nous croyons ?

Croire à la résurrection du Christ, c’est d’abord croire, de confiance, à l’authenticité du témoignage des disciples. Nous voyons dans les Actes des Apôtres comment Pierre, chez le Centurion, rend témoignage à la résurrection de Jésus. Nous voyons comment dans les premiers jours après la résurrection, le Christ apparaît ressuscité à ses disciples. C’est sur cette vision du Ressuscité que s’appuie leur témoignage. Ce témoignage, comme le dit l’évangile de Jean, est vrai, digne de confiance, pas simplement parce qu’on suppose que les disciples étaient d’honnêtes témoins - on sait très bien que d’honnêtes témoins peuvent se tromper ou tromper - mais parce que les disciples témoignent par la force de l’Esprit Saint reçu au jour de la Pentecôte. C’est ce témoignage de l’Esprit qui fortifie leur parole et qui les conduit à affirmer la résurrection du Christ envers et contre tout et à accepter que cette affirmation fasse d’eux des marginaux, des hors-la-loi et éventuellement des martyrs. C’est donc sur ce premier témoignage que s’appuie notre foi. C’est parce que nous avons reçu ce témoignage, à travers les Écritures, à travers la tradition de l’Église, que nous croyons que Jésus est ressuscité.

Mais nous n’avons pas seulement le témoignage de l’Écriture et de la tradition pour éclairer notre jugement et pour fortifier notre adhésion à la personne du Christ ressuscité, nous avons le témoignage actuel de la puissance de la résurrection. Ce témoignage, c’est celui que nous pouvons constater et vérifier quand nous voyons des hommes et des femmes, qui ne sont ni meilleurs ni plus forts que les autres, mener une vie droite et renouvelée, comme nous y invite saint Paul dans l’épître aux Corinthiens. Ces hommes et ces femmes, animés par l’Esprit Saint, acceptent que leur existence soit conduite non pas simplement par leur intérêt ou par leur désir mais par l’amour que Dieu a répandu en leur cœur et les conduit à se faire serviteurs les uns des autres. Ce témoignage de vie, aujourd’hui, nous le constatons chez des chrétiens qui nous entourent, que nous pouvons connaître, nous le constatons de façon plus générale par le témoignage de l’Église en ce monde, et nous le constatons de manière plus cruciale à travers le témoignage que des croyants rendent au Christ ressuscité jusqu’à supporter la persécution et la mort. C’est ce qui arrive à un certain nombre de chrétiens aujourd’hui à travers le monde. Comment iraient-ils braver l’opposition, le mépris, la persécution et encourir la mort s’ils n’étaient animés par la force de l’Esprit qui transcende leur propre faiblesse ?

Ce témoignage du Christ ressuscité que l’Esprit rend à travers le corps des chrétiens, si pauvres, si faibles que nous soyons, si pécheurs que nous puissions être, nous le constatons aussi dans notre propre vie, quand nous sommes les auditeurs fidèles de la parole de Dieu, quand nous essayons de mettre cette parole en pratique, quand nous nous tournons vers Dieu pour le prier et pour le laisser conduire notre vie. Nous manifestons ainsi à nos propres yeux que nous sommes habités, non pas simplement par des forces aveugles mais par l’Esprit du Christ, qui nous fait vivre par la puissance d’une nouvelle existence à laquelle sa résurrection a ouvert la porte.

Ainsi, la pierre que Marie Madeleine voit roulée à côté du tombeau, c’est la pierre roulée devant nos propres expériences de mort, devant la mort qui habite l’existence humaine et qui ouvre le chemin à une vie nouvelle dans laquelle nous sommes invités à notre tour à être témoins du Christ et à annoncer sa résurrection.

Frères et sœurs, en ce jour de Pâques, je vous invite à raviver en vous le don de votre baptême. C’est ce que nous allons faire à l’instant en renouvelant la profession de foi baptismale.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

Homélies

Homélies