Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Dimanche in albis et dimanche de la divine Miséricorde

Dimanche 3 avril 2016 - Notre-Dame de Paris

Comme Thomas, nous sommes invités à croire sans avoir vu. Mais notre foi s’appuie néanmoins sur différentes expériences du Christ ressuscité : la puissance du Christ à l’œuvre à travers les disciples, la vie du Christ en chacun de nous et le signe de la rémission des péchés. Le Christ est venu apporter la paix au monde en appelant à la réconciliation. Être disciple du Christ, c’est vivre dans la paix que lui seul peut nous apporter en nous délivrant du mal, du péché et de la culpabilité.

 Deuxième dimanche de Pâques – Année C
 Ac 5,12-16 ; Ps 117 ; Ap 1,9-11a.12-13.17-19 ; Jn 20,19-31

Frères et Sœurs,

L’apparition du Christ ressuscité aux disciples, en particulier à Thomas, nous aide à percevoir l’une des difficultés centrales à laquelle l’esprit humain est confronté quand se pose à lui la question de la foi au Christ ressuscité. Sur quelle expérience cette foi s’appuie-t-elle ? Thomas joue le rôle de représentant symbolique. Il ne peut croire que ce qu’il voit. Jésus, en lui permettant de toucher son corps ressuscité, profite de l’occasion pour qualifier d’« heureux ceux qui croiront sans avoir vu » (Jn 20,29). Nous sommes consolés de savoir que notre cas a été prévu et anticipé… car nous sommes de ceux qui croient sans avoir vu le corps du Christ ! Mais cela ne veut pas dire que notre foi ne s’appuie sur aucune expérience, ni que nous n’avons rien à voir. Les trois lectures de cette liturgie nous introduisent à découvrir et à comprendre qu’il existe des expériences du Christ ressuscité de genres différents.

La première expérience, relatée dans le livre des Actes des Apôtres, consiste à découvrir la puissance du Christ ressuscité à l’œuvre à travers ses disciples. Cela se passe après l’Ascension du Christ. On pourrait dire d’une certaine façon qu’il n’y a plus rien à voir, puisque Jésus est retourné auprès du Père et qu’il ne reste que cette poignée de disciples. C’est à ce moment-là, qu’à travers cette poignée de disciples, la puissance de Dieu va se manifester. Nous voyons la puissance du Christ ressuscité, à travers leur enseignement, mais surtout à travers les signes qu’ils vont donner. Il suffisait que l’ombre de Pierre - même pas Pierre lui-même, non pas une intervention directe et personnelle de Pierre mais l’ombre de Pierre - passe sur l’un ou sur l’autre pour qu’il soit guéri (Ac 5,16). C’est dire à quel point la résurrection du Christ, sa victoire sur la mort, sur le mal, sur les esprits mauvais, combien cette puissance est à l’œuvre à travers la mission des Apôtres, et donc à travers la mission de l’Église qu’ils ont constituée.

Dans le livre de l’Apocalypse, nous nous situons dans un autre registre. Il ne s’agit plus d’une expérience immédiate mais d’une vision. Celui qui est appelé à rédiger ce livre de l’Apocalypse voit, dans la vision de l’Esprit, ce que les autres ne voient pas. Il vit une expérience intérieure dans laquelle il voit un fils d’homme revêtu d’une longue tunique. Ce fils d’homme lui dit : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort et me voilà vivant pour les siècles » (Ap 1,17-18). Chacun d’entre nous peut faire l’expérience de cette vie du Christ en lui, même s’il n’a pas une vision aussi nette que celle de l’Apocalypse.

L’apparition du Christ à ses disciples nous laisse un autre signe de la présence du Christ ressuscité parmi nous, c’est le signe de la rémission des péchés. En effet, Jésus envoie ses disciples. Il souffle sur eux – c’est-à-dire qu’il leur donne son Esprit : « Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20,22-23). A travers cette mission que Jésus confie à ses disciples se constitue un des signes de la présence active du Christ ressuscité à l’histoire des hommes. Il est celui dont l’Esprit répandu sur les disciples est capable de délivrer l’homme du mal qui habite son cœur et de le délivrer de sa culpabilité. Jésus est celui qui délivre l’homme du péché, il le délivre du mal qu’il a commis, et il le délivre surtout des cicatrices que ce mal laisse dans le cœur de l’homme, comme la trace de son infidélité.

C’est pourquoi le chrétien, contrairement à ce que beaucoup pensent, n’est pas quelqu’un qui est obsédé par le mal. Il n’est pas quelqu’un qui vit de scrupules et qui va jour après jour, chercher avec anxiété ce qui peut être mauvais dans sa vie. C’est quelqu’un qui a été libéré par l’Esprit du Christ ! C’est quelqu’un qui a été conduit à surmonter les effets du péché dans sa vie. Le chrétien est celui qui vit dans la sérénité et la paix parce qu’il sait que le Christ l’a délivré. Dans cette apparition, la formule employée par Jésus : « la paix soit avec vous ! » (Jn 20,21), - formule de salutation, manière de se saluer - dépasse le cadre habituel de cette salutation banale pour annoncer quelque chose de beaucoup plus profond. Le Christ ne se contente pas de saluer ses disciples ! Il leur annonce que par sa résurrection, il est venu apporter la paix au monde, non seulement la paix des armes en invitant les hommes à se réconcilier les uns avec les autres, mais aussi la paix du cœur en délivrant le cœur de l’homme de son péché.

Ainsi, devenir disciple du Christ, c’est s’établir dans cette paix profonde qui résulte de la certitude que le Christ ressuscité, et lui seul, peut délivrer l’homme du mal, de sa culpabilité, de son péché. Le Christ ressuscité, et lui seul, par l’ombre de l’Église qui s’étend sur l’humanité, comme l’ombre de Pierre, comme nous le disaient les Actes des Apôtres, peut apporter à l’homme une promesse de délivrance. Le Christ ressuscité, et lui seul, quand il se manifeste au cœur des croyants, ne leur apporte pas un message de crainte et de honte, mais un message d’espérance. C’est ce qui est dit dans le livre de l’Apocalypse : « Ne crains pas. Moi je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort et me voilà vivant pour les siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. » (Ap 1,17-18).

Frères et sœurs, c’est dans la puissance de cette résurrection que tous, nous avons été baptisés ; c’est dans la puissance de cette résurrection que nous accueillons la délivrance de nos cœurs ; c’est dans la puissance de cette résurrection que nous recevons l’espérance que la mort n’aura pas le dernier mot dans l’histoire des hommes ; c’est dans l’espérance de cette résurrection que nous aspirons à être guéris de tout ce qui peut entraver notre vie, par l’ombre de l’Esprit qui vient accorder, au nom du Christ, la paix aux hommes et la paix au monde.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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