Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à ND – Dixième dimanche du temps ordinaire – Année C

Dimanche 5 juin 2016 - Notre-Dame de Paris

En ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, Jésus fait œuvre de compassion à son égard, s’inscrit dans l’héritage d’Elie en se révélant comme un grand prophète, et annonce enfin ce que sera sa propre résurrection. Cette compassion de Jésus, nous en avons besoin pour être réconfortés et à notre tour rassurer nos frères. Croire au Christ ressuscité, c’est nous poser la question du Salut. Est-ce bien vers lui que nous tournons nos regards pour vivre et devenir témoins de sa miséricorde ?

 1 R 17, 17-24 ; Ps 29 (30), 3-4,5-6b, 6cd.12,13 ; Ga 1, 11-19 ; Lc 7, 11-17

Frères et Sœurs,

En ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, Jésus adresse un triple message.

Un premier message est destiné à cette pauvre veuve dont le fils défunt était le seul soutien dans la vie. Elle allait se retrouver sans appui pour mener son existence. Jésus la voit, il est saisi de compassion, il s’approche et il ressuscite son fils. Il manifeste ainsi la miséricorde de Dieu pour l’humanité. Cela est souvent relaté dans l’évangile de saint Luc : Dieu voit la misère de son peuple, il se fait proche de lui et il le sauve.

Jésus adresse un second message à la foule qui l’entoure, dont la plupart des membres sont évidemment des Juifs qui connaissent bien l’histoire de leur peuple et en particulier l’histoire du prophète Elie. En ressuscitant le fils de la veuve de Naïm, Jésus réalise dans le présent le miracle qu’Elie avait réalisé dans le passé et qui lui avait mérité d’être appelé un grand prophète. La femme avait dit de lui : « Je sais que tu es un homme de Dieu, et que dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique ». De même que la résurrection du fils de cette veuve a constitué un signe pour attester la qualité de prophète d’Elie, de même la résurrection du fils de la veuve de Naïm atteste la qualité de prophète, d’homme de Dieu qui apporte la parole du Seigneur de façon véridique sur la personne de Jésus.

Enfin, il y a un troisième message qui est une annonce destinée à ceux qui seront témoins de la mort du Christ. De même que le fils de la veuve de Naïm est relevé d’entre les morts, de même Jésus, condamné, crucifié, mis à mort, sera relevé d’entre les morts par la puissance de Dieu.

Ces trois messages émis par le Christ à travers le geste qu’il a accompli, nous sont destinés à nous aussi aujourd’hui. Nous aussi, nous avons besoin de la compassion de Dieu. Nous aussi nous portons notre part de souffrances, de misères, d’inquiétudes. Nous aussi, nous avons besoin d’être réconfortés, rassurés. Nous avons besoin que Dieu se manifeste dans notre vie pour relever ce qui est soumis à la mort. Cette compassion, Dieu a voulu la manifester aux hommes dans la personne de Jésus. Il la manifeste aujourd’hui pour nous dans la même personne de Jésus, Jésus présent à nos vies, Jésus sacramentellement présent à nos célébrations, Jésus réellement présent dans son corps ressuscité qui est l’Église où ceux et celles qui ont été baptisés dans le Christ sont chargés dorénavant d’exercer la compassion à l’égard de leurs frères.

La foi chrétienne n’aurait aucun intérêt, ni aucune valeur, si elle ne mettait en nos cœurs l’amour de Dieu pour nous rendre capables de nous considérer les uns les autres avec compassion, de nous faire proches de ceux qui nous entourent, d’agir pour qu’ils échappent aux périls de l’existence.

A nous aussi est adressé le message sur l’identité de Jésus comme homme de Dieu, prophète véridique qui nous apporte la parole du Seigneur. A nous aussi est adressé le message qui s’élève de la foule qui rend gloire à Dieu : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple » (Lc 7,16).

Cette proclamation sur l’identité et la mission de Jésus vient prendre corps dans notre existence quand nous acceptons de nous remettre dans la présence du Christ comme celui qui est le centre de nos vies, celui qui nous apporte la parole authentique sur Dieu, celui qui s’adresse à nos cœurs et qui visite notre humanité.

Le troisième message qui porte sur la résurrection du Christ s’adresse à nous aussi parce qu’il nous met en présence du cœur de la foi chrétienne. Croire au Christ, ce n’est pas simplement croire à quelqu’un d’extraordinaire qui a vécu il y a deux mille ans en Palestine. Ce n’est pas simplement croire à un message qui nous serait transmis par des livres. C’est croire à une personne, c’est croire que ce Jésus de Nazareth, qui a vécu en un temps précis de notre histoire, par sa résurrection d’entre les morts met en œuvre un moyen de salut auquel aucun autre n’est comparable. « Il n’y a pas d’autre nom sous le ciel par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4,12) nous disent les Actes des Apôtres. La question posée pour nous est celle-ci : où cherchons-nous notre salut ? De quels côtés tournons-nous nos regards ? Vers qui exprimons-nous notre attente quand nous essayons de faire face aux aléas de notre existence, aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés ? Vers qui nous tournons-nous ?

Jésus, notre Sauveur, est celui qui est venu pour que nous ayons la vie, pour que nous soyons vainqueurs de la mort en lui, pour que nous puissions avec lui devenir témoins de la miséricorde et de la compassion de Dieu.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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